FLEURS

DE LA PASSION

 

PENSEES

DE SAINT PAUL DE LA CROIX

FONDATEUR DES PASSIONISTES

 

 

Cueillies dans les lettres du Saint

Par le R. P. Louis-Th. de Jésus-Agonisant

du même Institut

 

 

Vadam ad montem myrrhae et ad collem thuris.

[J'irai à la montagne de la myrrhe, à la colline de l'encens]

Cant. IV, 6.

 

 

BORDEAUX

ŒUVRE DES BONS LIVRES                                                       PERES PASSIONISTES

11, rue Canihac                                                                        182, route d’Espagne

 

 

PARIS

HENRI OUDIN, LIBRAIRE, RUE BONAPARTE, 68

 

1875

 


 

 

 

DÉDICACE

A SA GRANDEUR MONSEIGNEUR FONTENEAU,

ÉVÊQUE ÉLU D’AGEN.

 

Monseigneur,

 

Votre Grandeur a bien voulu me permettre de réclamer les prémices de vos bénédictions épiscopales en faveur de ces Fleurs de la Passion, écloses dans l’âme de saint Paul de la Croix au souffle embrasé de son amour pour Jésus crucifié.

La bienveillance dont vous m’avez toujours donné de si touchante preuves, Monseigneur, vous a fait accueillir avec une bonté qui m’honore la dédicace de ce modeste travail : l’hommage vous en était dû à plus d’un titre. Votre haute piété, si bien faite pour comprendre celle du Saint, votre dévouement connu, puisé au cœur de notre Éminent Cardinal, pour la famille des Passionistes, votre récente nomination à l’évêché d’Agen, dans ce beau diocèse où j’ai eu le bonheur de recevoir l’onction sacerdotale, tout me faisait une douce obligation de déposer ce volume à vos pieds comme un faible témoignage de ma gratitude et de ma piété filiale.

Toutes les sympathies chrétiennes que vos vertus avaient su vous concilier à Bordeaux, vous les retrouverez, Monseigneur, au milieu du troupeau bien-aimé dont Dieu vous a fait le pasteur. Je connais l’âme de mes frères d’Agen, je connais la vôtre aussi, et je suis heureux de pouvoir proclamer, bien haut, que Dieu aura réuni pour le bonheur d’un diocèse qui m’est si cher, des cœurs si dignes de s’entendre.

Daignez agréer,

Monseigneur,

l’hommage du profond respect avec lequel

j’ai l’honneur d’être

DE VOTRE GRANDEUR,

le très humble et très obéissant serviteur,

 

LOUIS-TH. DE JESUS-AGONISANT,

Supérieur des Passionistes.

 

 

 


 

 APPROBATION

DE SON ÉMINENCE MONSEIGNEUR LE CARDINAL-ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX.

 

 

Bordeaux, le 3 décembre,

Fête de saint François Xavier 1874.

 

Mon Révérend Père,

Dans votre Histoire si pieuse et si attachante de la Vie de saint Paul de la Croix, vous n’avez pu, pour ainsi dire, nous faire connaître que l’extérieur et les dehors de votre saint Fondateur ; vous nous l’avez montré comme il se montrait à tous. Vous avez voulu, et c’était pour nous un grand avantage, que, comme ses contemporains et ses heureux disciples surtout, nous devinssions à notre tour les témoins de ses paroles et de ses actions, reflet fidèle des actions du Maître divin, en un mot, de cette héroïque existence, dont une seule journée ne fut jamais perdue ni pour le salut des âmes, ni pour le triomphe de la Croix.

Mais vous, dont les ardeurs filiales avaient creusé plus avant dans le cœur de votre Père, vous qui, soulevant tous les voiles de l’humilité du Saint, aviez su arracher, avec une patience amoureuse, tous les secrets que renferme la vie la plus intime, et qui étiez entré hardiment, si j’ose ainsi parler, jusque dans les entrailles de saint Paul de la Croix, ébloui, ravi de tous les trésors de pieuse tendresse et de science mystique ouverts devant vous, inspiré par la charité, vous n’avez pas voulu jouir tout seul de cette magnifique découverte. Comme l’homme de l’Évangile qui a trouvé une perle précieuse, vous ne vous êtes pas dit : Je l’achèterai pour moi seul, et j’en ferai ma propriété exclusive. Non, Mon Révérend Père, vous avez voulu qu’elle brillât aux yeux de tous et pour le profit spirituel de chacun. Et en cela vous avez été mu par deux sentiments également dignes d’un cœur chrétien et sacerdotal : le zèle pour la gloire d’un Père, et le désir de faire du bien à l’âme de vos frères.

