Marcel Viller, « La volonté de Dieu dans les lettres de saint Paul de la Croix »,

Revue d’ascétique et de mystique, 106, avril-juin 1951, p. 132-174.

 

 

La volonté de Dieu dans les lettres de saint Paul de la Croix[1]

 

 


 

A Giuseppe Strambi de Civitavecchia qui lui réclame son fils, entré chez les Passionistes malgré son père, saint Paul de la Croix répond que ni lui ni aucun de ses religieux n’ont attiré le jeune prêtre à la Congrégation et qu’ils l’ont plutôt dissuadé d’y entrer à cause de la faiblesse de son tempérament, mais que devant une vocation venant si manifestement de Dieu ils ont dû s’incliner :

« Devais-je m’opposer à la volonté de Dieu et me charger de l’obligation très lourde de rendre compte au tribunal de Dieu de l’âme de Don Vincent ? Je n’ai pas eu le cœur de faire un si grand péché et je ne me sens pas l’audace (stomaco) de le faire à présent en commandant à Don Vincent de retourner à la maison. Les [133] âmes appartiennent à Dieu et je ne veux pas m’opposer à sa sainte volonté. Je n’ai jamais cherché votre fils. Si de lui-même, il veut partir, je ne le retiens pas. Mais lui commander de retourner, je ne puis le faire en conscience. Si Dieu ne l’appelle pas, il retournera de lui-même ; mais si Dieu l’appelle, que sommes-nous pour y contredire ? »

Et sans vouloir discuter si Vincent ferait plus de bien dans le monde que dans la vie religieuse, il ajoute : « Je vous dis seulement que Dieu n’a pas besoin des hommes et que le plus grand bien qu’il réclame de chacun, c’est l’accomplissement de sa très sainte volonté. C’est ce que cherche Don Vincent et je ne puis l’en empêcher »[2].

C’est parce qu’elle traduit bien l’estime singulière que saint Paul de la Croix avait de la volonté divine, qu’en cette année de la canonisation de saint Vincent Strambi j’ai tenu à reproduire la partie principale de cette lettre, aussi glorieuse pour le saint qui l’a écrite que pour le saint qui en est l’objet, au début de ces pages où je voudrais montrer quelle place la volonté de Dieu tient dans la spiritualité de saint Paul de la Croix.

Si je choisis ce sujet, c’est sans doute parce que la doctrine de la volonté de Dieu apparaît saillante dans sa pensée, comme une pièce centrale qui explique et commande tout.

Je ne prétends pas pour autant qu’elle en soit la plus caractéristique, qu’elle le distingue et le mette à part des auteurs spirituels de son temps. Je dirais plutôt que c’est par elle qu’il se rapproche de ses contemporains et de ses prédécesseurs immédiats, que par elle il entre dans un courant spirituel très puissant, mas qui n’est pas encore suffisamment étudié, le courant de l’abandon, par elle surtout qu’il est un homme de son temps. C’est une seconde raison, aussi déterminante que la première, pour essayer d’en saisir l’importance, et de voir comment elle s’adapte merveilleusement avec ce qui est le fond le plus original de sa vie spirituelle, la participation à la Passion de Notre-Seigneur et l’union au Christ souffrant.

La doctrine du saint ne se présente pas à nous dans des traités complets où chacune des parties est exposée dans toute son ampleur, suivant des proportions bien déterminées, mais dans des Lettres rapides et familières, nombreuses et adressées à des correspondants très divers. L’édition publiée en 1924 à Rome par le P. Amédée de la Mère du Bon-Pasteur, renferme 1882 lettres ; d’autres ont été découvertes depuis. Il y a sans doute, dans le nombre, des lettres d’affaires concernant la Congrégation des Passionistes ou tel [134] ritiro en particulier, mais la moitié au moins sont des lettres spirituelles.

L’auteur n’y fait point figure de théoricien. Il n’expose guère et procède surtout par allusions et par rappel de principes, à l’occasion d’une direction, dans un but par conséquent tout pratique, comme un médecin qui rédige une ordonnance. Mais l’homme a une expérience si profonde et si large, – c’est manifestement le plus grand mystique et le plus grand spirituel italien du XVIIIe siècle, – le saint est si éclairé, il a tant de bienveillance et de puissance d’accueil, que, sans rien diminuer des exigences de la perfection vers laquelle il dirige d’une main sûre tous ceux qui s’adressent à lui, il est le plus encourageant des guides et le plus dilatant des maîtres.

A le regarder vivre, on devait trouver escarpé le chemin qu’il montait et où il essayait d’entraîner les autres. A le lire, cette impression disparaît à peu près complètement tant il sait à propos dire la parole de confiance qui rassure et console, le mot héroïque qui excite et soutient. Il est en effet de la lignée des très grands directeurs : il possède tant de savoir-faire, de prudence, d’équilibre et de bon sens, que jamais on ne le déconcerte[3], quelques que soient d’ailleurs ses protestations répétées d’incompétence et l’embarras apparent dont il témoigne devant un cas plus complexe. Il parle de plus une langue si simple, si directe, – la langue du peuple toute faite de proverbes, – que la pensée, malgré son élévation, est très rarement obscure et qu’on arrive facilement à en préciser les grandes lignes.

Ce qui frappe le plus chez lui, c’est ce que j’appellerais volontiers le sens de l’essentiel, que je n’ai jamais rencontré à degré égal chez aucun autre spirituel. Cet homme toujours malade et toujours pressé, qui est forcé d’aller vite parce qu’il n’a pas de temps à perdre, met tout de suite le doigt sur ce qui est fondamental. On le croirait sans cesse à la recherche de chemins courts et de moyens efficaces[4]. Sans crainte de se répéter, il a l’art d’insister sur ce [135] qui est important. Il y a là, ce me semble, un trait de caractère intéressant à signaler. Mais pour que la constatation que j’en fais ne demeure pas une impression vague et subjective, je l’appuierai sur des textes.

L’insistance qu’il met sur la volonté de Dieu est tout à fait remarquable. On pourrait dire de lui ce qu’on a dit de saint Ignace de Loyola, qu’il était « un homme de la volonté de Dieu ». Le fondateur des Passionistes a au moins autant que le fondateur des Jésuites « la hantise de la volonté de Dieu ». Et bien que ce ne soit pas tout à fait sous le même aspect, il lui donne dans sa vie spirituelle une part qui n’est pas moins large. Saint Ignace souvent, dans la clausule de ses lettres, demande à ses correspondants de lui obtenir la grâce de mieux connaître la volonté de Dieu pour la réaliser plus parfaitement. Le grand saint lombard réclame plus habituellement des prières afin que la volonté de Dieu s’accomplisse, en lui ou hors de lui. Et tandis que le premier, à l’exemple de l’Apôtre, prendrait plutôt comme oraison jaculatoire : « Seigneur que voulez-vous que je fasse ? », l’autre répète plus volontiers la parole même de Notre-Seigneur : « Fiat voluntas tua ». Autrement dit, la spiritualité de saint Paul de la Croix est plus orientée vers la volonté de bon plaisir que vers la volonté signifiée.

Comme saint Alphonse de Liguori, son contemporain, il se sert volontiers des termes uniformità et uniformarsi ; mais ces deux mots qui désignent chez saint Alphonse la conformité active à la volonté de Dieu, désignent de préférence chez lui la conformité passive. La raison en est peut-être qu’il a surtout dirigé des âmes contemplatives semblables à la sienne et que son attrait personnel, comme l’expérience des âmes d’autrui, l’engageaient plutôt de ce côté-là, sans que jamais d’ailleurs il ait négligé la conformité active là où elle est requise.

 

[136] I. PERFECTION ET VOLONTÉ DE DIEU

 

Deux constatations s’imposent : I. Dans les multiples définitions ou descriptions occasionnelles de la perfection données par saint Paul de la Croix et que, pour faire court, on peut réduire à deux types, – une qui l’identifie avec la conformité entière à la volonté de Dieu, l’autre qui la fait consister dans l’acquisition des vertus, – la plus ordinaire, la seule importante, celle qu’il faut en définitive retenir comme expliquant au mieux la pensée du saint, c’est sans aucun doute la première. L’autre est secondaire et accessoire et n’apparaît que comme une explication et un développement de la première. Ceci pour deux raisons qui me semblent décisives : 1° Parmi les vertus qui entrent dans l’édifice spirituel de la perfection et qui en sont comme les « pierres fondamentales » ; il y a toujours, sous une forme ou sous une autre, l’union à la volonté de Dieu. 2° De quelque nom qu’il l’appelle, cette union, cette conformité entière à la volonté de Dieu est pour lui la première des vertus, la vertu essentielle, celle qui « plaît le plus à Dieu », le point le plus important de la vie spirituelle.

2. Dans les définitions et allusions de tout genre où, de façon nette, la seule conformité entière à la volonté de Dieu est représentée comme identique à la perfection, saint Paul de la Croix fait sa part sans doute à la conformité active, mais c’est sur la conformité passive et ses attitudes fondamentales qu’il insiste le plus et qu’il appuie davantage, si bien que le terme le plus approprié et le plus exact pour caractériser la manière dont il va lui-même à Dieu et qu’il recommande particulièrement est celui de voie d’abandon.

C’est dans une lettre à Thomas Fossi, devenu Passioniste, le 8 octobre 1772, que saint Paul de la Croix disait sans aucun commentaire : « La perfection consiste dans l’acquisition des vraies vertus[5] ». Mais les lignes qui suivent indiquent clairement la part essentielle qu’il fait à la volonté de Dieu : « et l’oraison ne consiste pas à avoir des consolations, des larmes…, on ne donne pas aux hommes forts la nourriture des enfants : après l’automne vient le dur hiver, et il est bien vrai que le mieux est de prendre ce que Dieu envoie et de se laisser totalement gouverner par son infinie Bonté (en faisant pourtant notre part et en exécutant en tout sa divine volonté) ».

Trente-trois ans plus tôt, le 11 juin 1739, à Vittoria Fossi, la femme même de Thomas, il avait écrit : « Celui qui est le plus humble, le plus patient, le plus obéissant, le plus charitable, le [137] plus abandonné (rassegnato) à la divine volonté, celui-là est le plus parfait »[6].

Il n’est pas douteux qu’entre les « pierres fondamentales »[7] de la perfection, il ne faille placer la conformité à la volonté de Dieu. C’est à Laura Giannotti que le 19 mars 1734 s’adressent les lignes suivantes : « Exercez les saintes vertus : l’humilité, l’obéissance, la mortification intérieure et extérieure sont les pierres fondamentales. Aimez le mépris de vous-même. Par-dessus tout faites-vous une grande habitude de l’abandon (rassegnazione) à la volonté de Dieu »[8]. On voit la place essentielle de l’abandon.

A plusieurs reprises le mépris de soi-même entre dans une définition de la perfection conjointement avec l’accomplissement de la volonté de Dieu : « La véritable perfection consiste en ceci, dans l’accomplissement de la volonté de Dieu et dans le mépris de soi-même »[9]. Quand il déclarera ce qu’il y a pour lui de plus important dans la vie spirituelle, il dira de même : « Le point principal de la vie dévote c’est le mépris de nous-mêmes et l’union parfaite à la divine volonté. Que sa divine Majesté l’accorde à tous »[10]. Il écrit à Agnès Grazi de demander à saint François de Paule pour elle et pour lui un profond anéantissement devant Dieu « avec un [138] vrai mépris d’eux-mêmes et une totale union et transformation au divin bon plaisir »[11].

Quelle que soit la valeur qu’il attache au mépris de soi-même, je croirais volontiers que, dans sa pensée, les deux éléments de cette définition n’ont pas la même importance. Ne nous dit-il pas, en n’en mentionnant plus qu’un seul, celui qui est pour lui l’essentiel : « Notre sanctification et notre perfection consistent à faire parfaitement la sainte volonté de Dieu »[12].

Saint Paul de la Croix, dans une lettre à la Sœur Maria Cherubina Bresciani, clarisse de Piombino, établit trois degrés de perfection qui correspondent aux trois attitudes fondamentales de la conformité passive.

« Le véritable amour de Dieu s’exerce sur la Croix du bien-aimé Christ Jésus. Et la vraie manière de s’enrichir de grâces au milieu des souffrances intérieures et extérieures, c’est de se nourrir de la divine volonté. La chose est d’importance : c’est une grande perfection de se résigner (rassegnarsi) en tout à la divine volonté ; c’est une plus grande perfection de vivre abandonnée avec une grande indifférence au divin bon plaisir ; la plus grande, la plus haute perfection c’est de se nourrir, en pur esprit de foi et d’amour, de la divine volonté »[13].

Le lecteur pourrait croire, au seul vu de ces lignes, que pour notre saint, de façon constante, l’abandon est plus élevé que la résignation, et que l’union à la divine volonté de celui qui s’en nourrit habituellement l’emporte sur l’abandon. Quelques textes sans doute ont gardé cette claire division : ceux par exemple où il affirme que la sainteté consiste à être totalement uni à la volonté de Dieu[14], que la parfaite, la totale union à la volonté de Dieu est la plus haute perfection et que celui qui est « le plus uni et transformé en ce divin bon plaisir est… le plus saint »[15] ; ceux encore où il déclare que l’abandon renferme la parfaite résignation.

Mais le plus habituellement il parle comme s’il n’y avait pas de frontière précise entre ces trois notions de résignation, d’abandon et d’union à la divine volonté. Perpétuellement il les mêle, les confond et glisse de l’une à l’autre. Les trois mots, s’ils ne sont pas parfaitement synonymes, semblent du moins équivalents et ne désignent que des nuances presque imperceptibles ou mieux peut-être trois aspects ou trois directions d’une seule et même vertu. Comme [139] il les prend chacune dans leur sens le plus large ou, si je puis dire, dans leur perfection totale : résignation en tout, abandon en tout, union en tout à la volonté de Dieu, il les prend très souvent l’une pour l’autre.

Il ne conçoit pas la résignation autrement qu’animée par la parfaite charité. C’est une affirmation absolue : la vraie résignation (rassegnazione) renferme en soi la parfaite charité[16]. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il appelle la rassegnazione « le trésor des trésors »[17] ; et nous savons qu’il en disait autant de la charité : « Je me réjouis en Jésus-Christ d’apprendre que vous vivez toujours plus désireuse d’aimer le cher Jésus et votre désir sera accompli parce que le Seigneur vous accordera le grand don du saint amour qui est le trésor des trésors »[18].

[140] Avec la logique des saints, il s’installe du premier coup dans la perfection et il n’en sort plus : c’est vers le plus parfait qu’il semble, le plus tôt qu’il peut, diriger les âmes d’élite qu’il a sous sa direction. Il croirait leur faire injure s’il leur parlait d’une résignation qui s’arrête à mi-chemin et n’accepte la volonté de Dieu qu’en rechignant ou par un motif qui ne serait pas le plus parfait, parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.

Manifestement il ne respecte pas la division des trois degrés de perfection quand il nous dit que « la rassegnazione est la vertu qui plaît le plus à Dieu »[19], que « celui qui est le plus rassegnato est le plus saint »[20].

