Saint Paul de la croix

Règle de 1775 (abrégée)

 

 

 


 

Chapitre i :

De la fin de la congrégation

 

Le but de cette congrégation est le même que celui de tout chrétien et plus spécialement des ecclésiastiques: I'observance exacte des commandements de Dieu, puis celle des conseils évangéliques dans la mesure des forces de chacun et selon les exigences de sa condition.

 

Les membres de cette pauvre et très humble congrégation doivent donc avant tout s'occuper de leur sanctification, et y tendre de la manière prescrite par ces Constitutions. Ils rempliront ensuite avec  zèle les devoirs de la charité envers le prochain, faisant avec prudence et dévouement ce que conseilleront les circonstances des lieux et des temps, et toujours pour la plus grande gloire de Dieu et leur propre avancement spirituel: deux intentions qui ne doivent jamais sortir ni de leur esprit ni de leur coeur.

 

Comme une des principales fins de notre congrégation est, non seulement de nous adonner à l'oraison afin de nous unir à Dieu par la charité, mais de conduire aussi notre prochain à cette union en l'instruisant par une méthode aussi opportune et accessible que possible, nos religieux reconnus aptes pour une si grande oeuvre, soit dans les missions apostoliques soit dans d'autres saints ministères, apprendront aux âmes à méditer sur les mystères les souffrances et la mort de  Notre Seigneur Jésus-Christ, de qui, comme de (d’une) source, tout notre bien découle.

 

Dans les missions, on pourra le faire à la suite du sermon, ou bien dans le lieu et le temps qu'on trouvera préférables, spécialement au tribunal de la Pénitence, et dans les occasions qui se présenteront. Cette bonne et salutaire pensée est en effet très efficace pour détacher du péché le coeur de l'homme, et lui faire atteindre la perfection chrétienne à laquelle nous tendons.

 

 

CHAPITRE II

Des lieux où doivent être fondées les maisons de la  congrégation

 

Nos maisons religieuses, ou Retraites, seront fondées dans des lieux écartés, de la manière la plus convenable et la meilleure possible. Toutes seront pauvres…

 

 

CHAPITRE III

De la forme et de l'aménagement de l'église et de la retraite

 

L'Eglise sera de médiocre grandeur. Tout y sera propre, bien ordonné et tel que le demande l'honneur du saint lieu. Que les cellules du dortoir ne dépassent pas douze palmes, tant en longueur qu'en largeur. La largeur du corridor ne sera que de huit palmes. Les salles communes, ainsi que le réfectoire, seront proportionnées au nombre des religieux. L'édifice dans son ensemble et dans toutes ses parties doit exprimer la pauvreté et une religieuse décence. …

 

Les maisons seront construites dans des lieux écartés, pour que les religieux, au retour des travaux apostoliques où ils se seront dépensés pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, puissent, loin du commerce des hommes et du bruit du siècle, s'occuper uniquement du bien de leur âme dans l'oraison, les jeûnes et les autres exercices de piété. Ainsi enflammés de plus en plus de l'amour divin, enrichis des vertus chrétiennes, ils deviendront plus aptes et mieux préparés à faire produire à la divine parole, répandue par leurs soins, des fruits abondants, et à propager selon leurs forces la piété et la bienfaisante dévotion à la Passion et à la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

 

CHAPITRE IV

De la conduite à suivre dans l'admission d'un postulant

 

Celui qui désire entrer dans la Congrégation doit d'abord examiner si Dieu l'appelle à ce genre de vie. Il mûrira son projet par la prière, le jeûne et la fréquentation des sacrements. Eloigné des affaires du siècle, qu'il prenne conseil de son confesseur ou directeur spirituel, et de ceux qu'il jugerait propres à l'éclairer dans une question de cette importance. Qu'il considère sérieusement si, pour la gloire de Dieu, son salut et celui du prochain, il est réellement prêt à beaucoup souffrir, à supporter les moqueries et les mépris, à endurer volontiers les tribulations et les vexations. Il sera interrogé principalement sur ces différents points par le Père Général ou le Père Provincial.

 

 

CHAPITRE V: Du vêtement des religieux

 

L'habillement des religieux consiste en un habit noir de laine commune… L'habit est serré à la taille par une ceinture de cuir. Au côté gauche de l'habit et du manteau est attaché le très saint nom de Jésus-Christ, avec le titre de la Passion à laquelle nous devons notre salut. Ce saint nom est formé de lettres blanches placées dans une petite figure représentant un coeur et surmonté d'une petite croix également blanche. Ce signe de salut n'est donné qu'après l'année de probation.