Oui, mon Révérend Père, je vous connais assez pour être convaincu que c’est bien là le noble motif qui vous a engagé à publier dans notre langue des fragments hélas ! trop courts et trop peu nombreux des lettres spirituelles de saint Paul de la Croix. Ce que vous aurez pu en donner nous fera vivement désirer les temps meilleurs qui vous permettront de produire au jour sa correspondance entière.

 

Dieu est admirable dans ses saints. C’est surtout dans le sanctuaire de leur âme qu’il a placé le théâtre de ses plus étonnantes merveilles. C’est là que sa grâce dit et fait des choses devant lesquelles pâlissent toutes les choses misérables de la terre, même celles que, dans notre ignorance des vraies réalités, nous cherchons à couronner d’immortalité et de gloire. Or, l’humilité clôt la bouche des saints et les empêche de raconter les prodiges de leur âme. Dans l’enthousiasme de leur reconnaissance ils laissent bien parfois échapper un cri de leur cœur ému : Fecit mihi magna qui potens est ! [Le Puissant fit pour moi des merveilles, Lc 1, 49] Mais, comme celle sur les lèvres virginales de qui ces paroles enflammées retentirent pour la première fois, ils s’arrêtent, comme s’ils craignaient d’en avoir trop dit et d’avoir été indiscrets dans les mystères de Dieu et de l’amour céleste.

 

Ah ! toutes ces pures ivresses de l’âme des saints auraient été perdues pour notre édification et pour nos joies spirituelles, si quelques-uns d’entre eux ne les avaient épanchées dans leur correspondance. Que de choses on dit dans une lettre qu’on n’aurait jamais eu la force de dire ailleurs ! et cela pour une raison ou pour une autre, ceux-ci par amour-propre, et ceux-là par modestie. Une lettre est une solitude à deux : là on ne cache rien, parce qu’il semble que personne ne vous entende. On y dévoile son cœur tout entier, parce qu’aucun regard curieux ne l’importune. Dans leurs lettres, les saints ne sont qu’avec Dieu et qu’avec quelque chère âme qu’ils veulent éclairer et sauver. C’est là qu’ils se montrent en dedans, pour ainsi dire ; et comme ils ont mis tous leurs soins à ne pas briller par le dehors et à concentrer en eux toutes les clartés de la grâce, Omnis gloria ejus filiae Regis ab intus [Toute la gloire de la fille du Roi est au-dedans, Ps 44, 14], quand le foyer de ces âmes royales se trahit et se révèle dans les abandons d’un épanchement intime, l’œil humain en demeure véritablement ravi ; et c’est alors qu’on s’écrie malgré soi : Mirabilis Deus in sanctis suis ! [Dieu est admirable dans ses saints, Ps 67, 36]

C’est bien là, mon Révérend Père, ce que j’ai éprouvé en lisant votre précieux recueil des lettres de saint Paul de la Croix. Je demeure bien convaincu que tous ceux qui le liront, sentiront tout ce que j’ai senti moi-même. Oui, quand les Saints nous parlent du fond de leur âme, nous pouvons dire de leurs célestes entretiens ce que les disciples d’Emmaüs disaient de la parole de Jésus : Nonne cor nostrum ardens erat in nobis, dum loqueretur nobis in via ? [Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin ? Lc 24, 32]

Agréez, mon Révérend Père, l’assurance de mes sentiments dévoués et affectueux.

† FERDINAND Cardinal DONNET,

Archevêque de Bordeaux.

 

 

 


 

PRÉFACE.

 

 

Nous espérons, disions-nous dans notre Histoire de saint Paul de la Croix (a), offrir bientôt aux âmes pieuses les lettres spirituelles de notre Fondateur. Nos Pères, en effet, s’occupaient alors à Rome de former le recueil de ces lettres. Mais hélas ! les malheurs du temps ont suspendu ce beau travail.

Désirant toutefois satisfaire la piété des fidèles, nous avons recueilli dans un volume spécial les fragments de ces lettres qui sont épars dans les différentes vies du Saint ; et nous les avons rattachés à un titre particulier qui en résume la pensée dominante.

Cependant, bien que ces lettres soient incomplètes, nous osons l’affirmer, elles suffiront pour révéler en saint Paul de la Croix un grand maître de la vie spirituelle, un guide sûr dans les voies de la perfection, un cœur brûlant du divin amour : son âme, enfin, nous apparaîtra dans toutes ses grâces et sa radieuse beauté.