Il n’y a pas ici de différence appréciable entre rassegnazione et abandon ou union, entre rassegnarsi  et s’abandonner ou s’unir. Du reste, saint Paul de la Croix dira aussi bien : « Vous plairez d’autant plus à Dieu que vous vivrez plus abandonné »20 bis. Et je pense que dans des textes comme ceux-ci rassegnazione et rassegnarsi sont beaucoup mieux traduits par abandon et s’abandonner  que par résignation et se résigner.

[141] Il y a aussi sans nul doute unification entre abandon et union quand il nous répète que « la voie la meilleure c’est de vivre abandonné à la divine volonté »[21]. Cette recommandation semble au moins dire que l’abandon est la voie la meilleure pour les points que Thomas Fossi marquait dans la lettre à laquelle répond saint Paul de la Croix. Mais c’est absolument et de la voie la meilleure en soi qu’il est question dans ce mot à D. Domenico Ciarelli, du 3 septembre 1748 : « Votre Seigneurie Révérendissime fait très bien de s’abandonner en tout à la très sainte volonté de Dieu qui est la chose la plus parfaite qu’on puisse faire »[22].

L’insistance sur la conformité passive est si évidente qu’il suffit de la noter : je n’ai pas à m’y arrêter maintenant. Toute la suite de cet article ne fera que le mettre davantage en lumière. Je me contenterai pour l’instant de quelques remarques.

Si impressionnant que soit déjà le nombre des allusions à la conformité passive dans tous les textes qui traitent directement ou indirectement de la perfection, plus significative encore est la façon avec laquelle notre saint érige en degrés de perfection les trois principales attitudes de la conformité passive. Saint Paul de la Croix sans doute fait consister la perfection dans l’accomplissement de la volonté divine et très souvent il exprime son désir de faire la volonté de Dieu[23]. Mais faire la volonté de Dieu est une expression bivalente ; elle peut exprimer aussi bien la conformité passive que la conformité active. Un exemple suffira à montrer combien il serait facile de prouver cette assertion.

On lit dans une lettre à une religieuse, du 9 août 1757 : « Il y a de nombreuses années que dans mes pauvres et froides prières, je demande au Seigneur qu’il me fasse faire avec perfection sa divine volonté dont je voudrais me nourrir dans tous les événements… »[24]. Faire la volonté de Dieu dans tous les événements et s’en nourrir, c’est d’abord l’accepter et s’y abandonner. La parole de Notre-Seigneur : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père » est perpétuellement interprétée dans le sens de la conformité passive[25].

L’abandon est en même temps perfection, moyen de perfection, [142] chemin court vers la perfection[26] : « Faites de grandes caresses à la volonté de Dieu en toutes sortes d’angoisses : c’est une grande formule pour arriver vite à la perfection »[27].

L’accent est mis parfois sur l’acceptation de l’épreuve : « Les malheurs du monde, quand ils sont pris de la main amoureuse de Dieu avec résignation (rassegnazione) à sa très sainte volonté, servent à nous faire courir davantage dans la voie des divins préceptes »[28] ; ou même l’abandon est joint aux vertus et aux attitudes qui nécessairement l’accompagnent : « quand vous vous tiendrez comme une toute simple petite enfant reposant sur le sein amoureux de Jésus-Christ faisant là mourir mystiquement tous vos soucis, désirs et inclinations même bonnes, vous tenant dans une vraie solitude intérieure avec une vraie humilité de cœur et un abandon parfait au divin bon plaisir, alors vous deviendrez sainte plus vite »[29].

Il veut faire progresser Agnès Grazi « dans le saint amour » ; il lui recommande « de s’abandonner toujours davantage », exactement comme si les progrès de l’abandon mesuraient les progrès de l’amour[30]. Elle est fréquente cette recommandation de s’abandonner toujours davantage[31].

[143] Et Thomas Fossi recevra cet enseignement : « Plus vous vous nourrirez de cette divine volonté de Dieu, en acceptant toute épreuve sans le moyen des créatures, mais comme un présent du Créateur, plus vous ferez le grand coup et vous volerez à la perfection par un chemin plus court »[32].

Après avoir rappelé à Agnès Grazi que « selon l’état présent de sa conduite spirituelle, elle doit perdre de vue toujours davantage toutes les créatures et toutes les images d’être et qu’elle doit approfondir toujours davantage la connaissance de son véritable et horrible néant, et, tout ce grand dépouillement fait, veiller à mourir toujours davantage à elle-même et à tout le créé, puis mettre son rien dans ce tout qui est Dieu, se perdre là et se plonger de telle manière qu’elle s’oublie elle-même et toutes les créatures », il conclut : « La route courte pour arriver à la vraie union avec Dieu est celle que je vous ai dite ci-dessus et répétée tant de fois par écrit et oralement. Celui qui étudie la science du néant se prépare à connaître le vrai tout qui est Dieu »[33].

On pourrait penser que nous sommes très loin de la volonté de Dieu. Pas du tout. Dans la même lettre, le saint nous dit immédiatement après le passage que nous venons de reproduire : « Cet anéantissement produit un continuel abandon et une totale résignation (rassegnazione) au divin bon plaisir, laissant à Dieu le soin même de sa propre perfection et vivant dépouillée d’affection à toute consolation… »[34].

L’exposé des idées de saint Paul de la Croix sur la perfection donne un tel relief à la conformité passive qu’il nous induit à regarder sa spiritualité comme une voie d’abandon. Un examen plus approfondi confirmera ce jugement.

 

2. LA VOIE D’ABANDON

 

On retrouve dans les Lettres, – et cela saute aux yeux du premier coup, – les caractéristiques essentielles de la voie d’abandon, telles que les a décrites le P. Piny au ch. 2 de son ouvrage Le plus parfait, publié en 1698. La formule habituelle dans laquelle le P. Piny les résume : « Laisser faire Dieu en acceptant tout ce qu’il fait », en montre bien les deux aspects fondamentaux.

1. L’acceptation entière de la volonté de Dieu est pour saint Paul de la Croix une nécessité primordiale. Il la pratique pour son compte personnel et il le manifeste avec un relief extraordinaire : « Même si je me voyais jeté comme un criminel d’une prison remplie [144] de serpents dans une autre pleine de dragons et de basilics, je devrais me taire et approuver comme excellentes les dispositions divines à mon égard »[35].

Il ne cherche pas à justifier longuement cette volonté de Dieu qui s’impose à lui comme ce qu’il y a de meilleur[36]. Tout ce que Dieu a fait est bien fait. En face de ce qui arrive, il n’y a point à souhaiter que les événements soient autres que ce qu’ils sont. Toute plainte va, c’est trop clair, contre la volonté de Dieu.

Aussi recommande-t-il de prendre tout, et particulièrement les épreuves, comme venant immédiatement de Dieu et non des créatures[37], de voir toutes choses avec un œil de foi[38], en Dieu ou dans le bon plaisir de Dieu[39]. Prendre tout de la main amoureuse de Dieu, voir tout dans le bon plaisir de Dieu, c’est le moyen de trouver en tout consolation, « parce qu’en Dieu il n’y a point de peine, mais réconfort, joie et liesse »[40].

Acceptation soumise : « il faut baisser la tête devant la volonté de Dieu qui est la règle de notre perfection »[41], adorer les divines [145] dispositions[42]. Acceptation tranquille et pacifique[43]. Acceptation amoureuse en baisant la main qui nous frappe[44]. Acceptation totale[45].

2. Laisser Dieu faire ce qu’il fait. C’est l’autre aspect de la voie d’abandon. Saint Paul de la Croix nous rappelle qu’il faut nous confier entièrement à Dieu[46], nous en remettre à lui de tout, et suivant son expression la plus habituelle, « lui laisser le soin de tout »[47] ; se reposer en lui de tout[48] ; nous décharger sur lui de tous nos soucis, même de celui de notre perfection[49] ; « mettre en Dieu tous nos soucis »[50], ne gardant que celui de lui plaire et de faire son bon plaisir[51]. Etre content que tous nos desseins, même bons, soient rompus[52], pourvu que s’accomplisse la volonté de Dieu. Nous laisser guider par lui, par sa Providence[53], comme des enfants : qu’il manœuvre à son gré, « nous laisser tourner par lui avec complaisance »[54].

A certaines âmes inquiètes trop portées à s’agiter, à s’analyser et à se replier sur elles mêmes, comme cet admirable Thomas Fossi, grand propriétaire terrien de l’île d’Elbe et père de famille qui finira passioniste, il recommande de ne pas philosopher minutieusement sur elles-mêmes[55], de « marcher à la bonne » avec la simplicité des enfants[56].

[146] Quelques expressions marquent de façon claire la paix et la tranquillité de l’âme qui a ainsi placé en Dieu tous ses soins : « reposer sur le sein amoureux du Père céleste », reposer dans la divine volonté[57].

D’elle-même l’expression « laisser faire Dieu » souligne la passivité de l’abandon. Cette passivité peut être plus ou moins grande. Quand il s’adresse à des âmes contemplatives, et c’est souvent le cas, la coloration mystique de l’abandon est beaucoup plus prononcée. Quand il dit au P. Giovanni Maria di S. Ignazio : « Laissez-vous manier par Dieu passivo modo »[58], on voit tout de suite jusqu’où cela peut aller. Sur la part qu’il donnait à l’abandon dans l’oraison contemplative nous sommes particulièrement bien renseignés. Nul mieux que lui sans doute ne nous montre à quel point le courant spirituel de l’abandon a aidé les âmes à parvenir à la contemplation.

3. L’abandon dans l’oraison[59][60]. Saint Paul de la Croix a dirigé plus d’une âme appelée à la contemplation, Agnès Grazi par exemple. Nous avons la lettre où apprenant qu’elle ne peut plus méditer ni faire la composition de lieu, il lui donne pour l’oraison une direction très nette qui consiste en fait à s’abandonner à la conduite [147] de Dieu[61]. L’abandon est ici donné comme la meilleure préparation à la contemplation, la disposition essentielle pour s’y acheminer. Il a eu aussi sous sa direction des âmes déjà arrivées à la contemplation. Sœur Colomba Gertrude Gandolfi entre autres. Les conseils qu’il lui adresse pour l’oraison ne sont pas différents de ceux qu’il multipliait à Agnès Grazi[62]. L’abandon est dans l’oraison la disposition normale d’une âme contemplative. Puisque dans la contemplation l’âme est passive sous l’action de Dieu, puisque la contemplation est l’œuvre de Dieu seul[63], l’âme n’a pas autre chose à faire que de laisser Dieu opérer en elle son travail divin.

« Laisser faire Dieu » dans l’oraison[64]. Mais cette direction spéciale pour âmes contemplatives est si bien d’accord avec la doctrine générale de la volonté de Dieu qu’elle apparaît comme un conseil d’abandon et d’union parfaite à la volonté de Dieu. « Il faut s’élever, seulement quand et autant que Dieu veut. Dans notre néant, faire attention aux touches de l’amour de Dieu, et quand l’âme se sent attirée, elle doit courir derrière les divins parfums et aussitôt qu’elle le peut retourner s’ensevelir dans son vrai néant, en vraie nudité d’esprit. Vous comprenez déjà ce que je dis ; et pour m’expliquer davantage, vous devez avec la grâce de Dieu éloigner votre esprit de tous les objets créés, en tenant votre volonté morte dans les bras amoureux de Dieu, afin que vive seulement en nous la Très Sainte Volonté du Souverain Bien »[65].

Voilà en somme l’unique direction que saint Paul de la Croix donnera à cette double catégorie d’âmes : à celles qui vont vers la contemplation ou à celles qui y sont déjà parvenues.

Mais la variété des formules est grande et peut-être est-il bon de donner ici les principales.

Une idée domine tout, c’est que l’âme contemplative doit « se laisser guider par le Saint-Esprit »[66] et comme saint Paul de la Croix le répète si souvent à Agnès Grazi, « faire oraison, non à sa mode, mais à la mode du Saint-Esprit »[67].

[148] Il faut par conséquent « céder aux attraits » du Saint-Esprit, « suivre les attraits », « obéir aux attraits »[68], « aux inspirations divines »[69], se laisser entraîner par cette « brise amoureuse du Saint-Esprit » aussitôt qu’on la perçoit[70].

C’est Dieu qui est le maître. Il faut, sans opposer de résistance à son action, sans curiosité d’esprit, « le laisser accomplir en nous son œuvre », « lui laisser faire ses jeux d’amour »[71].

Et comme c’est Dieu qui est « le lieu de l’oraison »[72], laisser l’âme « se plonger tout entière dans le Souverain Bien », « se perdre en Dieu », se laisser perdre et s’abîmer dans l’Immense Divinité[73], s’abandonner dans la mer immense du divin amour[74], « laisser disparaître notre néant dans le tout infini de Dieu »[75]. Cette dernière expression est la plus fréquente. Mais elle aura aussi ses variantes : « laisser disparaître son horrible néant dans la joie de Notre-Seigneur »[76].

Toutes ces expressions, – et je n’ai pas cherché à être complet, – précisent bien la part de Dieu dans l’oraison contemplative[77] et [149] par conséquence l’indispensable souplesse de l’âme sous l’action divine. Mais pour leur donner leur sens exact et pour empêcher les méprises, il faut les lire dans leur contexte, à côté d’autres conseils qui les accompagnent et qui permettent du premier coup d’en saisir la véritable portée.

Saint Paul de la Croix entend bien que si Dieu fait sa partie, l’homme doit aussi faire la sienne. Dans la lettre même où il déclare à la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi que son oraison est passive, il lui demande de faire sa partie[78]. Et la part de l’homme, c’est d’écarter les obstacles qui pourraient gêner l’action divine, c’est l’exercice des vertus, de la foi et surtout de la charité. Ce sera le détachement de tout le créé, cette humilité radicale qui consiste à se tenir dans son néant, à ne rien dérober à Dieu. Ne fait-il pas consister la perfection de la prière dans cette disposition fondamentale : « se tenir dans son néant… pour ne rien dérober à Dieu »[79].

Cette part de l’homme, voici comment il la décrit à un maître des novices en lui parlant de l’oraison infuse et de la façon d’y préparer les âmes : « Celle-ci étant un don gratuit de Dieu, on ne doit prétendre y porter personne à force de bras comme on dit. Mais tout le soin du maître doit être de les y élever par une grande habitude de vertu et de vraie humilité de cœur, de connaissance de leur propre néant, de mépris d’eux-mêmes, de vraie obéissance aveugle, et qu’ils prennent grand amour de cette vertu et par-dessus tout de vraie et parfaite abnégation de leur volonté propre en tout, la mortification personnelle de leurs inclinations, de leurs opinions propres, de leurs sympathies et de leurs antipathies. Ce sont les vertus fondamentales pour l’édifice spirituel et pour obtenir le don de la sainte oraison et union avec Dieu : autrement on bâtit sur le sable »[80].

Le point sur lequel il insiste le plus, c’est l’humilité et la néces- [150] sité de se tenir dans son néant[81]. On peut dire que chaque fois qu’il donne à une âme le conseil de s’abandonner dans l’oraison, il lui donne en même temps et par contre-partie celui de s’anéantir profondément. Parfois même, il y ajoute, – et c’est un point caractéristique de sa doctrine mystique, – celui de ne se présenter à l’oraison que vêtue des souffrances du Christ, d’entrer pour ainsi dire dans l’oraison par la porte de la Passion.