 

 

CHAPITRE Vl

Des formalités requises avant la réception des novices

 

Ceux qui demandent leur admission dans la Congrégation doivent fournir des certificats authentiques, non seulement de baptême, mais de bonne vie et moeurs, et prouver, s'ils veulent être reçus en qualité de clercs, qu'ils possèdent une connaissance suffisante des lettres. Ils justifieront qu'ils sont de bonne réputation, libres de disposer d'eux-mêmes, et qu'ils n'ont rien à leur charge devant les tribunaux.

 

Le postulant s'adonnera au travail et à l'observance comme les religieux, et on l'éprouvera par des actes d'humilité. Qu'il lave la vaisselle, qu'il serve à la cuisine, qu'il balaie la maison, qu'il fasse preuve d'obéissance chrétienne et de patience. A cet effet, on le reprendra en public, surtout au réfectoire où on le fera quelquefois manger par terre; et il accomplira les autres actes` d'humilité et de mortification que lui imposeront les Supérieurs. De la sorte on verra aisément s'il aime le mépris, s'il est mort à lui-même et au monde, afin de ne vivre que pour Dieu, en Dieu et par Dieu, heureux de cacher sa vie en Jésus-Christ, qui a voulu devenir pour notre amour l'opprobre des hommes et l'abjection de son peuple, et nous donner ainsi le plus parfait modèle de toutes les vertus. Qu'on n'ait aucun égard à la condition des personnes. Celui qui est de noble naissance sera plus soigneusement et plus longuement éprouvé, quoique toujours avec une suave charité et non moins de prudence.

 

Ainsi de plus en plus éclairé et uni à Dieu, il sera mieux préparé au sacrifice de lui-même.

 

 

CHAPITRE VIII

De l'élection et de la charge du maître des novices

 

Il doit avoir passé dans la Congrégation, d'une manière édifiante, dix ans depuis sa profession...

 

Pour s'acquitter dignement de sa charge, si importante, il faut qu'il soit versé dans la connaissance des choses spirituelles et recommandable par sa prudence et sa charité. Il formera les novices à notre genre de vie et leur apprendra l'oraison. Afin qu'ils avancent avec sécurité et facilité dans le service de Dieu, il leur découvrira les artifices du démon et les autres dangers auxquels ils peuvent être exposés.

 

Qu'il se comporte avec mesure, circonspection, bonté et sagesse; qu'il soit en tout plein de charité, principalement lorsqu'il s'agit de reprendre et de corriger. Qu'il avertisse avec mansuétude et prudence ceux qui sont en faute, et leur impose avec douceur des pénitences proportionnées à leurs transgressions. Par cette modération, il les amènera facilement à s'amender et leurs manquements ne resteront pas impunis. Lui-même, enfin, conservera leur vénération et leur estime.

 

Qu'il donne, avec tout le soin possible, à ceux qu'il entreprend de former, une notion exacte de notre Institut; qu'il leur en découvre l'esprit et leur en inculque la fin. De la sorte les novices, qui entrent dans la voie où marchent déjà ceux qui ont fait profession, pourront comme eux s'acquitter saintement des mêmes obligations. Qu'il leur recommande tout spécialement la pratique fréquente de l'oraison, I'exercice assidu des vertus religieuses et le mépris d'eux-mêmes. Il aura soin de leur faire révéler publiquement au réfectoire leurs manquements et leurs défauts. Aux occasions favorables, qu'il les corrige, les reprenne, les abaisse, leur recommande la pratique de l'humilité. Qu'il les emploie souvent à des besognes viles et humiliantes, pour que, vainqueurs d'eux-mêmes, ils sachent résister à leurs passions et à leurs désirs déréglés. Toutefois, le P. Maître donnera tous ses ordres avec prudence et douceur; et ce n'est pas tant par des paroles que par son propre exemple qu'il instruira, dirigera et formera ses disciples.