Ceux qui sont au courant des goûts et des tendances de notre époque, savent avec quel empressement elle recherche la correspondance des hommes célèbres, afin de mieux saisir, dans ce négligé et cet abandon de la forme épistolaire, le drame toujours si intéressant de leur vie intime.

Or, ce que les enfants du siècle font le plus souvent dans un but de satisfaction humaine, les enfants de Dieu pourraient-ils ne pas le faire quand il s’agit de découvrir les secrets mêmes de l’action divine sur le théâtre de l’âme chrétienne ? Peut-il, en effet, se rencontrer un intérêt et un charme supérieurs à ceux qu’on éprouve en lisant clairement dans l’intérieur et jusque dans le fond de l’âme des amis de Dieu et de ses saints ?

Il n’est pas étonnant, après cela, que l’usage se soit établi de publier la correspondance des plus renommés et des plus illustres d’entre eux. Qui ne connaît par exemple, qui n’a surtout admiré les lettres de direction de saint François de Sales, si empreintes de sagesse, de douceur et d’onction ? celles de Bossuet, de Fénelon et de tant d’autres maîtres dans l’art si important et si difficile du gouvernement des âmes ?

Saint Paul de la Croix devait avoir sa place à côté de tous ces grands directeurs spirituels : et c’est pourquoi nous livrons à la publicité l’opuscule qu’on va lire.

Nous avons ajouté à la suite de ces lettres quelques réflexions du Saint, sous forme de sentences et de maximes, qui en sont comme le résumé substantiel ; traits lumineux, éclairs divins, échappés de son âme, et qui pénètreront dans celle du lecteur, pour y apporter la lumière avec l’amour et la consolation.

Saint Paul de la Croix fut par excellence le prédicateur des souffrances et de la Passion de Notre Seigneur. Son âme ne cessa d’habiter et de contempler le Calvaire : dans cet admirable horizon il avait renfermé ses pensées, ses sentiments et sa vie tout entière ; là, dans ses lettres, il appelle toutes les âmes qui s’étaient placées sous la conduite de la sienne. Aussi croyons-nous donner son vrai nom à ce modeste recueil, en l’appelant les Fleurs de la Passion.

C’est donc au Calvaire, c’est sur la sainte montagne que le Saint les avait cueillies. Mais, qu’on le sache bien, pour apprécier la grave beauté de ces Fleurs, et pour en respirer le suave et salutaire parfum, il faut accepter, au risque d’en être ensanglanté, les épines qui les entourent et leur servent de garantie et de sauvegarde. Car telle est la loi constante de la vie spirituelle : la croix n’est douce que pour ceux qui l’aiment ; et les joies profondes du sacrifice sont réservées aux âmes qui ne reculent pas devant ses austérités.

 

(a)  Louis-Th de Jésus Agonisant, Histoire de st Paul de la croix, Poitiers-Bordeaux 1869.

 


 

 

 FLEURS

DE LA PASSION

 

 

 LA PASSION

ET LA VOIE DE LA PERFECTION

 

 

La Passion de Jésus-Christ est la porte qui donne entrée dans les pâturages délicieux de l’âme. Le divin Sauveur a dit : Ego sum ostium, je suis la porte (Joan. X.9.). Une âme qui entre par cette porte, marche sûrement.

 

Figurez-vous que vous êtes gravement indisposé ; moi, qui vous aime tendrement, je viens vous faire visite. Il est sûr qu’après vous avoir exprimé mes sentiments et dit quelques paroles de consolation, je me mettrais à vous regarder d’un œil de compassion et à m’approprier vos souffrances par amour. Ainsi, quand nous méditons la Passion de Jésus-Christ, en le voyant plongé dans la douleur, nous devons compatir à ses peines, puis le contempler avec amour dans cet état, et nous approprier par amour et par compassion les souffrances qu’il endure.

 

Supposez que vous soyez tombé dans une profonde rivière et qu’une personne charitable se soit jetée à la nage pour vous sauver : que diriez-vous d’une telle bonté ? Ce n’est pas assez. Supposez de plus qu’à peine tiré de l’eau, vous ayez été attaqué par des assassins, et que cette même personne, par amour pour vous, se soit mise entre deux et qu’elle ait reçu des coups et des blessures pour vous sauver la vie. Que feriez-vous en retour d’un si grand amour ? Il est certain que vous regarderiez ses douleurs comme les vôtres, que vous vous empresseriez de lui témoigner votre compassion, de guérir ses plaies, etc. Ainsi devons-nous agir à l’égard de Jésus souffrant : il faut le contempler abîmé dans un océan de douleurs pour nous tirer de l’abîme éternel, le considérer tout couvert de plaies et de blessures pour nous donner la vie  et le salut, puis nous approprier ses peines par amour, compatir à ses douleurs et lui consacrer toutes nos affections.