Il suffit de lire à la suite les lettres envoyées à la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, pour remarquer la fréquence avec laquelle reviennent ces trois conseils. Il faut au moins en citer un exemple : « Continuez votre oraison à la façon dont Dieu vous guide et soyez très obéissante aux attraits amoureux du Saint-Esprit ; ne perdez pas de vue votre horrible néant pour ne rien dérober à Dieu béni. Présentez-vous dans l’oraison abîmée dans votre néant mais vêtue de ses souffrances, en pure foi et nudité d’esprit, dépouillée d’images [151] et laissez votre esprit faire le grand vol d’amour que vous fera faire l’Époux céleste »[82].

 

Saint Paul de la Croix qui dans la voie contemplative veut que l’homme fasse sa partie et qui met comme un contrepoids perpétuel à ce que la passivité pourrait avoir d’excessif, prend bien soin d’apporter les mêmes précautions dans la pratique générale de l’abandon. Il y montre ici comme partout le parfait équilibre de son jugement. L’idée ne viendra à personne de ceux qui l’ont lu avec attention de soupçonner même qu’il donne trop à la passivité.

Le P. Piny remarquait que la voie d’abandon « n’est pas tellement passive à l’égard de Dieu, en acceptant ainsi tout ce qu’il fera, qu’elle ne soit encore très active de notre part. Elle demande de chacun de nous que nous fassions, soit pour l’extérieur, soit pour l’intérieur, tout ce qui est de nos devoirs, de nos obligations et de nos emplois. La volonté de Dieu, en effet, joue par rapport à nous le rôle de cause première et cette cause n’exclut pas, que dis-je ? elle demande notre coopération comme causes secondes, notre application par conséquent à tout ce qui est du devoir d’un chacun. Mais cette opération devra s’apporter sans empressement, sans anxiété d’esprit, sans sollicitude et souci… »[83].

Saint Paul de la Croix, à la fois si ennemi de tout excès et si judicieux, n’a jamais omis de recommander à ses dirigés tout ce que réclame la conformité active à la volonté de Dieu. Quand on parcourt sa correspondance avec Thomas Fossi, on peut s’étonner de la fréquence avec laquelle il lui rappelle les devoirs de son état ; à certaines époques c’est presque dans toutes les lettres qu’il lui en parle. Personne ne met comme lui en relief la nécessité du combat spirituel et de l’exercice des vertus solides[84].

 

4. L’union. Le but manifestement cherché par tous ceux qui prônent la voie d’abandon, c’est de s’unir à Dieu le plus parfaitement, le plus intimement, le plus inséparablement possible. La conformité ou l’uniformité avec la volonté de Dieu ira, selon le P. Piny, jusqu’à « être transformé, comme disent les mystiques, en la volonté de Dieu et ne posséder d’autre volonté que celle de Dieu »[85].

[152] Or, voici ce qu’écrit à Thomas Fossi saint Paul de la Croix : « Toutes vos oraisons, tous vos exercices doivent être de vous unir étroitement à la divine volonté, épousez-la avec l’anneau de la foi et de la charité… C’est là l’exercice le plus noble, le plus fructueux, le plus saint que puisse faire une âme »[86].

Mais l’union doit aller plus loin encore, jusqu’à « une totale transformation dans le divin bon plaisir »[87]. A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi qu’il rassure dans ses épreuves intérieures, il écrit : « …Je me réjouis en Dieu… que la souveraine et infinie bonté vous ait amenée à l’état dans lequel vous êtes, c’est-à-dire à une nue souffrance, à un contentement dépouillé de toute jouissance, à un amour sans joie, afin que votre âme dépouillée de l’affection à toute satisfaction, mette son contentement à s’unir au bon plaisir du grand Père Céleste qui est le contentement de nos contentements »…

Et il conclut : « Tenez-vous donc cachée en Jésus Crucifié sans désirer autre chose que d’être toute transformée par amour dans son divin bon plaisir en tout, en tout… »[88].

Saint Paul de la Croix n’a peut être jamais mieux marqué sa pensée intime sur l’union à la volonté de Dieu que par ces paroles :

« Je ne veux pas résister à la très sainte volonté du Très-Haut et je puis vous dire que je n’ai pas d’autre faim, que je ne puis désirer autre chose ni demander pour moi d’autre grâce sinon celle de faire, d’être tout uni et transformé par amour dans la toujours adorable volonté du Père céleste et je désire très vivement que ma nourriture soit de faire sa très sainte volonté au milieu de n’importe quelles souffrances, de n’importe quelles épreuves… »[89].

 

Ne point penser à l’avenir. L’abandon comporte l’absence de sollicitude pour l’a     venir. Saint Paul de la Croix le répète comme tous les partisans de la voie d’abandon.

« Ne pas penser à l’avenir, c’est-à-dire aux infortunes, aux événements que l’imagination place devant nous, mais les faire [153] mourir dans la volonté de Dieu… sans penser au lendemain avec sollicitude »[90]. Il avait dit au P. Fulgence de Jésus, le 23 juin 1746 : « Ne pensez pas à l’avenir, mais servez Dieu à la grande manière »[91].

Aussi ne veut-il pas que l’on essaie de sonder l’avenir : « Prétendre connaître l’avenir c’est se mettre en péril de tromperie »[92]. Mais il veut qu’on use au maximum du moment présent. Une de ses pensées favorites c’est qu’il faut regarder chaque jour et même chaque instant comme le dernier, « afin qu’une telle pensée nous soit un excitant pour courir à la sainte perfection »[93] ; faire chaque action comme si elle était la dernière[94] ; célébrer la Messe comme si c’était la dernière[95]. Il faut vivre au moment présent ; aimer Dieu au moment présent, comme si c’était le dernier de notre vie[96]. Il faut faire la volonté de Dieu au moment présent[97]. « Heureuse l’âme qui se repose dans le sein de Dieu sans penser à l’avenir, mais s’efforce de vivre au moment présent sans autre souci que celui de bien faire sa très sainte volonté en tout événement, en l’accomplissant fidèlement dans tous les devoirs de son état »[98].

 

[154] 3. FRUITS DE L’ABANDON[99]

 

Si l’on avait demandé à saint Paul de la Croix pourquoi il préférait l’abandon, je pense qu’avec sa brièveté accoutumée, il aurait répondu que l’abandon facilitait au mieux sa vie spirituelle parce qu’il est, ce que nous savons déjà, la voie la plus parfaite, la plus rapide, la meilleure. Si on l’avait poussé à préciser sa réponse, il aurait ajouté sans doute que l’abandon est le meilleur moyen de nous mettre et de nous conserver dans la paix, qui est de tous les chemins qui mènent à Dieu le plus simple et le plus sûr. C’est du moins la réponse qui nous est fournie par ses Lettres. Préciser sur ces trois points sa pensée nous permettra d’approfondir sa doctrine et de nous rendre mieux compte de la place qu’y tient l’abandon.

[155] Dans une lettre à Thomas Fossi du 18 juin 1766, saint Paul de la Croix fera de l’abandon « le chemin le plus court » vers la perfection. Mais il n’en arrive là que par un détour : « J’ai la bonne fortune de vous dire et de vous répéter que le chemin court pour acquérir cette vraie paix qui naît de l’amour de Dieu, de qui procèdent comme d’une source éternelle toutes les vertus, c’est de prendre toute épreuve, peine temporelle ou spirituelle, maladie ou infirmité de quelque sorte qu’elles soient… de la main amoureuse de Dieu, regardant et recevant tout événement défavorable comme un don et un trésor qui nous est offert en présent par le Père céleste et répéter les saintes paroles du Christ Jésus : Ita Pater, quoniam sic fuit placitum ante te, et de cette façon se réjouir toujours et jubiler de ce que s’accomplisse en nous sa très sainte et éternelle volonté ; en bref je vous ai dit le chemin le plus court de la sainte perfection »[100].

Chemin court vers la perfection, l’abandon est en même temps chemin court vers la paix. C’est que la paix est pour saint Paul de la Croix chose très importante qu’il faut garder à tout prix[101], en ne se laissant troubler par rien[102]. De tous les biens de l’âme, elle est le plus précieux, celui que le démon cherche d’abord à nous enlever parce qu’« il ne pêche qu’en eau trouble »[103]. Il ne faut admettre en fait de crainte que celle qui nous maintient dans la paix[104]. Conserver son cœur tranquille est absolument nécessaire[105], et même si le monde allait sens dessus dessous, il ne faudrait pas perdre la paix[106]. Car elle est indispensable « pour bien agir en tout et se maintenir en vraie foi in sinu Dei »[107], parce qu’ « elle donne plus de champ à l’âme pour exercer les saintes vertus »[108] ; parce qu’elle est « le moyen efficace de se tenir dans le royaume intérieur » ; parce que, en assurant le recueillement, elle est « la grande joie qui nous rend fils de Dieu »[109]. Or la paix est le fruit de l’abandon[110]. C’est tout le problème du re- [156] cueillement intérieur que soulèvent ces dernières lignes. En attribuant à la paix le pouvoir de nous rendre de plus en plus fils de Dieu, notre saint ne faisait que lui reconnaître ce qui est pour lui le privilège du recueillement.

La raison c’est qu’en fait si paix et recueillement ne sont pas identifiés, ils sont du moins donnés comme inséparables. S’il y a recueillement, il y a paix. Et la paix pour durer amène nécessairement avec elle le recueillement ; elle n’en est pas seulement une condition indispensable : elle est l’introductrice nécessaire. Voici le début d’une lettre à Teresa Palozzi, du 29 mars 1759 : « Je me réjouis dans le Seigneur que vous continuez toujours recueillement et paix intérieure »[111]. « Le recueillement, est-il dit ailleurs, est tranquille, pacifique, sans bruit, sans effort »[112]. « Continuez à vous tenir recueilli en Dieu, avec tranquillité d’esprit, sans jamais vous laisser troubler par rien »[113]. Il ne semble pas mettre de différence entre « tenir son cœur en paix, tenir son cœur en tranquillité, tenir son cœur recueilli »[114].

Le recueillement, il veut qu’on en fasse très grand cas. Le terme par lequel il le désigne fréquemment le laisse assez entendre. Il l’appelle l’adoration en esprit et en vérité[115]. Il est en effet « le désert sacré », « la solitude intérieure dans laquelle Dieu parle à l’âme des paroles de vie éternelle et conserve l’âme dans une parfaite tranquillité »[116]. C’est l’oraison, à tous ses degrés, dans laquelle on n’entre que par la porte de la Passion. Il est cause perpétuelle de progrès, parce que sans cesse il renouvelle l’âme et la fait renaître à une vie nouvelle : « Toutes les fois que l’âme se recueille unie à Dieu dans le temple intérieur de son esprit, elle renaît à une vie nouvelle d’amour da            ns le Verbe divin, le Christ Jésus »[117].

Cette naissance nouvelle, approfondissement continuel de la vie intérieure, est affirmée dans de multiples passages[118]. A chaque [157] répétition, la pensée s’explicite davantage : « Plus vous vous reconcentrerez souvent en Dieu, dans le plus profond de la solitude intérieure, plus souvent se célébrera dans le temple intérieur la divine naissance mystique et vous renaîtrez à tout moment à une vie déifique, déiforme et sainte et fiet in te Divina Nativitas »[119]. C’est bien la façon avec laquelle il enseigne la participation parfaite au mystère de Noël[120].

Il semble même que saint Paul de la Croix ait attribué à l’abandon les effets les plus remarquables du recueillement intérieur : « Combien nous devons bénir et glorifier la divine miséricorde qui ne permet pas que nous sentions aucun contentement et qui ainsi mêle l’absinthe à toute nourriture qui pourrait nous réjouir et nous procurer jouissance. C’est une des plus grandes grâces que sa Divine Majesté accorde à ceux qui lui sont les plus chers. Nourrissons-nous donc de cette divine volonté et plongeons-nous souvent dans ce bain tout de feu du saint amour. Quotiescumque nos ipsos divino beneplacito resignamus, in Spiritu Sancto baptizamur, filiique Dei efficimur »[121]. C’est que pour s’abandonner pleinement et du fond du cœur, il convient d’avoir le cœur recueilli et tourné vers Dieu. « Se reposer sur le sein du Père céleste »[122], « se reposer in sinu Dei »[123], se reposer dans les bras de Jésus et toutes les expressions du même genre conviennent également au recueillement intérieur, à l’oraison, à la paix, à l’abandon. Ces quatre choses si intimement unies entre elles, il faut non seulement les créer en nous, mais les conserver, les entretenir, les rendre continuelles.

Nous sommes maîtres de notre paix. Nous sommes nous-mêmes cause de nos inquiétudes. Si nous n’avons pas la paix, c’est manifestement notre faute. « C’est parce que nous ne recevons pas avec une soumission tranquille tout ce qui arrive comme venant de la Providence amoureuse du Souverain Bien »[124].

C’est vraiment « la route courte pour tenir son cœur en paix »[125], et « il n’y en a pas d’autre » ; il faut volontairement « mettre son esprit en tranquillité » et « maintenir en soi une sainte [158] indifférence pour n’importe quel événement », « se réjouir en Dieu, dans la partie supérieure de son âme de ce que les choses aillent comme elles vont »[126].

Saint Paul de la Croix semble indiquer un autre chemin court vers la paix : le complet détachement. « Faites-vous par amour de Jésus-Christ muet, sourd, aveugle, et vous aurez une grande paix »[127].

A une religieuse qui s’embarrasse de minuties il écrit : « Si vous voulez le prendre, le chemin court pour vous tenir dans une paix imperturbable serait d’imiter ce saint moine à qui était venu un gros paquet de lettres de sa patrie et de sa maison. Sans l’ouvrir, il le jeta dans le feu en disant : « Allez au feu, pensées de la maison et distractions ». Agissez de même. Faites un fagot de vos réflexions, craintes, enfantillages, minuties et jetez-le dans le feu de la divine charité »[128]. Il n’est pas douteux que le dépouillement complet ne soit nécessaire à qui veut s’abandonner parfaitement[129].

 

C’est dans la volonté de Dieu, c’est dans l’abandon, qu’il faut se réfugier pour garder la paix. « Que Votre Révérence, dans ces événements, se cache dans l’inexpugnable forteresse de la volonté divine : elle est sûre que ni les vents ni les tempêtes ne pourront plus lui enlever la paix et la tranquillité de l’esprit, si nécessaire pour faire bien tout… »[130].

[159] Il use quelquefois d’une autre comparaison : « Je vais en pensant à faire comme le vigneron ou le jardinier qui lorsqu’ils voient la tempête imminente et commencer à tomber la pluie, la grêle, les éclairs ou les tonnerres, se réfugient à la cabane et là restent en paix assis jusqu’à ce que passe la tempête. C’est ainsi que je désire faire et que je veux faire avec la grâce divine, me tenir en repos et tranquille sous la cabane de la divine volonté… »[131].

Ce n’est pas seulement la paix, mais la joie, épanouissement de la paix, que saint Paul de la Croix réclame d’une âme abandonnée : « Ne donnez jamais de place dans votre cœur aux afflictions et beaucoup moins à la mélancolie qui est la peste de la paix »[132]. Il faut marcher dans le service de Dieu sans pusillanimité, sans crainte excessive, « avec une grande gaîté »[133]. La joie de l’abandon, toute désintéressée, « c’est que soit faite la volonté de Dieu en toute chose »[134]. L’âme ne cherche pas sa propre satisfaction, mais elle fait en sorte que son contentement soit « le contentement du Très-Haut »[135]. Quand on ne cherche pas d’autre consolation que de « plaire à Dieu » et de faire sa volonté[136], quand « on ne veut pas autre chose que ce que Dieu veut »[137], on a toujours un vrai motif d’être content de Dieu[138].