 

Il leur apprendra aussi à garder la modestie extérieure, en particulier comme en public, à mortifier leurs yeux, leur langue et leurs autres sens, afin de pouvoir conserver plus facilement la paix intérieure et élever librement vers les réalités divines un coeur dépouillé de toute affection désordonnée. En un mot qu'ils reproduisent les vertus de Jésus-Christ et vivent de son esprit. Les novices ne parleront pas entre eux en dehors du temps fixé. …

 

Le P. Maître habituera les novices à faire leurs actions avec grande rectitude et recueillement. Qu'ils joignent toujours à une sainte ferveur une parfaite pureté d'intention, et se comportent de telle manière, en toutes circonstances, qu'ils gardent le souvenir de la présence de Dieu et cherchent à ne plaire qu'à Lui seul.

 

Le P. Maître aura aussi grand soin de les pénétrer de l'esprit de leur vocation, car il est reconnu que de la bonne éducation des novices dépend le bien de toute la Congrégation. Et afin d'obtenir plus facilement ce résultat, il se défiera de ses propres forces et mettra toute sa confiance en Dieu le suppliant de lui donner les lumières nécessaires et montrant lui-même dans sa conduite l'exemple des vertus qu'il désire voir briller dans les autres. Qu'il ne permette pas aux novices d'écrire des lettres sans nécessité, et veille à ne leur rien laisser faire de contraire ou de préjudiciable à l'esprit de l'Institut.

 

Un des principaux soins du Maître des novices sera d'assister et de consoler de son mieux ceux qui sont tourmentés de tristesse, de tentations ou de scrupules. Il doit faire preuve ici de beaucoup de charité et de prudence, et montrer à ceux qu'assombrirait quelque peine intérieure un visage serein et joyeux, afin qu'ils lui découvrent plus facilement les secrets de leur coeur, et que, pacifiés par un remède opportun, ils poursuivent avec plus d'ardeur le chemin de la perfection.

 

Que les novices obéissent promptement et de bon coeur au P. Maître; qu'ils ne fassent rien sans sa permission et sa bénédiction; qu'ils ne sortent pas de la maison; qu'ils n'aient rien de caché pour lui; qu'ils rendent compte avec simplicité des lumières et des bons mouvements que Dieu leur accorde durant l'oraison. Qu'ils découvrent aussi les tentations du démon, leurs afflictions, leurs chagrins, leurs aridités, leur dégoût des choses spirituelles, leurs propres défauts enfin, sans rien dissimuler, sans donner la moindre excuse ni ménager l'amour propre. Qu'ils se gardent de manquer sur ce point à leur devoir, de peur que, trompés par l'infernal ennemi de la vertu chrétienne, ils ne viennent à perdre la paix du coeur, à concevoir du dégoût pour la vie religieuse, et même à quitter par leur faute la Congrégation: ce que Dieu a coutume de permettre en punition de l'orgueil et de la négligence qui font tenir secrètes les plaies intérieures, qui deviennent, pour n'être pas soignées à temps, une cause de ruine. Si au contraire ils sont fidèles et sincères, Dieu, qui résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles, ne les abandonnera pas; il les comblera de l'abondance de ses dons; ils auront la paix; leur âme s'embellira des plus grandes vertus; enfin, munis du secours divin, ils parviendront à la perfection de la vraie sainteté.

 

 

CHAPITRE X

De ceux qui doivent être admis à la profession des voeux simples

 

Avant d'admettre un novice à la profession, on examinera soigneusement s'il a bien la ferme volonté d'acquérir selon ses forces la perfection chrétienne, en suivant les prescriptions et les directives de nos Constitutions. On sera indulgent, s'il est parfois tombé dans un défaut, pourvu qu'il n'ait donné aucun indice de mauvais esprit, de légèreté ou de caractère opiniâtre, et qu'il ait accompli des efforts pour se corriger. Mais s'il s'est rendu coupable d'une faute grave ayant causé du scandale, il sera renvoyé sans hésiter.

 

On doit aussi exclure ceux qu'une maladie incurable rendrait impropres à l'entière observance des Constitutions. Les novices doivent donc déclarer toute infirmité ou affection vicieuse secrète, car on tiendra pour nulle la profession de celui qui aura caché un mal inguérissable, l'intention formelle de la Congrégation, sa volonté ferme étant de ne point admettre dans son sein un tel sujet, mais de le rejeter sitôt la maladie découverte, même après l'émission des voeux.

 

 

CHAPITRE Xll

De la manière d'observer les voeux et premièrement de l'obéissance

 

L'obéissance est la pierre fondamentale de toute perfection. Le véritable obéissant, atteste Salomon, chantera victoire loquetur victoriam. Les religieux de cette humble congrégation auront donc soin de la professer, non seulement de bouche mais effectivement, par une conduite irréprochable. Que leur obéissance soit aveugle, qu'ils aient tous de bas sentiments d'eux-mêmes; qu'ils aiment le mépris et le recherchent, afin d'acquérir plus facilement la perfection religieuse. S'ils reçoivent un ordre, qu'ils l'exécutent promptement, simplement et de bon coeur.