 

Gardez un souvenir continuel des souffrances de votre céleste Époux. Laissez-vous pénétrer entièrement de l’amour avec lequel il les a endurées. La voie la plus courte est de vous perdre tout entier dans cet abîme de souffrances. En effet, le prophète appelle la Passion de Jésus une mer d’amour et de douleur. Ah ! c’est là un grand secret qui n’est révélé qu’aux âmes humbles. Dans cette vaste mer, l’âme pêche les perles des vertus, et fait siennes les souffrances du Bien-Aimé. J’ai une vive confiance que l’Époux vous enseignera cette pêche divine : il vous l’enseignera, si vous vous tenez dans la solitude intérieure, dégagé de toutes les images, séparé de toute affection terrestre, détaché de tout ce qui est créé, dans la foi pure et le saint amour.

 

Tenez-vous intérieurement dans le sein de Dieu, anéanti en vous-même d’une manière passive : c’est la voie la plus courte pour vous perdre et vous abîmer dans le Tout infini, en passant toutefois par la porte divine, qui est Jésus-Christ crucifié, et en vous appropriant ses souffrances. L’amour enseigne tout, car la Passion avec ses amères douleurs est l’œuvre d’un amour infini.

 

Quel est le moyen de vous identifier par l’amour avec les souffrances du bon Sauveur ? Dieu vous le fera comprendre quand  il lui plaira : c’est là un travail tout divin. L’âme entièrement plongée dans le pur amour, sans images, dans une foi très pure et très simple, se trouve en un moment, quand il plaît à Dieu, toute plongée dans l’abîme des douleurs de Jésus-Christ, et les embrasse toutes d’un regard de foi sans comprendre ; car la Passion du Sauveur est une œuvre d’amour ; et l’âme ainsi perdue en Dieu qui est tout charité, tout amour, il se fait en elle un mélange d’amour et de douleur ; l’esprit en demeure tout pénétré ; il est tout plongé dans un amour douloureux et dans une douleur amoureuse. C’est là l’œuvre de Dieu… Je m’explique en balbutiant, mais je n’ai rien dit, rien, rien, rien : ne rien avoir, ne rien pouvoir, ne rien savoir, et Dieu fera sortir de ce néant l’œuvre de sa plus grande gloire.

 

Notre doux Jésus a poussé de plus profondes racines dans votre cœur, si bien que vous direz désormais : Souffrir et non mourir !... Ou bien : Ou souffrir ou mourir !... Ou mieux encore : Ni souffrir ni mourir, mais une transformation totale dans le bon plaisir de Dieu… L’amour a une vertu unitive et fait siennes les souffrances du Bien-Aimé. Si vous vous sentez tout pénétré au dedans et au dehors des souffrances de l’Époux divin, réjouissez-vous ; mais je puis dire que cette joie ne se trouve que dans la fournaise de l’amour divin, car le feu qui pénètre jusqu’à la moelle des os, transforme l’âme aimante en celui qu’elle aime ; et comme l’amour s’y mêle d’une façon sublime à la douleur, et la douleur à l’amour, il en résulte un mélange amoureux et douloureux, mais si parfait qu’on ne distingue plus l’amour de la douleur, ni la douleur de l’amour, d’autant plus que l’âme aimante jouit dans sa douleur et trouve du bonheur dans son amour douloureux. Persistez dans la connaissance de votre néant, et soyez fidèle à pratiquer les vertus, surtout à imiter le doux Sauveur dans sa patience, car c’est là le point capital du pur amour. Vous ne devez jamais négliger de vous offrir vous-même en holocauste à la Bonté infinie de Dieu ; ce sacrifice doit se faire dans le feu de la divine charité ; allumez-le avec un bouquet de myrrhe, je vieux dire, au moyen des souffrances du sauveur. Tout cela veut être fait à portes closes, c’est-à-dire dans l’éloignement de tout ce qui est sensible, dans la foi pure et simple.

 

Dans les sécheresses éveillez doucement votre esprit par des actes d’amour ; puis reposez-vous en Dieu sans aucun sentiment ni jouissance ; c’est alors que l’âme témoigne le mieux sa fidélité. Faites-vous un bouquet des souffrances de Jésus, et tenez-le sur le sein de votre âme, comme je vous ai dit. Vous pourrez, de temps en temps, en faire mémoire avec amour et douleur, et dire doucement au Sauveur : O bon Jésus, comment vois-je votre face gonflée, livide, couverte de crachats ! O mon amour, comment se fait-il que vous soyez tout plaies ! O ma Douceur, pourquoi vois-je vos os décharnés ? Ah ! quelles souffrances ! Ah ! quelles douleurs ! O mon doux Amour ! pourquoi n’êtes-vous plus qu’une plaie ? Ah ! souffrances chéries ! Ah ! Plaies chéries ! je veux vous garder toujours dans mon cœur.