 

2. L’abandon, c’est la voie simple. Parce qu’il est le remède à [160] tous les maux, parce qu’il n’y a pas de difficulté qu’il ne puisse résoudre, il permet de simplifier beaucoup la vie spirituelle.

Il est le remède à tous les maux. Il n’y a pas de souffrance intérieure ou extérieure que n’adoucisse « le baume de la divine volonté »[139]. Aussi saint Paul de la Croix conseille-t-il l’abandon et dans les souffrances du corps et dans celles de l’âme. Au P. Francesco di Gesù e Maria qui relève de maladie, il envoie ce souhait : « J’espère que le bienfait de l’air natal vous aidera, mais l’abandon (rassegnazione) au divin bon plaisir vous sera encore plus profitable »[140]. Le principe est si général et de réalisation si pratique qu’il revient à chaque instant : « Le meilleur remède dans les difficultés est d’adorer et d’aimer la volonté de Dieu dans les événements »[141].

« La route sûre » dans les épreuves de quelque nature qu’elles soient, « c’est de se tenir soumise à la divine volonté et de se laisser flageller par cette main amoureuse »[142]. « Le chemin court pour en guérir, c’est une vraie résignation (rassegnazione) pacifique à la divine volonté, en vivant totalement en repos dans les bras du Seigneur »[143].

Pour répondre aux difficultés de Thomas Fossi toujours inquiet et toujours éprouvé, saint Paul de la Croix lui redit : « …Je ne saurais vous dire autre chose sinon que la résignation (rassegnazione) à la divine volonté est un moyen très efficace pour tous les maux, épreuves, événements malheureux. Quand on les prend et qu’on les regarde dans le divin bon plaisir ils se changent en paix et en consolation. Diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum… »[144].

[161] Il déclare à D. Erasmo Tuccinardi que les nouvelles « lui semblent toujours bonnes, pourvu que se fasse la très sainte et très adorable volonté de Dieu »[145].

Rien d’étonnant que la patience, qui s’identifie pour lui avec la résignation amoureuse et l’abandon, soit si importante. « Elle renferme l’œuvre parfaite »[146]. Elle doit supprimer toutes les plaintes, être silencieuse et pacifique. « Ces deux mots si précieux : souffrir et se taire, c’est une route et une règle courte pour être vite sainte et parfaite »[147].

L’abandon est recommandé à tant de gens et en tant de circonstances, qu’on peut presque le considérer comme une direction unique et pour ainsi dire universelle.

Un jour que Thomas Fossi lui a posé de très multiples questions, notre saint se contente de répondre après l’avoir remercié de quelques aumônes : « Quant aux autres points de votre lettre qui sont nombreux et divers, je vous dirai qu’une seule pensée arrange tout. C’est de mettre tout dans le divin bon plaisir et de regarder tous les événements comme venant de la main de Dieu… ; perdez de vue tout, sauf vos devoirs d’état et avec l’oraison jaculatoire : Fiat voluntas tua,  tranquillisez-vous… »[148].

Une autre lettre du même Thomas Fossi ne contient pas de difficultés auxquelles saint Paul n’ait déjà répondu. Pourquoi lui donner un conseil nouveau ? « Pour ne pas vous frustrer d’une réponse, je vous dirai de vous appliquer à vivre en tout et pour tout abandonné (rassegnato) en tout événement et infirmité des vôtres »[149].

A une dame qui recommande à ses prières les affaires de sa maison, il donne ce principe simple : « Le meilleur remède, c’est d’adorer et d’aimer la volonté de Dieu dans les événements qui vont se succédant. De cette façon le cœur se conserve en paix et l’âme s’enrichit de mérites et de vertus »[150].

La volonté de Dieu est, pour saint Paul de la Croix, le moyen de réduire toutes les difficultés intérieures. En se servant d’une expression qu’il a prise à saint François de Sales[151], il veut que nous [162] fassions mourir dans la volonté de Dieu, tout ce qui s’oppose de façon plus ou moins directe à cette volonté, tout ce qui est un obstacle au progrès, tout ce qui gêne la vie spirituelle : désirs, craintes, souffrances, anxiétés, inquiétudes, afflictions de tout genre, mouvements de la nature… Citons un exemple ou deux : « Faites mourir toutes vos souffrances… dans le divin bon plaisir »[152]. « Faire mourir les angoisses, les soucis… dans le divin bon plaisir »[153].

Ce qu’il importe de noter, c’est que tous ces obstacles de la vie intérieure, saint Paul de la Croix les fait mourir indifféremment dans la divine volonté ou dans le feu de la divine charité : les deux expressions sont pour lui parfaitement équivalentes.

« Il faut faire mourir ces craintes dans le feu de la divine charité »[154]. « N’oubliez pas de faire mourir vos souffrances et vos angoisses, quelles qu’elles soient, dans le feu du saint amour »[155]. Il lui arrive même d’employer en même temps les deux formules : « Quant au désir qui concerne votre propre personne pour l’œuvre susdite, faites-le mourir dans le saint amour et dans le divin bon plaisir »[156].

Il se servira aussi d’autres formules analogues : par exemple « faire mourir ses soucis sur le sein amoureux de Jésus »[157].

Ne soyons pas surpris d’entendre si souvent saint Paul de la Croix recommander de faire mourir nos désirs. Lui qui si fréquemment manifeste son intention de faire ou de voir se faire la volonté de Dieu, est bien d’avis qu’il convient de réduire à ce désir unique tous nos autres désirs, mêmes bons, et non pas seulement les désirs anxieux ou inutiles.

« …Pour marcher sûrement, le mieux est de faire toujours mourir tous les désirs en Dieu »[158]. La correspondance avec Thomas Fossi est pleine de recommandations de ce genre : « Vos bons désirs, cultivez-les en les réduisant au seul et unique désir de faire en toute chose la très sainte volonté de Dieu. Les autres, jetez-les dans le feu du saint amour »[159]. Sa pensée se nuance suivant [163] les besoins de son correspondant : « Vous êtes plein de saints désirs et de pieuses résolutions. Très bien. Mais le point est que vous devez les faire mourir dans la divine bonté, prêt cependant à les réaliser quand le Seigneur voudra, les laissant dans un coin de votre cœur afin que ces désirs et ces résolutions ne gâtent pas ce qui est nécessaire à votre état présent. Si Dieu veut autre chose de vous et de vos enfants il le fera connaître par de grandes et fortes lumières, et même par des prodiges, si cela est nécessaire pour vous faire connaître clairement sa très sainte volonté… »[160].

Et lorsque Thomas Fossi est devenu religieux, la volonté de Dieu se marque par l’obéissance. « Quant à travailler, à avoir des désirs, pour celui qui vit sous l’obéissance il peut vivre tranquille et en repos, prêt à travailler, à rester, à aller, à se taire… comme Dieu par le moyen de ses supérieurs en disposera directement. Saint Ignace à un des siens, grand serviteur de Dieu et ouvrier apostolique célèbre, qui lui rapportait qu’il avait de grands désirs de travailler, d’aider les âmes, d’aller aux Indes, répondit… : « Et moi, je n’ai aucune inclination, et si j’étais comme vous, j’inclinerais à ne pas incliner. En voici la raison : Nous… sommes totalement entre les mains du Pape, à lui de penser à nous employer de la manière qui lui agréera davantage. Nous n’avons nous qu’à obéir ». Je dirai la même chose à Votre Révérence »[161].

Mais c’est bien à tous ses correspondants qu’il vante la soumission de tous les désirs à la volonté de Dieu : « …Ces désirs d’amour que vous éprouvez en lisant la vie des saints sont d’excellents signes : cultivez-les, mais avec un total abandon à la divine volonté… »[162].

Le conseil vaut pour les fautes, les imperfections, les défauts. Il faut « les jeter dans le feu de la divine charité »[163], les y « brûler »[164] et les « y faire mourir »[165]. S’en repentir, s’en humilier, mais sans inquiétude, et reprendre le combat  « avec plus de ferveur qu’auparavant »[166].

Voici par exemple la recommandation faite à la Mère Maria Innocenza di M. SS. Addolorata : « Si vous tombez dans des défauts non pas seulement sept fois, mais dix et cent fois, ne perdez pas pour autant la paix et la confiance en Dieu, mais humiliez-vous doucement avec une douleur amoureuse et un amour douloureux, une [164] parole ou deux seulement, Dieu vous les enseignera. Le chemin court pour consumer l’imperfection, le voilà… »[167].

 

3. L’abandon est un chemin sûr. Saint Paul de la Croix, s’il est préoccupé d’aller vite, l’est bien plus encore d’aller bien et d’aller sûrement. Il n’est partisan des chemins courts que si ceux-ci sont en même temps des chemins assurés. Nul n’a, comme lui, cherché à éviter pour lui-même et pour les autres « les voies de tromperie ». La claire lucidité de son jugement et sa prodigieuse humilité le mettaient à l’abri des illusions. Personne n’a autant que lui combattu la contention et les efforts excessifs de tête et de poitrine. Mais s’il n’est pas d’avis qu’il faille et qu’il ne soit possible d’acquérir la perfection « à force de bras »[168], il réclame de tous coopération énergique. Il rappelle aux âmes contemplatives que « ce travail divin » de la contemplation « pour être sûr doit passer par la porte qui est Jésus-Christ Notre-Seigneur et sa très sainte Passion »[169]. Il redit à Agnès Grazi, qui s’attache volontiers aux visions imaginatives et locutions intérieures, que « de rester dans l’oraison en pure foi, abîmée en Dieu, sans figures et sans vues, est la voie la plus sûre… »[170]. Il n’hésite pas à lui demander de retrancher certaines vues afin de marcher plus sûrement et de donner plus de gloire à Dieu[171]. Il donne à Thomas Fossi le conseil suivant : « Ne philosophez pas trop sur vous-même, marchez à la bonne, suivez les traces de Jésus-Christ. Continuez votre oraison, faites-la toujours sur les divins mystères de la très sainte Vie et Passion de Jésus, notre vie. C’est la voie sûre… »[172].

Or, cet homme précautionné, si prudent et si averti, n’hésite point à déclarer que la voie d’abandon aboutit sûrement. A une dame affligée il écrit : « …Supportez tout courageusement avec patience et persévérance, tout le temps qu’il plaira à Dieu, sans chercher ni à vivre ni à mourir, mais résignez-vous en tout et pour tout à ses [165] saintes et divines volontés parce que c’est la route sûre pour arriver sans illusion à obtenir la gloire du ciel… »[173].

Et ce n’est pas là assertion isolée. Il écrit à Agnès Grazi : « Les cèdres du Liban sont tombés parce qu’ils n’ont pas eu crainte d’eux-mêmes et qu’ils se sont fiés à leurs sentiments. Celui qui vit abandonné à Dieu ne périra pas »[174], « qui se repose en Dieu avec confiance et vraie humilité ne sera pas trompé »[175]. « Celui qui se met dans les bras de Jésus ne tombera pas »[176]. Et à D. Erasmo Tuccinardi : « Dieu qui est le guide des âmes dans l’abandon, les mènera au port sûr »[177].

L’abandon c’est déjà le bonheur sur terre. Une voie qui mène si sûrement à la paix et si sûrement au ciel, qui guérit tous les maux et qui permet de supporter facilement toutes les épreuves, est manifestement une voie heureuse. « Nourrissez-vous de cette divine volonté parce qu’en faisant ainsi vous éprouverez avec le temps une anticipation du Paradis »[178].

Saint Paul de la Croix a célébré le bonheur des âmes abandonnées[179]. L’abandon est vraiment pour lui « un remède très efficace pour rester content en Dieu dans tous les événements qui arrivent en nous ou hors de nous »[180].

Mais il faut clore ce chapitre déjà trop long où chaque paragraphe semble répéter sous une forme légèrement différente ce qu’a dit le précédent. Saint Paul de la Croix ne distingue jamais parfaitement l’une de l’autre les raisons qui militent en faveur de la voie d’abandon.

 

4. VOLONTÉ DE DIEU, PASSION DU CHRIST ET SOUFFRANCE

 

Pourquoi saint Paul de la Croix pousse-t-il si loin l’abandon ? Qu’est-ce qui a contribué à donner tant de profondeur et d’extension à sa doctrine de la volonté de Dieu ? La réponse n’est pas à chercher ailleurs que dans ses enseignements sur la Passion du Christ et la souffrance du chrétien comme participation à celle-ci. 1. Ils ont fourni à l’abandon un climat favorable pour se développer librement. 2. Les raisons pour lesquelles notre souffrance nous [166] assimile au Christ dans sa Passion, viennent perpétuellement renforcer l’abandon.

 

1. Nous atteignons ici le sommet de sa pensée, ce qui en est la partie la plus originale et la plus personnelle. Le relief et la vigueur avec lesquels il décrit, à sa brève manière, l’efficacité de la Passion sur les âmes attirent invinciblement l’attention.

« C’est une chose très bonne et très sainte que de penser à la très sainte Passion du Seigneur, de faire oraison sur elle et c’est le moyen d’arriver à l’union avec Dieu »[181]. La Passion est « le moyen le plus efficace pour exterminer tous les vices et planter la vraie piété »[182], « le moyen le plus efficace pour convertir les âmes les plus obstinées »[183], « pour détruire l’iniquité et faire monter les âmes vers une grande sainteté »[184]. La prédication de la Passion est un moyen très efficace pour la conversion des pécheurs et la conservation des justes[185]. Les âmes les plus endurcies ne résistent pas à son action[186].

Le ton se hausse encore quand il s’agit des rapports entre la Passion de Notre-Seigneur et la perfection.

« Il y a tout dans la Passion. C’est là que s’apprend la science des saints »[187]. C’est un fait d’expérience que la souffrance est liée intimement avec la perfection. Les grands saints sont arrivés à la grande perfection par le souvenir des souffrances de Jésus[188]. Les plus grandes tribulations sont pour les plus grands serviteurs de Dieu[189]. Les épreuves qu’endure Thomas Fossi sont un signe manifeste que Dieu veut faire de lui un saint[190]. Quand Dieu veut conduire une âme à la sainteté, il lui envoie la souffrance. Saint Paul de la Croix ne se lasse pas de nous le redire. La souffrance est à la fois le signe qu’on est ami de Dieu[191] et que l’on marche selon Dieu[192]. Elle est à la fois moyen de sainteté et marque de sainteté.

A des frères et sœurs à qui il vient de donner des formules d’a- [167] bandon il dit : « Faites bon cœur aux tribulations et sachez que ce sont les signes les plus certains qu’on est amis de Dieu »[193]. Sans presque varier, il écrit 46 ans plus tard : « Ne vous affligez pas des épreuves que vous souffrez parce que ce sont les signes les plus clairs que vous êtes fort aimée de Dieu »[194].

La Croix est le chemin qui conduit à la sainteté[195], une préparation à la perfection et à l’union à Dieu. Saint Paul semble admettre une équivalence entre souffrance et sainteté comme il a admis une équivalence entre volonté de Dieu et perfection[196].