 

En dehors des repas communs, on s'abstiendra absolument de boire ou de manger sans la permission du Supérieur. Plus on accorde à ses convoitises, plus on en est assiégé et tourmenté: celui qui veut vivre à sa guise ne possédera point la paix. Que le Recteur s'applique à traiter et gouverner les religieux avec une aimable charité et ne se montre pas difficile dans les choses justes et raisonnables.

 

 

CHAPITRE Xlll : De la pauvreté

 

La pauvreté est l'étendard sous lequel combat toute la Congrégation. En vertu de ce voeu, il ne nous est jamais permis de posséder, à n'importe quel titre, des biens stables, excepté les fonds annexés à nos maisons pour l'usage domestique: jardin, prairie et bois, avec ce qui est nécessaire à leur culture.

 

Lorsqu'on aura pourvu toutes les maisons et les chapelles de notre Congrégation, le reste ira aux pauvres. …

 

On ne peut en douter, tant que l'amour et le culte de la pauvreté volontaire resteront intacts, I'esprit de la perfection religieuse régnera dans la Congrégation; s'ils disparaissent, une folle cupidité mettrait partout le trouble et on verrait s'évanouir la vigueur et le zèle de la discipline religieuse.

 

 

CHAPITRE XIV

De la pauvreté à observer dans les églises et les maisons de la Congrégation

 

Nos églises, bâties sans frais considérables, seront tenues dans une parfaite propreté, et ornées d'une manière religieuse, sans rien de somptueux, rien qui sente la vanité, rien d'extraordinaire qui distrairait la piété.

 

Les cellules de la Retraite seront petites et modestes, ornées de quelques pieuses images que ne distingue ni le travail ni la matière, pourvues de deux ou trois chaises pauvres et d'une petite table de bois.

 

Que le réfectoire soit pauvre; les tables et les sièges, sans sculptures et de matière commune …

 

Le Recteur pourra permettre à chacun d'avoir dans sa cellule … les livres qui seraient utiles et parfois même indispensables; mais il sera plus méritoire et plus parfait si les religieux, toutes les fois qu'ils auront besoin de quelque chose, le demandent comme une aumône et à genoux à leur Supérieur. En toute circonstance, en effet, ils doivent avoir uniquement en vue de se montrer pauvres de coeur et de fait, en véritables imitateurs de Jésus-Christ. Et afin d'y parvenir heureusement, il leur sera souverainement utile d'avoir sans cesse devant les yeux les exemples de notre Sauveur, qui pour nous a daigné naître pauvre, vivre en indigent et mourir nu sur la Croix.

 

 

CHAPITRE XV: De la chasteté

 

Comme la chasteté est la vertu des anges, nos religieux auront un soin extrême d'observer toujours une angélique modestie. Afin de mieux y réussir, qu'ils soient humbles, résistent à leurs convoitises, mortifient leur chair, s'adonnent assidûment à l'oraison et procèdent avec réserve en toutes circonstances. Qu'ils ne comptent nullement sur leurs propres forces et mettent en Dieu une inébranlable confiance, opérant leur salut éternel avec crainte et tremblement. Ils ne parleront pas avec les femmes sans nécessité …

 

Quand on recevra l'hospitalité chez des bienfaiteurs ou des séculiers, on observera les règles de la gravité religieuse et d'une parfaite réserve. Pas de verbiage, ni d'entretiens quelconques distrayant des pensées surnaturelles; mais qu'on parle plutôt de choses utiles au salut des âmes et qu'on reste attentif à la garde des sens, surtout des yeux. A table, on sera sobre, tempérant et l'on tiendra l'esprit et le coeur élevés vers Dieu. Que tous honorent d'une filiale et ardente dévotion la Vierge immaculée, mère de Dieu; qu'ils aient soin d'imiter ses sublimes vertus et de mériter sa puissante protection parmi tant de dangers.

 

 

CHAPITRE XVI

Du voeu de propager parmi les fidèles la pieuse vénération et le souvenir

reconnaissant de la Passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ

 

Nos religieux qui annoncent l'Évangile mettront tout leur zèle, dans les missions, à faire aimer aux fidèles la méditation des saints mystères de la vivifiante Passion et de la mort de Jésus-Christ, et les presseront de s'en rappeler fréquemment avec piété le souvenir.