Mais pour que cette équivalence soit réelle, il suppose toujours, s’il ne le dit que quelquefois, que l’on accueille la souffrance aussi parfaitement que possible, c’est-à-dire avec abandon, autrement dit comme la volonté de Dieu : « La voie des saints, c’est d’attendre avec soumission l’épreuve de Dieu »[197].

S’il ne lui semble pas vraisemblable que l’on puisse user mal de la souffrance, il reconnaît cependant qu’il faut apprendre à souffrir. Mais apprendre à souffrir, c’est apprendre à s’abandonner à la volonté de Dieu. Et suivant ce que nous avons dit plus haut, c’est manifestement aller à la perfection. Il y a donc identification entre le bon usage des souffrances et la pratique de l’abandon. « Celui qui sait souffrir en silence et en paix est à peu près parfait »[198].

Il faut se servir de la volonté de Dieu pour bien user de la souffrance. Le motif le plus fort que nous ayons d’accepter la souffrance que Dieu nous envoie, c’est de voir en elle la volonté de Dieu[199]. Il faut regarder toutes nos souffrances dans la volonté de Dieu[200], [168] faire mourir toutes nos peines dans le bon plaisir divin[201]. La vraie façon de supporter les plus durs sacrifices, les peines intérieures les plus rudes, c’est de se persuader que Dieu les a voulues de toute éternité[202]. Nul doute par ailleurs qu’à toutes les souffrances que nous voudrions, il faut préférer les souffrances que Dieu veut[203].

Par une coïncidence assez remarquable, il dit que « le baume pour guérir toute souffrance c’est la Passion très sainte de Jésus-Christ et l’union et l’abandon total à sa très sainte volonté »[204]. La Passion a la vertu curative qu’il reconnaît à la volonté de Dieu, à l’abandon et à l’union à cette volonté.

C’est dans la souffrance principalement qu’il faut se résigner, s’abandonner, s’unir à la volonté de Dieu. La résignation suppose la souffrance puisqu’elle n’en est qu’une acceptation et elle ne s’exerce bien que sur la Croix[205]. C’est dans les choses ardues surtout qu’il faut s’abandonner, dans les épreuves qu’il convient de s’unir plus intimement à la divine volonté et de s’en nourrir[206].

Tant d’âmes sont venues à l’abandon par le chemin de la souffrance, que l’on peut dire avec vérité que l’abandon s’insère normalement dans une vie de souffrances et qu’une vie de souffrances devient très facilement une vie d’abandon.

Parmi les avantages de la voie d’abandon, le P. Piny ne trouvait-il pas qu’elle est « une sorte de vrai martyre intérieur », que c’est la voie « la plus crucifiante, celle où l’on porte la Croix le plus saintement »[207] ?

 

2. L’imitation du Christ, qui donne sa valeur à la souffrance, ajoute à l’abandon une force nouvelle qui en accroît constamment la grandeur.

Si c’est dans l’océan de la Passion du Christ que doit se faire la pêche de toutes les vertus, les souffrances de Jésus sont le moyen le plus efficace pour établir les âmes dans l’amour et dans la crainte de Dieu[208]. La Passion, qui est l’œuvre d’amour par excellence, [169] est le plus puissant motif de l’amour. Saint Paul de la Croix demande la souffrance, pour arriver à la perfection de l’amour[209].

L’amour est le plus puissant ressort de la vie spirituelle et il faut perpétuellement croître dans l’amour[210]. S’il vient de la Croix, c’est aussi sur la Croix que s’exerce le véritable amour[211]. Et pour montrer vraiment à Dieu son amour, il faut passer par la filière de la pure souffrance[212]. Le chemin court pour arriver à l’amour de Notre-Seigneur, c’est de se laisser perdre dans l’océan de ses souffrances[213].

Puis, « l’amour est une vertu unitive ». Il pousse à l’imitation du Christ souffrant. C’est l’amour qui décide saint Paul de la Croix à faire siennes les souffrances de Jésus[214], à désirer, jusqu’au jour où il sera exaucé, sentir dans son âme et dans son corps les souffrances mêmes de la Passion de Jésus[215]. Quand on aime, nécessairement on imite.

Il admet comme une vérité sans conteste que toute la vie du Christ n’a été que souffrances. La parole de l’Imitation : « Tota vita Christi crux fuit et martyrium »[216], l’impressionne fortement et il la répète plus d’une fois[217]. La conclusion qu’il en tire est simple : notre vie, à nous chrétiens, doit être, comme celle du Christ, une vie de souffrances. Et c’est pour lui volonté de Dieu.

« Comme le cher Jésus a voulu que sa très sainte vie ici-bas… fût toujours au milieu… des peines, des épreuves, des fatigues, des difficultés, des angoisses, des mépris, des calomnies, des douleurs, des fouets, des clous, des épines et de la mort très amère de la Croix, ainsi me faisait-il comprendre qu’en m’attachant à lui je devais mener la même vie au milieu de toutes les souffrances. Avec [170] quelle jubilation ma pauvre âme embrassait toute sorte de souffrances… »[218].

Aussi, c’est pour lui un principe que la souffrance rend semblable au Christ. Et à sa façon habituelle, il le répète de toutes les manières. Il écrit à une malade : « Sa divine Majesté veut faire de vous un portrait de Jésus crucifié »[219]. Il dit d’une autre infirme qu’elle vit « une vie toute conforme au céleste Epoux Jésus-Christ »[220]. Il proclame tout simplement : « En substance, la récompense que Dieu donne à ses serviteurs ici-bas, ce sont des croix, des angoisses, des épreuves de toute sorte pour les rendre ainsi semblables à son Fils Jésus-Christ »[221].

Plus nous souffrons, plus nous nous assimilons à Jésus. De même, plus nous souffrons avec patience et abandon, plus notre souffrance se rapproche de celle de Jésus et par conséquent plus elle nous assimile à lui[222].

Plus notre souffrance ressemblera à celle du Christ, plus elle sera pure et nue, plus elle sera sans réconfort, – et ces expressions-là semblent bien synonymes, – plus nous nous assimilerons au Christ souffrant, plus notre souffrance sera parfaite[223]. Cette souffrance sans réconfort, « Dieu ne l’accorde qu’aux âmes qui lui sont chères »[224]. Elle est vraiment la mort mystique qui rend les âmes si agréables à Dieu[225], ou plutôt le « chemin court » qui y mène. Elle nous fait faire de grands progrès dans la perfection.

Saint Paul de la Croix répète le mot de saint Ignace d’Antioche, [171] que la souffrance nous rend disciples du Christ[226]. C’est une parole qu’il a profondément méditée et dont il cherche à déduire toutes les conséquences.

L’exemple du Christ, qui est le vrai motif d’accepter la souffrance, est aussi le motif le plus élevé de pratiquer l’abandon. C’est parce que le Christ s’est abandonné, parce qu’il a fait de la volonté de son Père sa nourriture, que nous devons nous aussi en faire la nôtre. C’est parce que Jésus a souffert et s’est tu qu’il nous faut, nous aussi, souffrir et nous taire[227].

« Qui veut être saint, aime à suivre fidèlement les traces de Jésus-Christ, à devenir l’opprobre des hommes, l’abjection du peuple, parce qu’il se reconnaît coupable de lèse-majesté divine pour avoir péché. Celui qui veut être saint aime à être caché aux yeux du monde. Il prend le doux pour l’amer, et l’amer pour le doux. Ma nourriture est de faire en tout la très sainte volonté du Père. Et parce que cela se fait davantage dans la souffrance que dans la jouissance, parce que dans la jouissance toujours s’accroche la volonté propre. C’est pourquoi le vrai serviteur de Dieu aime la nue souffrance, la recevant sans intermédiaire de la pure volonté du Seigneur »[228].

L’imitation du Christ enthousiasme l’âme de saint Paul de la Croix. Mais elle a aussi cet admirable effet de la laisser pleinement désintéressée et tournée vers Dieu. Quelle que soit sa souffrance, elle ne se replie pas sur elle-même, elle savoure ses douleurs. Elle garde la paix et si possible la joie. Son enseignement sur ce point comme sur les autres répond entièrement à sa pratique personnelle :

« Je voudrais que même dans vos douleurs vous vous anéantissiez et que vous n’en fassiez pas cas, sans y fixer votre pensée, sans les regarder (pour ainsi dire) en face ; par-dessus tout, je ne voudrais pas que vous les montriez à l’extérieur, ou du moins je voudrais que vous les montriez le moins possible et le plus que vous pourrez avec un visage serein et joyeux, comme veulent faire les vrais amants de la Sainte Croix. Je vous ai dit de ne pas regarder en face vos douleurs et de n’y pas fixer votre pensée : je veux dire avec la partie supérieure de votre esprit ; car vous savez déjà que la partie inférieure ne peut faire autrement que de les sentir, sinon ce ne seraient pas des douleurs. Je vous le dis afin que vous ne perdiez pas de vue le Souverain Bien, mais que vous restiez sur la Croix comme [172] une victime d’amour, toute unie au doux Jésus et toute brûlée et consumée par le feu de son infinie charité »[229].

 

De l’abandon, à la fois si élevé et si simple que saint Paul de la Croix a pratiqué héroïquement lui-même[230], ne s’attachant en tout qu’à la seule volonté de Dieu, et qui est une des lignes essentielles de sa direction, on voudrait savoir les origines, pouvoir dire sous quelles influences il est né.

Un fait est acquis. Si haut que nous remontions dans les écrits du saint, nous trouvons sa doctrine complète aussi bien sur l’abandon que sur la Passion du Christ, et il est difficile de signaler dans le reste de sa vie une variation appréciable. Dès le premier jour de sa retraite de 1720, durant laquelle il écrit les règles des Passionistes, il manifeste son ardent désir d’unir ses souffrances à celles [173] du Christ : « Je sais que, par la miséricorde de notre cher Dieu, je ne désire pas savoir autre chose ni goûter quelque consolation sauf le désir d’être crucifié avec Jésus »[231]. Il va jusqu’ à désirer de souffrir actuellement les souffrances du Christ[232], jusqu’à désirer de souffrir toujours davantage[233], d’être toujours dans les souffrances[234].

La souffrance lui est si chère qu’il ne cherche pas de soulagement[235] si ce n’est dans la partie inférieure[236]. Bien plus, il demande à Notre-Seigneur de n’être pas délivré de sa souffrance[237], sauf des tentations qui vont contre Dieu[238] ; il a peur d’en être délivré[239]. Son amour de la Passion lui fait demander de mourir pour le Christ[240] et d’être martyr[241]. Les croix de Jésus sont les joies de son cœur[242] ; la joie de souffrir est telle qu’elle lui fait oublier la faim et le froid[243].

Il éprouve un vrai « contentement que la volonté de Dieu se fasse »[244]. L’âme embrasse volontiers les souffrances parce qu’elle sait qu’elles sont la volonté de Dieu. Sans que le mot d’abandon soit prononcé, nous en avons déjà tous les éléments : l’acceptation parfaite de la souffrance et l’union entière à la volonté de Dieu. L’âme parfaitement indifférente « ne songe plus ni à souffrir ni à jouir. Elle reste seulement fixée à la volonté de son époux bien-aimé Jésus »[245], préférant d’être crucifiée avec lui pour lui être conforme, à Lui dont toute la vie n’a été que souffrance. Un mot résume tout : « En tout soit faite la volonté de notre cher Dieu »[246].

C’est donc le mystère des années de formation qui ont précédé 1720 qu’il faudrait essayer de percer, s’il en était possible. On sait [174] que l’influence de saint François de Sales[247], qui est au point de départ de la spiritualité d’abandon, a été grande dès cette époque sur saint Paul de la Croix. Si évidente qu’elle soit et si considérable qu’elle apparaisse, je ne la crois pas suffisante pour expliquer à elle seule les approfondissements étonnants qu’a pris chez le fondateur des Passionistes la doctrine de l’abandon. Je reste persuadé qu’il faut chercher plus près du saint et qu’il vaudrait la peine d’étudier à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle le courant spirituel italien de l’abandon dont les Lettres de saint Paul de la Croix sont un des plus précieux monuments.

Enghien (Belgique), décembre 1950.                                                M. VILLER

 


 

[1] Les références aux lettres sont données par l’indication du volume et de la page des Lettere di S. Paolo della Croce ; 4 vol. in 8°, Roma, Scula tipografica Pio X, 1924. On peut regretter que la table alphabétique des matières, si précieuse, se soit bornée à un petit nombre de mots-clefs.

Je me suis toujours servi des ouvrages très méritants du P. Gaétan du Saint-Nom de Marie, en particulier de celui qui a pour titre Doctrine de Saint Paul de la Croix sur l’oraison et la mystique, Louvain, coll. Museum Lessianum, 1932. L’auteur y montre excellemment comment le saint est en contact étroit avec quatre des grands mystiques : Tauler, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix et saint François de Sales. Il me semble pourtant que le P. Gaétan, très attentif aux ressemblances, n’a pas assez tenu compte des divergences, de ce qui est caractéristique et personnel, des expériences propres de saint Paul de la Croix, qui n’ont pas été mises en lumière suffisamment. C’est minimiser un homme aussi original que le fondateur des Passionistes que de vouloir trop l’uniformiser avec ses devanciers. La part de la Passion dans sa mystique est en fait plus grande qu’il n’est dit. Il aurait fallu étudier davantage saint Paul en lui-même et pour lui-même, nous décrire par exemple cette contemplation amoureuse et douloureuse, dont il est parlé déjà dans le journal de la retraite de 1720 : « Dieu me donne de comprendre qu l’âme qu’il veut attirer à la haute union avec Lui par le moyen de l’oraison, doit passer par ce chemin des souffrances dans l’oraison » (I, 9). Il eut été bon aussi de donner un exposé d’ensemble de la spiritualité du saint.

[2] A Giuseppe Strambi, 30 septembre 1768, IV, 75.

[3] Il sait par expérience que les âmes contemplatives ne sont pas faciles à comprendre et par conséquent à diriger : « Les âmes plus élevées, bien qu’elles le comprennent, ne peuvent exprimer ce qu’elles comprennent. Ce ne serait pas des œuvres de Dieu, si on pouvait les comprendre » (A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 3 août 1756, II, 497).

[4] Il y a de multiples rubriques sous lesquelles il range les choses importantes : ce qu’il faut ne jamais laisser, ne jamais perdre de vue, dont il faut faire grand cas, tenir grand compte…

Le XVIIe siècle, bien avant saint Paul de la Croix, faisait volontiers de la conformité à la volonté de Dieu un chemin court pour atteindre la perfection. Le P. J. de Guibert dans ses Leçons de théologie spirituelle, Toulouse, 1943, t. 1, 6e leçon : Perfection et conformité à la volonté de Dieu, p. 208, remarquait qu’au XVIIe siècle, toute une série d’ouvrages sur la conformité à la volonté de Dieu se présentaient déjà comme des chemins courts pour arriver à la perfection. Il citait Benoît de Canfeld, Règle de perfection contenant un abrégé de toute la vie spirituelle réduite au seul point de la volonté de Dieu, Paris, 1609 ; Paul de Lagny, Le chemin abrégé de la perfection contenu dans l’exercice de la volonté de Dieu, Paris ; 1662 ; Eusèbe Nieremberg, Vida divina y camino real para la perfeccion, Madrid, 1633 (la traduction du P. d’Oultreman paraissait sous le titre Chemin royal pour arriver bienstot à la perfection, Douai, 1642) ; Gaspard Druzbicki, Tractatus de brevissima ad perfectionem via, hoc est de praesenti divinae voluntatis intentione, executione, apprehensione, Kalish, 1662 ; Alexandre Piny, Etat du pur amour ou conduite pour bientôt arriver à la perfection par le seul fiat, Lyon, 1676.

[5] I, 805.

[6] II, 62.

[7] Les « pierres fondamentales » les plus habituellement désignées se retrouvent dans le passage suivant : « Si Votre Révérence s’applique à un total mépris d’elle-même, à une vraie mortification intérieure et extérieure, à un total abandon au divin bon plaisir, à un vrai détachement de tout le créé, avec ces pierres fondamentales, elle bâtira un grand palais de perfection » (A la M. Marianna Eleonora del Pozzo, 12 décembre 1735, II, 5). Autres énumérations : III, 598, 663 ; IV, 261, 292.

Parfois il n’y a qu’une seule « pierre fondamentale » : « l’amour de notre propre mépris et la connaissance de notre propre néant sont la pierre fondamentale des autres saintes vertus » (à ses religieux, 30 novembre 1760, IV, 268). « La connaissance de vous-même, de vos propres misères, de votre rien-être, rien-pouvoir, rien-savoir est le fondement sur lequel doit s’élever l’édifice de toutes les vertus et de votre propre perfection » (à Thomas Fossi, 8 octobre 1772, I, 804). « Aimez toujours davantage la vertu fondamentale dont vous me parlez qui est l’humilité du cœur : N. N. N. » (au P. Giovanni Maria di S. Ignazio, 25 août 1757, III, 164 ; ces trois N (Niente) ce sont les trois rien du texte précédent).

[8] I, 528. – Il envoie à la Sœur Maria Crocifissa Costantini une liste de vertus que doivent pratiquer celles qui se préparent à recevoir l’habit de la Passion. Il a soin d’y faire figurer « le total abandon au divin bon plaisir » ([mai 1771], II, 321).

[9] A Laura Giannotti, 19 mars 1734, I, 528.

[10] A D. Erasmo Tuccinardi, 29 novembre 1730, I, 86.

[11] I, 307.

[12] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, II, 521.

[13] 18 décembre 1743, I, 491.

[14] A Agnès Grazi, 21 juin 1742, I, 286.

[15] A la même, 8 décembre 1742, I, 292.

[16] A D. Domenico Panizza, 2 avril 1750, III, 18 ; de même à Thomas Fossi, 20 février 1749, I, 574. Ce motif de charité, ce sera souvent la Passion de Notre-Seigneur qui l’inspirera : « En vous abandonnant pacifiquement à la volonté de Dieu et en acceptant volontiers de mener votre vie douloureuse et mourante par amour de la Passion et de la mort de ce souverain Seigneur, qui pour notre amour a voulu se faire si pauvre et ensuite mourir nu sur une croix, vous serez si agréable et si cher à Dieu, plus que si vous aviez mené une vie pénitente dans les déserts de la Thébaïde, et vous mourrez très saintement » (à son frère Giuseppe Daneo, 2 novembre 1756, II, 553).

[17] A Sœur M. Luisa della Passione, 7 février 1761, III, 625.

[18] A Teresa Palozzi, 22 août 1756, III, 356.

Saint Alphonse de Liguori, lui aussi, semble bien admettre que la rassegnazione renferme la parfaite charité. Le célèbre XIVe chapitre de La Monaca santa « Della rassegnazione nella volontà di Dio » commence par ces mots : « Dice S. Giovan Grisostomo che tutta la perfezione dell’amore verso Dio consiste nella rassegnazione al suo divino volere ». Saint François de Sales est moins net (Traité de l’amour de Dieu, livre IX, c. 4 : « De l’union de nostre volonté au bon playsir de Dieu par l’indifférence »).

L’équivalent exact de la rassegnazione de saint Paul de la Croix c’est la resignatio sui du moyen âge telle qu’on la trouve par exemple dans sainte Gertrude, Insinuationes divinae pietatis, III, 54, ou dans l’Imitation de Jésus-Christ, III, 37. Le mot résignation au sens restreint d’aujourd’hui le traduit mal. Il serait beaucoup mieux rendu par abandon. Le P. Gaétan du Saint-Nom de Marie s’est bien rendu compte que rassegnazione et abandono avaient une signification souvent identique. Dans la Doctrine de saint Paul de la Croix sur l’oraison et la mystique, la « table alphabétique des matières » au mot abandon et au mot résignation indique les mêmes références. Le même auteur dans son ouvrage Oraison et ascension mystique de saint Paul de la Croix, Louvain, 1930, coll. Museum Lessianum, ch. 3, p. 150-160, a un long paragraphe où il essaie de décrire l’attitude de saint Paul de la Croix à l’égard de la volonté de Dieu « durant ses quarante-cinq années de désolations » et qu’il intitule : « Patience et résignation à la volonté divine ». Est-ce assez dire ? Mieux vaudrait sans doute : « Abandon parfait et union totale à la divine volonté ».

[19] A Agnès Grazi, 18 mars 1738, I, 207. – Ailleurs c’est l’humilité qui est la vertu qui plaît le plus à Dieu. Voici ce qu’il écrit à Agnès Grazi : « Celui qui veut plaire à Marie très sainte, il faut qu’il s’humilie davantage parce que Marie fut la plus humble entre toutes les créatures et c’est pourquoi elle plut à Dieu davantage par son humilité » (I, 349). Il lui écrivait le 30 août 1736 : « Il n’y a pas de chose qui plaise davantage à Dieu que de s’anéantir et de s’abîmer dans son néant. Et cela épouvante le démon et le met en fuite » (I, 150).

Faut-il donc admettre un certain flottement dans les préférences de saint Paul de la Croix et dire que c’est tantôt l’abandon et tantôt l’humilité qui plaît le plus à Dieu ? C’est possible. Je crois cependant qu’il attache plus d’importance à l’abandon qu’à l’humilité. Témoin les lignes suivantes où il déclare à une religieuse que si Dieu lui a envoyé des souffrances, « c’est afin qu’elle s’exerce dans ces vertus qui plaisent le plus à l’époux divin et qui s’exercent dans la souffrance plus qu’en d’autres occasions. Ce sont principalement l’humilité de cœur et l’amour de la propre abjection, la patience et la constance à souffrir en silence sacré de foi et d’amour. La patience renferme en soi l’œuvre parfaite et la vraie résignation (rassegnazione) à la divine volonté qui est le trésor des trésor » (A Sœur Maria Luisa della Passione, 7 février 1761, III, 625).

[20] A D. Domenico Panizza, 2 avril 1750, III, 18.

20 bis A Sœur Maria Cherubina Bresciani, 2 octobre 1750, I, 506 ; cf. II, 318.

[21] A Thomas Fossi, 26 juin 1756, I, 674.

[22] II, 642.

[23] Je me borne à quelques références : A Agnès Grazi, I, 157, 178, 217, 223, 315, 326 ; à Thomas Fossi : I, 611, 647 ; à la prieure du Carmel de Vetralla : 9 février 1756, III, 94, etc.

[24] III, 484.

[25] A Anna Maria Calcagnini, décembre 1770, III, 833.

[26] Faut-il faire remarquer qu’à la même époque le P. de Caussade professait exactement la même doctrine ? « Vous faites bien de vous attacher fortement et presque uniquement à l’excellente pratique de l’entier abandon à la volonté de Dieu. C’est là que gît pour vous la perfection » (L’Abandon à la providence divine, livre 1, lettre 1).

« Vous voulez que je vous indique la voie la plus courte et la plus sûre pour arriver à la perfection… L’abandon entier, aveugle, absolu, voilà, pour les âmes qui sont dans votre voie, le comble et le résumé de la perfection, parce que la perfection consiste dans le pur amour et que, pour vous, l’exercice du pur amour consiste dans l’abandon… » (ibidem, lettre 2).

« A l’égard des âmes qui ont acquis l’habitude d’éviter toute faute délibérée et d’accomplir fidèlement les devoirs de leur état, on peut réduire toute la perfection pratique à cette seule maxime : exercice d’une résignation continuelle à toutes les volontés de Dieu, d’un complet abandon à toutes les dispositions de sa Providence… Oui, Père céleste, je veux tout : Oui, et toujours oui. Cela dit et redit par la disposition habituelle du cœur, sans même qu’il soit besoin de le prononcer intérieurement, voilà en peu de mots le grand et court chemin de la perfection la plus haute… » (ibidem, livre 2, lettre 1).

[27] A une religieuse du monastère de Vetralla, IV, 321.

[28] A D. Giovanni Bernardino Forlani, 17 juin 1748, II, 703.

[29] A Sœur Maria Cherubina Bresciani, 2 octobre 1750, I, 506.

[30] 13 juin 1738, I, 209.

[31] A Agnès Grazi, I, 180, 265, 324 ; à la M. Maria Crocifissa Costantini, 5 février 1765, II, 303.

[32] 20 février 1749, I, 574.

[33] A Agnès Grazi, 4 août 1740, I, 256-257.

[34] I, 257.

[35] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 14 septembre 1755, II, 482.

[36] A Girolama Ercolani, 22 février 1750, II, 584. – Aux motifs de l’abandon, saint Paul de la Croix ne fait allusion qu’en passant. Il lui suffira d’une ligne pour les résumer à Agnès Grazi : « Dieu est votre guide, votre père, votre maître et votre époux » (13 juin 1738, I, 209). Mais il revient souvent sur le fait que Dieu veut le meilleur, qu’il fait tout réussir au mieux (à Thomas Fossi, 13 juin 1760, I, 717), qu’il ne dispose des événements que pour notre avantage spirituel (à Agnès Grazi, I, 330) et pour le plus grand bien de nos âmes (à Girolama Ercolani, 20 février, I751, II, 589 ; à Ippolita Piccarilli Pettirossi, 4 août 1752, III, 115). Tout ce qui arrive est bon, sauf le péché (à Agnès Grazi, 8 décembre 1742, I, 292). Tout ce que Dieu nous envoie est excellent, parce qu’il le veut. Nos souffrances, Dieu s’y est complu de toute éternité (à Thomas Fossi, 16 juin 1756, I, 671 ; à une religieuse de Vetralla, IV, 321). En face d’un événement, quel qu’il soit, il n’y a qu’à se taire et approuver, car « les œuvres de Dieu sont toutes très parfaites » (à la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 18 septembre 1743, II, 442), ou dire seulement la parole de Notre-Seigneur : « Ita Pater, quoniam sic fuit placitum ante te ».

[37] A Thomas Fossi, 16 juin 1756, 11 juillet 1765, 18 juin 1766, I, 672, 760, 768-769.

[38] A Girolama Ercolani, 29 février 1750, II, 584. A une religieuse de Vetralla, IV, 321.

[39] A Agnès Grazi, I, 330. A Thomas Fossi, 16 juin 1756, I, 671.

[40] A Teresa Palozzi, 1er janvier 1767, III, 407.

[41] A Thomas Fossi, 26 août 1736, I, 536 ; à Agnès Grazi, I, 316 ; à Marianna Girelli, 28 décembre 1768, III, 756.

[42] A D. Giacomo Maria Massa, 1er mars 1775, IV, 165.

[43] A ses frères et sœurs, 21 février 1722, I, 54 ; à Maria Giovanna Venturi Grazi, 17 janvier 1765, II, 39 ; à la M. Maria Crocifissa Costantini, 14 janvier 1769, II, 318 ; à Domenico Antonio Ercolani, 27 décembre 1749, II, 746 ; à une religieuse du Corpus Domini, 13 août 1769, IV, 54 et IV, 67.

[44] A Thomas Fossi, 14 février 1752, I, 611.

[45] Au même, 21 août 1764, I, 752 ; à Agnès Sagneri, 29 mars 1768, IV, 10.

[46] A Agnès Grazi, 7 mars 1737, I, 177 et 326.

[47] A Agnès Grazi, I, 110, 159, 326, 333 ; à la M. Maria Crocifissa Costantini, 24 mai 1768, II, 315 ; à Girolama Ercolani, 22 février 1750, II, 584.

[48] A Agnès Grazi, 17 avril 1734, I, 110.

[49] A Agnès Grazi, 4 août 1740, I, 257.

[50] A Thomas Fossi, 27 novembre 1764, I, 756.

[51] A Teresa Palozzi, 26 octobre 1764, III, 396.

[52] A Agnès Grazi, 29 novembre 1736, I, 159.

[53] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 3 juin 1766, II, 309.

[54] A Sœur Maria Cherubina Bresciani, 19 octobre 1740, I, 476.

[55] A Francesca Lucci, 8 février 1736, I, 383 ; à Francesco Antonio Appiani, 16 juillet 1738, I, 417 et sv. ; à Thomas Fossi, 30 mai 1752, et 1er mars 1758, I, 615 et 689.

[56] A Thomas Fossi, 26 août 1737, 12 décembre 1738, 10 janvier 1749, I, 542, 547, 573.

[57] Au chanoine Paolo Policarpo Cerruti, 2 août 1741, II, 274.

[58] 10 octobre 1759, III, 176.

[59] - 60 Je ne parle ici que de l’abandon dans l’oraison contemplative. Mais il faut au moins indiquer les rapports généraux de l’abandon avec l’oraison, à tous les degrés de celle-ci.

Tout d’abord saint Paul de la Croix est d’accord avec saint François de Sales qui, dans l’Entretien XVIII, Des sacrements, dit de l’oraison : « N’y aller avec aucune préoccupation de désirs d’y estre consolée et satisfaite, car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre-Seigneur ».

Puis, il fait clairement de l’abandon un fruit de l’oraison : « Il vous est nécessaire de faire oraison parce que vous êtes sujette à beaucoup d’événements et pour recevoir tout avec abandon » (A Marianna della Scala del Pozzo, 11 novembre 1728, I, 41). Il disait de lui-même : « Je ne désire rien tant que de faire la volonté de Dieu et c’est à cela que tendent toutes mes prières » (A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 13 juillet 1756, II, 490).

L’oraison est enfin un exercice d’abandon, un exercice de la volonté de Dieu. L’aridité, la sécheresse, la désolation ont cet avantage de nous obliger à pratiquer perpétuellement l’abandon. La volonté de Dieu « s’accomplit mieux… dans la désolation que dans la consolation… » (A la M. Maria Crocifissa Costantini, 2 décembre 1762, II, 295). Aussi recommande-t-il de faire souvent dans l’aridité des actes d’abandon (à Teresa Palozzi, 26 juillet 1757, III, 363 ; 31 août 1758, III, 367).

 

[61] 16 décembre 1733, I, 103-104.

[62] En voici un exemple : « …Marcher avec une vraie pauvreté d’esprit…, avec le seul guide de la sainte foi et sans autre appui que le simple et confiant abandon à la divine volonté… » (à Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 14 octobre 1755, II, 484).

[63] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 3 août 1756, II, 496.

[64] A la même, 25 janvier 1755, II, 469 ; à Sœur Maria Crocifissa di Gesù, 31 juillet 1770, IV, 100.