 

Qu'on donne avec clarté et concision des règles pratiques pour se remémorer d'une manière sainte et fructueuse de si grands mystères; et qu'on n'omette rien pour obtenir que cette méditation devienne familière et continuelle.

 

Quant aux gens simples et sans culture, inaptes à la méditation, comme on en trouve à la campagne, qu'on leur apprenne à y suppléer par de brèves réflexions, des sentiments affectueux ou des oraisons jaculatoires. On se servira, pour les instruire utilement, d'une méthode facile, simple, bien à la portée de semblables personnes. Qu'on les exhorte à offrir chaque jour quelque souffrance à notre Sauveur, en leur montrant que tel est leur devoir, que cela est très méritoire et digne d'une grande récompense; qu'on diminue les difficultés de cette sainte pratique, les faisant même disparaître.

 

 

CHAPITRE XXI: De l'oraison

 

On prendra d'ordinaire pour sujet de la méditation les perfections et les attributs divins, comme aussi les mystères de la vie, de la Passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, source principale d'enseignements et de progrès pour toute perfection religieuse et pour la sainteté.

 

Que chacun s'efforce de s'embraser d'amour divin et d'entretenir une foi vive, agissante, constante. Qu'on garde en toute circonstance la pensée de la présence de Dieu. C'est ainsi que l'on prie sans cesse, qu'on évite facilement le mal, qu'on pratique la vertu.

 

Les religieux entoureront d'un culte particulier la divine Eucharistie qu'ils visiteront souvent dans ses tabernacles pour lui offrir leurs adorations, leurs louanges et de continuelles actions de grâces. Ils désireront fréquemment la recevoir et s'unir intimement à Jésus-Hostie, afin que leurs coeurs, possédés par Dieu, ne vivent que pour lui et brûlent d'un très ardent amour. Les clercs recevront la sainte Eucharistie trois fois par semaine et les jours de fête qui ne se suivent pas immédiatement. Qu'ils s'approchent de la sainte table avec la plus grande pureté et sainteté possibles. Qu'ils s'y préparent par des méditations appropriées et la pratique fervente des vertus, surtout de la foi, de la charité et de l'humilité. Après avoir reçu le divin Sacrement, qu'ils se répandent en effusions d'amour séraphique, en actions de grâces pour un si grand bienfait et s'en montrent reconnaissants par de nouveaux progrès dans la perfection.

 

Tous les religieux honoreront du culte qui lui est dû la bienheureuse Marie, Mère de Dieu et toujours vierge. Ils la regarderont comme leur principale protectrice. Qu'ils se souviennent souvent de ses cruelles douleurs pendant la Passion et à la mort de son Fils et propagent sa dévotion par la parole et par l'exemple.

 

 

CHAPITRE XXII: De l'étude

 

Dans chaque province on établira une ou plusieurs maisons d'études où nos jeunes gens apprendront la philosophie et la théologie, pour se rendre plus aptes à faire du bien aux âmes et à travailler selon leurs moyens à la vigne du Seigneur. Que toutes les écoles de la Congrégation restent fermement attachées à la solide doctrine de l'angélique Docteur saint Thomas et que tous les professeurs soient rigoureusement tenus de l'enseigner.

 

Que les clercs ne soient pas promus aux Ordres sacrés avant d'avoir passé avec édification cinq ans dans la Congrégation. S'ils n'ont pas donné de très bons exemples de vertu, qu'on diffère leur ordination, au gré du Prévôt général ou du Provincial.

 

 

CHAPITRE XXIII

De la manière d'annoncer la parole de Dieu

et des principaux devoirs des missionnaires

 

Il n'est permis à aucun membre de notre humble Congrégation de prêcher en un langage tellement élevé et choisi qu'il en devienne obscur ou peu intelligible au commun des auditeurs et au menu peuple. Qu'on rompe aux petits le pain de la parole divine en se servant d'expressions et de termes clairs et limpides, qui en assurent toute l'efficacité et procurent plus de gloire à Dieu en produisant plus de fruit dans les âmes.