[65] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 29 mars 1747, II, 446.

[66] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 10 août 1741, II, 289.

[67] 4 août 1734, 19 avril et 3 octobre 1736, I, 113, 135, 155.

[68] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 3 août 1756 et 26 mars 1763, II, 496 et 511.

[69] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 21 décembre 1754, II, 467.

[70] A Teresa Palozzi, 28 avril 1763, III, 383 ; cf. II, 289.

[71] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 3 septembre 1754, II, 291-292.

[72] A Thomas Fossi, 23 octobre 1764, I, 753.

[73] A la M. Maria Crocifissa Costantini, II, 322 ; à Lucia Burlini, 17 août 1751, II, 724 ; au  P. Giovanni di S. Raffaele, 16 août [1753], III, 191.

[74] A Agnès Grazi, 13 octobre 1741, I, 275.

[75] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 25 janvier 1755, II, 469.

[76] A la même, 26 juin 1762, II, 510.

[77] On sait que la contemplation habituelle de sainte Jeanne de Chantal, l’oraison de simple regard ou « de remise en Dieu », était tout à fait dans la ligne de son abandon à la volonté de Dieu. C’était, comme elle le dit elle-même, une « simple vue de Dieu et de son néant, tout abandonnée à sa sainte volonté, dans les effets de laquelle il faut demeurer contente et tranquille, sans se remuer nullement pour faire des actes de l’entendement ni de la volonté » (Questions… adressées à saint François de Sales… dans les Œuvres complètes de sainte Jeanne de Chantal, Paris, 1875, t. II, p. 41).

Il est vraisemblable que le repos en Dieu « dans un silence de foi et d’amour », qui revient si souvent dans la correspondance de saint Paul de la Croix, était très voisin de l’oraison de sainte Jeanne de Chantal. C’est déjà une oraison passive. Il est probable d’autre part que l’oraison vers laquelle le saint dirige Teresa Palozzi lorsqu’elle ne peut plus méditer (13 juillet 1757, III, 362) est une oraison active de simple regard ou de présence de Dieu : « Tenez-vous à l’intérieur de vous-même en pure foi sans images avec une douce et pacifique attention à Dieu que vous avez au-dedans de vous-même, car vous êtes plus à Dieu qu’à vous-même ». On remarquera les déclarations extrêmement fortes sur la présence de Dieu que plus d’une fois le saint fait à Teresa Palozzi : « Il est de foi que notre âme est le temple du Dieu vivant et il est de foi que Dieu habite en nous… » (19 juin 1757, III, 359). « Savez-vous que c’est une vérité de la sainte foi que Dieu est plus près de nous que nous ne le sommes de nous-mêmes, plus près de nous que la peau de notre chair » (31 août 1758, III, 367).

[78] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 26 juin 1762, II, 509.

[79] A Thomas Fossi, 27 juin 1770, I, 796.

[80] Au P. Pietro di S. Giovanni, 24 octobre 1764, III, 439.

[81] Signalons que si la part de l’homme dans la contemplation est de se tenir dans son néant, même dans la simple marche à la perfection, l’anéantissement et l’humilité tiennent déjà un rôle considérable. Il est dit dans une lettre à Agnès Grazi du 8 mars 1736 : « Dieu vous appelle à une très haute perfection, et pour y arriver, il faut votre coopération, et ceci se fait en s’anéantissant devant Dieu et le prochain, en esprit de vraie et très simple humilité, avec un très profond détachement de tout le créé et de votre propre vie, avec une totale transformation dans le divin bon plaisir et un total abandon dans cet abîme d’infinie bonté » (I, 132). Nous avons là un bon résumé de la direction générale donnée à une contemplative. Les dispositions en dehors de l’oraison ne sont pas différentes de celles qui doivent accompagner l’oraison.

Des indications de même sens se retrouvent çà et là dans la correspondance. Il est dit par exemple à Agnès Grazi : « Si Dieu ne l’enseigne pas [la contemplation infuse], nous ne pouvons pas nous y mettre ». A Thomas Fossi : « La Majesté divine donnera, après de longues épreuves, la haute oraison aux âmes bien purifiées, non pas à toutes, mais à un petit nombre, selon qu’il plaît à sa divine Providence » (2 juin 1753, I, 625). A une religieuse : « Puisque vous me dites que vous ne comprenez pas ce qu’est la contemplation à laquelle Dieu fait arriver les âmes grandes et généreuses qui lui sont très chères, je vous dirai que si vous êtes fidèle à supporter avec patience, mansuétude et grande résignation les souffrances spirituelles et corporelles que Dieu permet à votre égard, et si vous les acceptez immédiatement de ses mains divines, certainement la Majesté divine vous fera la grâce de savoir bien contempler et méditer les très saintes souffrances de Jésus-Christ et d’imiter ses divines vertus. C’est là une contemplation très riche. L’autre, Dieu l’accorde gratuitement à qui il lui plaît. Ce n’est pas une voie ouverte à tous, mais aux âmes privilégiées qui lui sont chères, très chères » (15 février 1766, II, 267).

[82] 3 août 1756, II, 496 ; cf. 13 juillet et 21 août 1756, 13 août 1757, 26 mars 1763, II, 489, 499, 503, 511, 522. Il m’aurait fallu doubler le nombre des références si j’avais dû mentionner tous les textes où les deux premiers conseils sont seuls indiqués.

[83] A. Piny, O.P., Le plus parfait, édition Noël, Paris, 1919, ch. 2, p. 15-16.

[84] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 21 juin 1768, II, 316.

[85] Le plus parfait, édition Noël, Paris, 1919, ch. 2, p. 18.

[86] 11 juillet 1765, I, 760. « Epouser la divine volonté » est une expression qui se retrouve ailleurs : au même Thomas Fossi, 4 août 1751, I, 607 et 16 mai 1750, I, 591.

[87] A Agnès Grazi, 8 décembre 1742, I, 292 ; à Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 16 juillet 1754, II, 457 ; à S. Maria Angela Cencelli, 19 décembre 1762, III, 612.

[88] 18 septembre 1743, II, 442.

[89] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 16 juillet 1754, II, 457.

[90] A Girolama Ercolani, 22 février 1750, II, 584.

[91] II, 87 ; cf. à la Sœur Maria Innocenza di M. SS. Addolorata, 21 juin 1757, III, 480.

[92] A Agnès Grazi, 19 septembre 1740, I, 262.

[93] A Maria Giovanna Venturi Grazi, 29 juillet 1751, II, 23 ; à Maria Angela Cencelli, 22 septembre 1760 et 18 décembre 1761, III, 600 et 604.

[94] A Teresa Palozzi, 26 octobre 1762, IV, 337.

[95] Au P. Antonio di Santa Teresa, 12 janvier 1765, III, 717 ; à un nouveau prêtre de sa congrégation, 12 décembre 1765, III, 743.

[96] A Marianna Alvarez, 15 janvier 1735, I, 530.

[97] A Thomas Fossi, 14 mai 1749, I, 578.

[98] Au même, 31 août 1754, I, 645-646. – Les comparaisons elles-mêmes dont il se sert pour marquer la profondeur de l’abandon sont fort instructives. Si elles en soulignent la passivité, elles montrent aussi l’amour et la confiance qui doivent l’animer. La plus ordinaire est celle du tout petit enfant qui repose sur le sein de sa mère (I, 209, 220, 756…). Elle est dans saint François de Sales (Traité de l’amour de dieu, liv. IX, ch. 14 : « comme un petit enfant entre les bras de sa mère » et Entretien II : « … ceste âme qui s’est délaissée… entre les bras de Nostre-Seigneur comme un enfant dans le sein de sa mère »). Il y a celle de l’agneau qui se laisse tondre sans résistance (I, 476). En voici une autre plus expressive : « Vous ferez bien de vous jeter comme morte dans les bras de la divine miséricorde » (A la Sœur Maria Crocifissa di Gesù, 31 juillet 1770, IV, 100). Il disait également à la Sœur Maria Crocifissa Costantini le 9 janvier 1768 : « Je désire que votre volonté soit comme morte dans la volonté toujours adorable de Dieu… Soyez comme morte et ensevelie dans le divin bon plaisir, sans plus vous plaindre de rien » (II, 312).

La plus forte est sans doute la suivante : « Le navire est en mer sans voiles et sans rames et pourtant il est guidé par le grand Pilote qui sans autre chose le mènera au port sûr. Il est battu par la tempête et par les vents parce que ainsi resplendissent davantage la puissance et la sagesse du grand Pilote qui le guide » (A D. Erasmo Tuccinardi, 29 novembre 1730, I, 86). La comparaison est reprise dans une lettre à Agnès Grazi : « Mettez-vous entre les mains de Dieu, toute abandonnée en lui comme un navire sans voiles et sans rames… » (29 juillet 1739, I, 236).

[99] J’avais pensé d’abord à intituler ce chapitre : Avantages de l’abandon, à l’exemple du P. Piny qui dans Le plus parfait nous expose les dix-huit raisons pour lesquelles, selon lui, la voie d’abandon est supérieure aux autres voies intérieures. Mais j’avoue que ce titre n’était guère dans l’esprit de saint Paul de la Croix et que sans doute à propos de la voie la plus désintéressée, de la voie qui s’identifie avec la voie du pur amour, qui n’a pas d’autre but que de contenter Dieu, il valait mieux ne point tant parler d’avantages. Ce n’est, à vrai dire, qu’une question de mots. Mais il m’a semblé qu’au lieu de multiplier les raisons qui militent en faveur de la voie d’abandon, il fallait moins chercher le nombre que la profondeur, et suivant la mentalité du fondateur des Passionistes, rester dans l’essentiel.

Je n’insisterai pas par exemple sur le fait que saint Paul de la Croix voit souvent dans l’abandon un moyen efficace d’obtenir toutes sortes de grâces (à Nicolina Pecorini Martinez, 16 février 1726, I, 62 ; à Sœur Maria Cherubina Bresciani, 18 décembre 1743, I, 491 ; à D. Giovanni Bernardino Forlani, 7 juin 1748, II, 703). Il nous dit bien, et c’est plus caractéristique, que la volonté de Dieu apporte avec elle sa grâce ; quand Dieu réclame de nous une tache à accomplir, une mission à remplir, il nous en donne les moyens. Le vénérable P. Balthasar Alvarez, nommé confesseur de sainte Thérèse, demande à Dieu le don d’oraison pour diriger sa nouvelle pénitente et il est exaucé (à Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 3 août 1756, II, 497).

[100] 18 juin, 1766, I, 768-769.

[101] A Thomas Fossi, 25 juillet 1754, I, 644.

[102] A Maria Giovanna Venturi Grazi, II, 48.

[103] A Teresa Palozzi, 6 mars 1765, III, 399.

[104] A Thomas Fossi, 15 juillet 1758, I, 695 ; à Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 16 juillet 1754, II, 458.

[105] Au P. Vincenzo di S. Agostino, 9 mars 1765, III, 302-303.

[106] A Agnès Grazi, 10 août 1733, I, 101.

[107] Au P. Giuseppe Andrea della Concezione, 6 novembre 1764, III, 260.

[108] A Teresa Palozzi, 15 décembre 1765, III, 403.

[109] Au P. Fulgenzio di Gesù, 9 décembre 1747, II, 126.

[110] A Teresa Palozzi, 8 juin 1758, III, 365.

[111] 29 mars 1759, III, 368.

[112] A Thomas Fossi, 3 février 1756, I, 663.

[113] Au même, 9 septembre 1758, I, 697.

[114] Au même, 3 février 1756, I, 663-664.

[115] Au même, 23 septembre 1747 et 16 mai 1750, I, 558 et 589 ; au chanoine Paolo Sardi, 28 août 1760, III, 122 ; à Teresa Palozzi, 17 décembre 1761, III, 381 ; à Sœur Rosa Maria Teresa del Redentor Crocifisso, 8 avril 1758, III, 515 ; à un religieux, 20 mars 1759, III, 546…

[116] A un passioniste qui vient de faire profession, 30 juin 1763, III, 664.

[117] A Sœur Maria Cherubina Bresciani, 15 décembre 1761, I, 526.

[118] A Thomas Fossi, 29 décembre 1768, I, 787-788 ; à Lucia Burlini, 17 août 1751, II, 724-725 ; à Anna Maria Calcagnini, 31 décembre 1768, III, 820 ; à Sœur Maria Cherubina Bresciani, 15 décembre 1761, I, 526 ; cf. Gaétan du S. Nom de Marie, Doctrine…, p. 56.

[119] Au P. Bartolomeo di S. Giovanni, 24 décembre 1767, III, 348.

[120] A Teresa Palozzi, 17 décembre 1761, III, 382 ; 24 décembre 1763, III, 386.

[121] A Giovanni Francesco Sancez, 2 avril 1762, II, 404.

[122] A Sœur Maria Cherubina Bresciani, 18 juin 1749, I, 504 ; à Anna Maria Calcagnini, 23 mai 1769, III, 824.

[123] Au P. Giuseppe M. di S. Lorenzo, 17 novembre 1764, III, 701 ; à un religieux, 20 mars 1759, III, 546.

[124] A une supérieure, 15 avril 1766, III, 780.

[125] A Thomas Fossi, 13 juin 1760, I, 717.

[126] A Marianna Girelli, 24 septembre 1768, III, 755.

[127] Au F. Lorenzo del Costato di Gesù, 22 novembre 1768, IV, 86. – Même réunion de ces trois épithètes pour marquer le complet détachement : à D. Giovanni Antonio Lucattini, 28 août 1751, II, 816 ; à Thomas Fossi, 20 mars 1749, I, 576.

[128] A une religieuse, 24 mars 1767, III, 835.

[129] Cette importance accordée au dépouillement total est un des lieux communs de la spiritualité d’abandon. C’est le P. de Caussade qui écrit : « Vous voulez que je vous indique la voie la plus courte et la plus sûre pour arriver à la perfection… Dépouillez-vous de toute vue propre, de toute prétention, de toute recherche, de tout retour sur vous-même, de tout ce que vous pouvez appeler vôtre, et livrez-vous sans réserve et sans retour à la conduite et au bon plaisir de Dieu » (L’abandon à la providence divine, livre 1, lettre 2). Qui pourrait compter les très nombreux passages où saint Paul de la Croix demande à ses correspondants de « se dépouiller de tout le créé », « de tout ce qui n’est pas Dieu » ? Sur le détachement de soi-même je ne citerai que ce texte à Agnès Grazi : « Heureuse l’âme qui se détache de sa propre jouissance, de son propre sentiment, et de son propre entendement » (17 mars 1734, I, 107). Ce conseil de modestie donné à Teresa Palozzi est bien aussi significatif : « Une vraie servante de Dieu ne doit regarder de la terre que ce qui suffit pour l’ensevelir » (13 juillet 1757, III, 361).

[130] Au P. Giuseppe Andrea della Concezione, 6 novembre 1764, III, 260. – Il dit à peu près dans le même sens : « Dans de tels événements, il convient de se réfugier dans l’inexpugnable forteresse de la confiance en Dieu et de se résigner (rassegnarsi) à la très sainte volonté de Dieu, sans regarder en face ce qui arrive… » (A Domenico Antonio Ercolani, 7 juin 1749, II, 742). Ailleurs, l’inexpugnable forteresse c’est le Sacré Cœur de Jésus (dans deux lettres à Agnès Grazi, I, 238, 283).

[131] A D. Giovanni Francesco Sancez, 31 décembre 1765, II, 412-413. La tempête, c’était ici la persécution dont le saint était l’objet. Même comparaison à Marianna Girelli, 24 mai 1768, III, 753.

[132] A Teresa Palozzi, 4 juillet 1761, III, 380.

[133] A la Sœur Maria Cherubina Bresciani, 29 août 1744, I, 495. Et il ajoute, comme pour indiquer la source de cette joie : « avec une grande confiance en Dieu, toute abandonnée, et reposant sur son sein paternel ».

[134] A Teresa Palozzi, 26 octobre 1764, III, 396.

[135] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 18 mars 1755, II, 473.

[136] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 2 décembre 1762, II, 295.

[137] A Thomas Fossi, 13 juin 1760, I, 718.

[138] Dans la correspondance avec Teresa Palozzi, qui a un tempérament de feu (III, 410), qui est inquiète, agitée, empressée, on trouvera de multiples conseils sur la paix : « Les inquiétudes naissent toujours d’une mauvaise racine et c’est pour cela qu’il faut tout de suite s’humilier et s’abandonner (rassegnarsi) à la divine volonté dans tout événement défavorable, prenant toutes les choses malheureuses comme venant de la main amoureuse de Dieu et laisser mourir toute inquiétude dans le feu de la divine charité » (13 mars 1764, III, 387). Il l’engage à se calmer avant l’action : « Mettez votre cœur en tranquillité, avant de vous porter à agir » (17 octobre 1764, III, 395). « Faites les choses avec une grande paix, sans presse ni hâte, parce que la presse et la hâte, c’est la peste de la dévotion, comme dit saint François de Sales. Restez donc en paix en pensant à Dieu ; travaillez, faites la cuisine, servez tout le monde, vivez en paix… Quel chemin court pour arriver à la sainteté » (8 septembre 1759, III, 372). Teresa Palozzi s’accuse de froideur dans le service de Dieu : saint Paul lui demande d’examiner si elle n’est pas « dissipée dans ses sens extérieurs », 20 juin 1759, III, 370). – Sur les rapports de la paix et de l’abandon chez le P. de Caussade, voir L’abandon à la Providence divine, livre 1, lettres 1 et 10.

[139] A Girolama Ercolani, 30 septembre 1758, II, 615.

[140] 14 janvier 1749, II, 767.

[141] A Lucrezia Bastiani Paladini, 28 juillet 1766, III, 591.

[142] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 24 juin 1760, II, 506.

[143] A une religieuse, 7 octobre 1760, II, 261.

[144] 19 février 1760, I, 713.

[145] 29 novembre 1730, I, 86.

[146] A Maria Giovanna Venturi Grazi, 20 juin 1760, II, 30 ; à la Sœur M. Luisa della Passione, 7 février 1761, III, 625.

[147] A Teresa Palozzi, 7 décembre 1755, III, 355.

[148] 21 juillet 1764, I, 751.

[149] 21 août 1764, I, 752.

[150] A Lucrezia Bastiani Paladini, 28 juillet 1766, III, 591.

[151] « Si tost qu’une âme qui s’est délaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu » (S. François de Sales, Entretien II, De la confiance).

L’expression revient au moins deux fois dans l’Entretien II. On la trouve aussi dans le Traité de l’Amour de Dieu, liv. IX, ch. 12.

[152] A Thomas Fossi, 13 août 1757, I, 686.

[153] A Marianna Girelli, 24 septembre 1768, III, 755.

[154] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 13 décembre 1764, II, 515.

[155] A une religieuse du monastère du Corpus Domini, 1er août 1769, IV, 53.

[156] A la Sœur M. Chiara di S. Filippo, 21 mars 1757, III, 465-466.

[157] A la Sœur M. Cherubina Bresciani, 2 octobre 1750, I, 506.

[158] A Agnès Grazi, 17 août 1739, I, 238.

[159] 14 février 1752, I, 611.

[160] 15 décembre 1754, I, 647.

[161] 1er janvier 1773, I, 807.

[162] A Anna Cecilia Anguillara, 27 août 1754, III, 215.

[163] A une religieuse, 29 novembre 1769, IV, 58.

[164] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 31 janvier 1756, II, 487.

[165] A une religieuse, 17 juin 1769, IV, 51.

[166] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 31 janvier 1756, II, 487.

[167] 5 novembre [1757], III, 482.

[168] A D. Francesco Antonio Appiani, 16 juillet 1738, I, 418. Il disait aussi : « Il faut procurer notre perfection non à notre mode mais comme il plaît au Seigneur » (à Thomas Fossi, 6 avril 1758, I, 691). C’était peut-être une réminiscence de S. François de Sales : « Si nous sommes saintz selon nostre volonté, nous ne le serons jamais bien ; il faut que nous le soyons selon la volonté de Dieu » (Lettres, à la Présidente Brulart, septembre 1603, éd. d’Annecy, t. 3, p. 214).

[169] A Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 13 juillet 1756, II, 489 ; à D. Giovanni Antonio Lucattini, 25 mai 1751, II, 808.

[170] 11 juillet 1738, I, 211-212.

[171] A la même, 21 juin 1742, I, 286.

[172] 30 mai 1752, I, 615.

[173] A Agnès Sagneri, 29 mars 1768, IV, 10.

[174] 30 janvier 1740, I, 251.

[175] A Agnès Grazi, 7 mars 1737, I, 177.

[176] A D. Francesco Antonio Appiani, 25 novembre 1736, I, 403.

[177] 29 novembre 1730, I, 86.

[178] A Sœur Marianna di Gesù, 28 décembre 1765, II, 737.

[179] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 3 septembre 1754, II, 291.

[180] A la M. Prieure du Monastère du Corpus Domini, 13 août 1769, IV, 54.

[181] A Marianna della Scala del Pozzo, 3 janvier 1729, I, 43.

[182] A l’abbé Conte Garagni, 10 janvier 1741, II, 213.

[183] Au même, 10 décembre 1742, II, 234.

[184] A un évêque, 6 juillet 1741, II, 270.

[185] Au pape Clément XIV, IV, 203-204.

[186] A D. Cesare Macali, 2 octobre 1750, III, 72.

[187] A Thomas Fossi, 23 septembre 1747, I, 558.

[188] A ses frères et sœurs, 21 février 1722, I, 54.

[189] A Teresa Palozzi, 19 juin 1757, III, 359.

[190] A Thomas Fossi, 15 juillet 1758, I, 695.

[191] A Faustina Giannotti, 23 mai 1768, III, 65.

[192] A Thomas Fossi, 5 septembre 1743, I, 552.

[193] 21 février 1722, I, 54-55. – Souvent saint Paul de la Croix propose à ses correspondants des oraisons jaculatoires, et particulièrement des actes d’abandon, v. g. à Laura Giannotti, 19 mars 1734, I, 528 ; à A Thomas Fossi, 13 juin 1760, I, 717-718, il conseille le « Fiat voluntas tua sicut in coelo et in terra ». Il suggère au P. Vincenzo di S. Agostino des aspirations à la divine volonté, 9 mars 1765, III, 302 ; de même à Teresa Palozzi, 19 juin 1757, III, 358.

[194] A Faustina Giannotti, 23 mai 1768, III, 65.

[195] A Thomas Fossi, 26 mai 1759, I, 704.

[196] Il écrivait au P. Fulgenzio di Gesù : « Savez-vous que de la vraie sainteté ne sont pas distinctes les peines et les tribulations » (15 décembre 1746, II, 115). – Noter aussi ce mot à Agnès Grazi : « Plus l’on avance dans le service de Dieu, plus la souffrance augmente » (17 avril 1734, I, 111).

[197] A Marianna Girelli, 28 décembre 1768, III, 756.

[198] A Sœur Marianna di Gesù, 28 décembre 1765, II, 736.

[199] Au P. Vincenzo di S. Agostino, 9 mars 1765, III, 302.

[200] A Thomas Fossi, 11 juillet 1765, I, 760.

[201] Au même, 13 août 1757, I, 686.

[202] A Anna Maria Calcagnini, décembre 1770, III, 833.

[203] A Anna Cecilia Anguillara, 10 mai 1768, III, 218.

[204] A Thomas Fossi, 31 août 1754, I, 645 ; cf. à Girolama Ercolani, 22 février 1750, II, 584 ; au docteur Federico Del Bene, 18 avril 1758, II, 837 ; au prévôt de Paliano, 9 août 1763, III, 662.

[205] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 14 janvier 1769, II, 318.

[206] A la Sœur M. Cherubina Bresciani, 18 décembre 1743, I, 491.

[207] Le plus parfait, ch. 15 et 17.

[208] A D. Gaetano Giannini, 25 janvier 1748, II, 644.

[209] A la sœur M. Cherubina Bresciani, 18 janvier 1753, I, 512. Etre crucifiée avec le Christ « c’est le moyen le plus efficace pour arriver à la perfection du saint, pur et net amour » (à Marianna Girelli, 25 avril 1769, III, 758).

[210] A Agnès Grazi, I, 329.

[211] A la sœur M. Cherubina Bresciani, 18 décembre 1743, I, 491.

[212] A Anna Maria Calcagnini, 12 décembre 1769, III, 827.

[213] A la Sœur M. Chiara di S. Filippo, 18 janvier 1757, III, 459.

[214] A la Sœur Colomba Gertrude Gandolfi, 10 juillet 1743, II, 440 ; à la Sœur Maria Crocifissa di Gesù, 2 juillet 1770, IV, 99.

[215] A Agnès Grazi, 15 mars 1736, I, 134 ; à la Sœur M. Cherubina Bresciani, 17 novembre 1739, I, 465 ; cf. à la Signora Dorotea, 9 février 1756, III, 415.

[216] De imitatione Christi, II, 12, 7.

[217] A Agnès Grazi, 29 août 1737, I, 194 ; à Thomas Fossi, 20 février 1749, I, 574.

[218] A Agnès Grazi, 29 août 1737, I, 194.- Il faut noter les circonstances de cette déclaration, car elles nous livrent, – saint Paul de la Croix est assez avare de confidences, – une de ses expériences personnelles : « …Vous vous souvenez que, hier, dans notre dévote conférence, je vous confiais que parfois il m’arrivait de subir quelque grosse tempête ; je me suis d’abord trouvé devant mon Amour, devant le Saint-Sacrement (mio Amore Sacramentato) ; mon âme s’est envolée en esprit pour s’attacher à cette infinie charité, exposée sur l’autel à l’adoration des peuples, et j’ai entendu le Sauveur m’adresser cette très douce parole : « Celui qui s’attache à moi, s’attache aux épines ».

[219] A Maria Angela Cencelli, 9 décembre 1760, III, 602.

[220] A la Sœur M. Luisa della Passione, 5 janvier 1762, III, 627.

[221] A la même, 5 octobre 1762, III, 629.

[222] A Girolama Ercolani, 31 juillet 1751, II, 592.

[223] A Agnès Grazi, 29 juin 1743, I, 298. – Il parle aussi, et là nous touchons à la mystique de la Passion, d’une « prière sans réconfort » (à la même, 3 octobre 1736, I, 155). A la Sœur Marianna di Gesù (19 mars 1768, II, 738), où il faut « imiter Jésus agonisant dans le jardin ».

[224] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 1er janvier 1765, II, 300.

[225] A la M. Maria Crocifissa Costantini, 15 juin 1765, II, 306.

[226] A Agnès Grazi, 3 octobre 1736, I, 153 ; à Antonio Coccia, 10 janvier 1768, IV, 25.

[227] A Agnès Graezi, 12 octobre…, I, 330 ; à Teresa Palozzi, 21 août 1763, III, 384.

[228] A Thomas Fossi, 6 juillet 1752, I, 616-617.

[229] A Agnès Grazi, 4 août 1738, I, 216. – Il lui dira de même qu’« il ne faut pas regarder en face les contentements, mais le Dieu des contentements » (26 septembre 1740, I, 264). En somme, il ne faut regarder que Dieu seul, « être indifférent à souffrir et à jouir », comme saint Paul le répète volontiers ; autrement dit, car l’indifférence est synonyme d’abandon, s’abandonner à Dieu dans la jouissance comme dans la souffrance, n’avoir que Dieu en vue et être dégagé de tout le créé.

[230] Le mot qu’il écrit en 1736 vaut pour toute la vie de saint Paul de la Croix : « Ma place et mon repos, c’est la volonté de Dieu » (à Agnès Grazi, 11 octobre 1736, I, 157). Le saint a toujours cherché la volonté de Dieu et « rien de plus » (I, 318).

En 1741, devant la rareté des vocations, il se résigne à la disparition de sa congrégation, si c’est la volonté de Dieu : « Je vois l’œuvre née, mais je vois aussi avec une grande évidence qu’elle peut mourir en naissant ; car je ne vois pas d’ouverture par où viendraient les serviteurs de Dieu qui seraient les pierres fondamentales pour élever cet édifice spirituel : il peut se faire pourtant que, moi enlevé qui suis un obstacle, Sa Divine Majesté y pourvoie ».

Et il ajoutait : « Je me prépare à tout et je ne fais pas autre chose que de me résigner et de m’abandonner, prêt à voir faite et défaite cette œuvre, si Dieu le veut ainsi » (à la M. Maria Crocifissa Costantini, 10 août 1741, II, 290). On sent bien encore quelque émotion dans ces paroles. Vingt ans plus tard c’est l’âme plus tranquille qu’il écrit : « Je suis indifférent et me trouve également content des événements tant défavorables que favorables, parce que Dieu me donne la grâce de ne désirer ni vouloir autre chose que le divin bon plaisir » (au chanoine Paolo Sardi, 28 août 1760, III, 122).

Durant ses dernières années, au milieu des maladies qui le retiennent au lit et empêchent toute action extérieure, il n’a plus qu’un mot et qui est bien le résultat des efforts de toute une vie : « Je me réjouis que se fasse en moi et sur moi la volonté de Dieu » (à D. Giacomo Maria Massa, 1er mars 1775, IV, 165).

[231] 23 novembre 1720, I, 2.

[232] 6 décembre, I, 7.

[233] 10, 11, 12, 13 décembre, I, 9.

[234] 21 décembre, I, 11.

[235] 25 novembre, I, 3.

[236] 10, 11, 12, 13 décembre, I, 9.

[237] 15, 16, 17, 18 décembre, I, 10.

[238] 23 décembre, I, 14.

[239] 21 décembre, I, 12.

[240] 26 novembre, I, 3.

[241] 26 et 29 décembre, I, 14 et 16.

[242] 26 novembre, I, 3.

[243] 27 novembre, I, 4.

[244] 25 novembre, I, 3.

[245] 21 décembre, I, 13.

[246] 29 décembre, I, 16.

[247] S. François de Sales est en fait l’auteur que saint Paul de la Croix cite le plus. Une lettre de 1726 nous signale qu’à cette date le Traité de l’Amour de Dieu est par lui recherché (à Nicolina Pecorini Martinez, 26 mai 1726, I, 64). Nous savons par les témoins du procès de béatification (Gaétan du Saint-Nom de Marie, Doctrine…, p. 11), que, étant encore dans la maison paternelle, il lisait assidûment saint François de Sales et en connaissait admirablement la doctrine.