 

On enseignera aux fidèles, avec leurs devoirs, la manière d'observer parfaitement la loi de Dieu, de purifier leur conscience par le sacrement de Pénitence, de recevoir avec révérence et piété la divine Eucharistie. On instruira patiemment le peuple des mystères de la vraie foi et, avec un soin particulier, les fidèles qu'on trouvera plus arriérés. Ainsi les labeurs apostoliques, si agréables à Jésus-Christ, donneront avec le temps des fruits plus abondants dans ces terrains incultes.

 

Qu'on ne se contente pas d'exhorter les peuples à méditer les mystères de la vie, de la Passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais qu'on leur apprenne à le faire.

 

On leur enseignera la pratique de l'oraison et on leur découvrira, en la réfutant, la pernicieuse erreur de ceux qui la croient uniquement réservée aux ecclésiastiques et aux religieux. Qu'on leur donne les avis opportuns, qu'on les arme d'une constante confiance en Dieu, leur assurant qu'ils ne manqueront pas de recevoir, dans l'oraison, des lumières divines pour mieux découvrir de jour en jour les artifices du démon et du monde, la laideur des vices et la beauté des vertus qui leur sont opposées.

 

Il appartient aussi à nos religieux d'inspirer aux chrétiens une tendre dévotion à l'égard de la Vierge, Mère de Dieu, le respect pour les personnes et les lieux sacrés. En un mot, suivant les circonstances de temps et de lieux et la diversité des âmes, ils apporteront avec un charitable empressement leur aide à tout ce qui contribue le plus au bien du prochain et à la destruction des abus et désordres.

 

 

CHAPITRE XXIV

De la méthode à suivre pour les missions apostoliques

 

Avant de donner une méthode pour prêcher avec fruit les missions apostoliques, nous rappellerons que, selon le témoignage de l'Apôtre, tous ne reçoivent pas de Dieu les mêmes dons.

 

L'important ministère des missions sera donc confié aux seuls religieux que deux théologiens de notre Congrégation, désignés par le Prévôt général ou le Provincial, en auront reconnus aptes, après s'être assurés, par un examen, qu'ils possèdent la doctrine suffisante, et avoir pris connaissance des sermons et des autres compositions écrites qu'on aura dû leur remettre.

 

 

CHAPITRE XXV: Du silence

 

Le soir, après la récitation du chapelet et des autres prières que nous indiquerons plus loin, la clochette donnera le signe du silence qui dure jusqu'après l'oraison et la sainte messe du matin suivant.

 

Un silence perpétuel doit régner au choeur, au réfectoire et au dortoir; jamais on n'y parlera sans nécessité. Il n'est permis non plus à personne, sauf au Supérieur et à son Vicaire, d'aller trouver un religieux dans sa cellule ou de s'y entretenir avec lui, excepté pourtant le cas de maladie.

 

 

CHAPITRE XXVI: De la récréation

 

Chaque jour, après le dîner ou le souper ou la collation les jours de jeûne, il y aura une récréation commune. Qu'on y soit modeste, gai, aimable, prudent, condescendant envers tout le monde, lorsqu'on le peut en conscience. On évitera les bouffonneries, les paroles blessantes, les contestations, les discussions âpres, les altercations, en un mot, tout ce qui offense la charité fraternelle.

 

On évitera cependant le jeu et tout ce qui dissiperait. Les conversations seront d'ordinaire utiles et propres à élever le coeur vers Dieu, car il ne faut jamais oublier que ces délassements sont permis en vue de soulager l'esprit, non de diminuer ou gêner la piété.

 

 

CHAPITRE XXVII: De ce qu'il faut observer au réfectoire

 

Au réfectoire, les repas se prendront en silence, avec un maintien modeste, les yeux baissés, et en pensant en même temps à Dieu. Afin d'y parvenir plus facilement pour son profit spirituel, qu'on écoute la lecture avec une attention recueillie. On fera de son mieux pour pratiquer, même à table, I'humilité, la tempérance et l'oraison.

 

Que l'on n'admette pas de séculiers au réfectoire, en dehors des bienfaiteurs et de certaines personnes de distinction, qui seront traités avec courtoisie et grande charité.

 

 

CHAPITRE XXIX: Du repos de la nuit

 

Que personne n'ôte l'habit pour dormir et qu'on prenne au lit une position modeste, en se rappelant la présence de Dieu et des Anges.

 

Qu'on ne donne pas accès aux pensées importunes et aux préoccupations pénibles, qui empêcheraient un prompt et paisible repos, car le démon a coutume d'employer toutes les ruses pour troubler le sommeil des serviteurs de Dieu, afin que, lorsque sera venu le moment de méditer les choses saintes, ils aient les sens engourdis. Il faut donc prier le Seigneur d'écarter le malin esprit et le mettre en fuite par le signe salutaire de la Croix, pour que cet insidieux ennemi ne puisse nous nuire d'aucune manière.

 

 

CHAPITRE XXX:

De l'élection des supérieurs de la Congrégation

 

Tous les six ans, on élira le premier Supérieur de la Congrégation, qu'on appellera Prévôt général. Il en est le chef et il possède une entière juridiction sur toutes les personnes, les maisons et les chapelles de la Congrégation. Il doit observer lui aussi toutes les Constitutions et donner le premier l'exemple de la discipline religieuse. Il fera la visite de toutes les maisons et chapelles de la Congrégation pour constater si les Règles et Constitutions y sont en vigueur. Il remédiera de suite aux abus et se préoccupera d'assurer partout et en tout le bon ordre. Comme de la tête dépend d'ordinaire en grande partie la santé des membres, les électeurs, dépouillant tout sentiment humain feront tout leur possible pour élire le plus digne et lé plus apte à gouverner avec prudence et selon Dieu toute la Congrégation.

 

Tous les trois ans, chaque Provincial convoque le Chapitre provincial par lettre envoyée à temps utile à toutes les maisons de sa province.

 

On élit également les Recteurs des maisons et le Maître des novices. … Il appartient au Provincial de faire chaque année la visite des maisons et des chapelles de sa province...

 

 

CHAPITRE XXXI :

Des Supérieurs des maisons particulières et de leur manière de gouverner

 

Le Supérieur de la Retraite s'appelle Recteur.

 

On évitera de parler mal du Père Recteur, quel qu'en soit le motif, pour ne pas encourir la vengeance de Dieu offensé en sa personne. Les rebelles et les détracteurs découverts seront punis comme ils le méritent.

 

Les religieux auront recours à leur Supérieur avec confiance, comme à leur père, pour lui découvrir leurs besoins, les secrets de leur coeur, leurs peines, les tentations du démon, leurs préoccupations, bien persuadés de trouver pour leur âme dans ces saints épanchements, avec beaucoup de fruit, des secours opportuns et de s'en retourner non seulement soulagés, mais pacifiés et heureux.

 

Que les missionnaires surtout agissent ainsi au retour de leurs missions et de leurs autres ministères apostoliques. Ils augmenteront leur mérite, s'ils rendent compte de leurs travaux, éclaircissent leurs doutes, révèlent au besoin, avec prudence, ce qu'ils auraient remarqué de défectueux dans leur confrère de mission, afin d'y faire promptement porter remède et l'empêcher de s'aggraver. Les Supérieurs se garderont de confier ces importants ministères à des religieux coléreux, bilieux, intempérants ou entachés de quelque autre défaut pouvant occasionner du scandale ou de l'étonnement.

 

Le Prévôt général ou le Provincial désignera aussi un Maître de la vie spirituelle, pour que ceux qui ne voudraient pas, dans leurs doutes et leurs difficultés, s'adresser au père Recteur, s'en ouvrent au Directeur spirituel.

 

Que le Recteur s'efforce, avec l'aide de la divine grâce, d'être la lumière et l'exemple de toute sa famille religieuse. Fidèle aux saintes Règles, qu'il veille soigneusement à les faire observer par les autres avec une ferveur égale à la sienne. Qu'il avertisse et corrige paternellement, avec suavité et prudence, les coupables et les négligents. Quand il doit sévir, qu'il tempère de charité son zèle de la discipline, préfère les remèdes doux aux amers et évite toujours une excessive rigueur, pour qu'on soit de jour en jour plus porté à l'aimer qu'à le craindre. Ainsi, bien vu de tous ses frères, il en obtiendra ce qu'il voudra, se conciliant en même temps leur affection, leur respect et leur obéissance. Qu'il use de son autorité avec douceur; qu'il allie à la bonté la fermeté et la constance, sans jamais séparer de l'une et de l'autre la prudence et la maturité, afin d'assurer plus facilement l'observance des Règles et des Constitutions.

 

Le père Recteur gardera sous un inviolable secret et ne laissera soupçonner en aucune manière ce que les religieux lui auront dit dans des entretiens particuliers et confidentiels. S'il est homme d'oraison et de vertu, les lumières divines ne lui manqueront pas pour conduire avec sagesse et sûreté sa communauté dans les voies de la perfection chrétienne.

 

 

CHAPITRE XXXIII

Comment il faut se conduire en voyage

et ne pas s'ingérer dans les affaires séculières

 

Que les religieux voyagent l'esprit élevé vers Dieu autant que possible et avec modestie. …

 

En route, on évitera autant que possible la compagnie des séculiers, et jamais on ne voyagera avec des femmes. On gardera le silence au moins une demi-heure et on veillera en tout temps à parler peu et, pour l'ordinaire, de sujets utiles et édifiants, propres à accroître l'amour de Dieu.

 

En arrivant dans les lieux habités, on se dirigera d'abord vers l'église, si on le peut commodément et après avoir adoré le Seigneur dans le sacrement de l'Eucharistie, on s'occupera du but de son voyage. Ensuite, s'il reste du temps, nos religieux l'emploieront aux oeuvres de miséricorde chrétienne et de charité conformes à notre esprit et il ne sera point permis de se distraire en des visites inutiles et de pur compliment, surtout si elles impliquent des relations avec des femmes. … D'ailleurs, négligeant volontairement les usages du monde, nos religieux visiteront de préférence les pauvres malades et les prisonniers. Ils les consoleront par de salutaires exhortations et les stimuleront à se rappeler avec amour les mystères de la Passion du Sauveur. … Qu'ils n'aillent pas voir leurs parents chez eux sans nécessité, mais qu'ils se montrent vraiment morts à leur famille et au monde et vivant uniquement pour Dieu. …

 

Avec l'agrément du Supérieur, il sera permis à tous les religieux de se promener aux alentours de la Retraite pour se délasser l'esprit ou apprendre par coeur plus facilement, pourvu qu'ils ne s'éloignent pas trop et qu'ils ne prennent de là occasion pour manquer plus librement au silence, soit entre eux, soit avec des étrangers.

 

 

CHAPITRE XXXIV

Méthode pour quelques ministères dans la localité

ou la ville proche de la Retraite

 

Lorsque la Retraite possédera des sujets aptes aux missions apostoliques ou à d'autres ministères ayant pour but le salut du prochain, le Supérieur pourra, aux jours de fête, charger quelque prêtre ou clerc d'aller enseigner aux populations du voisinage la doctrine chrétienne et leurs devoirs envers Dieu et les exhorter à garder sans cesse le salutaire souvenir de la Passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus- Christ. Cependant, ce religieux fera son possible pour s'acquitter de ce ministère de telle sorte qu'il puisse rentrer à la Retraite le soir même, afin de ne pas perdre, conformément à nos Règles, les nombreux avantages de la solitude religieuse que nous avons choisie et pour que ses confrères ne soient pas surchargés outre mesure par les devoirs ordinaires de notre Institut.

 

On n'acceptera pas la charge d'aller aux jours de fête dans les localités voisines précisément pour entendre les confessions; mais les pénitents seront accueillis dans nos chapelles en tout temps, avec la charité qui convient, par des prêtres désignés et approuvés pour ce ministère.

 

Dans les maisons de solitude plus profonde et de noviciat, on évitera le plus possible de confesser les femmes.

 

Aucun des nôtres ne se chargera des fonctions de curé et si parfois quelque grave circonstance l'exigeait, on en demanderait l'autorisation au Prévôt général ou au Provincial, afin que tout se fasse comme il convient et avec prudence.

 

 

CHAPITRE XXXVII: Des soins à donner aux religieux malades

 

Les religieux bien portant doivent prendre un soin particulier des malades, les servir avec empressement et charité chrétienne et n'épargner aucun remède, corporel ou spirituel, dont ils auraient besoin pour adoucir leurs souffrances. De leur côté, les malades accepteront ces soins sans résistance et de bon gré. Qu'ils suivent les ordonnances du médecin et les indications de l'infirmier avec une humeur agréable et fassent preuve de complaisance et d'obéissance. …

 

Qu'on ne laisse jamais seuls, surtout pendant la nuit, les malades gravement atteints. Ceux qui sont désignés pour les veiller auront grand soin de leur donner en temps voulu les secours corporels et spirituels. Ils redoubleront de sollicitude, lorsque leurs forces iront déclinant. Dès qu'un malade entrera en agonie, tous les religieux se réuniront auprès de lui pour le recommander ensemble à Dieu par de ferventes prières et lui obtenir une paisible et sainte mort.