 

Portez, si vous voulez, un collier de perles, quand vous sortez ; mais quand vous le mettez, souvenez-vous que Jésus a eu la corde et la chaîne au cou ; portez cet ornement uniquement pour plaire à Dieu et soyez confuse de vous-même, en disant : Jésus a été chargé de cordes et de chaînes dans le temps de sa Passion, et moi je porte des perles.

 

Les jours de la Passion sont des jours où les pierres elles-mêmes pleurent. Eh quoi ! le souverain Prêtre est mort, et l’on ne pleurerait point ? Il faudrait avoir perdu la foi, ô mon Dieu !

 

Quand on pense au jour du vendredi, il y a des choses capables de faire mourir celui qui aime véritablement. N’est-ce pas, en effet, nommer le jour où mon Dieu incarné a souffert pour moi, jusqu’à immoler sa sainte vie sur le gibet infâme de la croix ?

 

Portons toujours le deuil en mémoire de la Passion et de la mort de Jésus-Christ. Nous ne devons jamais oublier d’en conserver un continuel et douloureux souvenir. Que chacun de nous s’applique à insinuer à tous ceux qu’il pourra, la pieuse méditation des souffrances de notre très doux Jésus.

 

Ma très chère fille en Jésus crucifié, je vous invite au Calvaire pour assister aux funérailles de notre Amour-Jésus. Ah ! puissions-nous une bonne fois y rester blessés par la divine charité, jusqu’à mourir d’amour et de douleur pour la Passion et la mort de notre vrai Bien ! Je célèbrerai les divins mystères durant ces saints jours, et, à chaque fois, je mettrai le cœur de cette fille que Dieu m’a donnée, dans les Cœurs très purs et agonisants de Jésus et de Marie. Faites-le aussi pour le pauvre père que vous a donné la divine Providence. Adieu, ma fille ; que Jésus vous bénisse et vous embrase du saint amour.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LE CRUCIFIX

 

 

Lorsque vous êtes seul dans votre chambre, prenez votre crucifix en main, baisez ses plaies avec un grand amour, dites-lui de vous faire un petit sermon, et écoutez les paroles de vie éternelle qu’il vous dit au cœur ; écoutez ce que disent les épines, les clous, le Sang divin. Oh ! quel sermon !

 

La fête de la Croix peut être célébrée à tout moment dans le sanctuaire intérieur des vrais amants du Crucifix ; et comment se célèbre-t-elle ? Je vais vous l’expliquer le mieux possible. On célèbre spirituellement cette fête en souffrant en silence, sans s’appuyer sur aucune créature ; et comme toute fête demande de l’allégresse, ainsi la fête de la Croix veut être célébrée par les amants du Crucifix avec le silence dans la douleur, avec un visage gai et serein, pour qu’elle soit plus cachée aux créatures et connue seulement de Dieu. Cette fête a toujours un banquet solennel ; on s’y nourrit de la volonté divine, à l’exemple de l’Amour crucifié. Oh ! quelle douce nourriture ! Elle se compose de diverses substances, tantôt ce sont des souffrances de corps ou d’esprit ; tantôt ce sont des contradictions, des calomnies, des mépris, etc. Oh ! quelle douce saveur il y a là pour le palais spirituel qui goûte tout cela dans la foi pure et dans le saint amour, en silence et avec confiance !

 

Un ange me présenta un jour une croix d’or, pour m’apprendre quel en est le prix.

 

CHANT D’AMOUR

Par la croix, le saint amour perfectionne l’âme aimante, qui lui offre un cœur fervent et généreux.

Oh ! que ne puis-je dire le trésor précieux et divin que notre grand Dieu a caché dans la souffrance !

Mais c’est un grand secret, connu seulement de celui qui aime ; et moi qui n’en ai point l’expérience, je me borne à l’admirer de loin.

Heureux le cœur qui se tient sur la croix entre les bras du Bien-Aimé, et qui n’y brûle que du saint amour !

Plus heureux celui qui souffre sans ombre de jouissance et qui est ainsi transformé en Jésus-Christ !

Heureux celui qui souffre sans attache à sa souffrance, désirant seulement de mourir à lui-même, pour aimer davantage celui qui le blesse !

Je te donne cette leçon du pied de la croix, mais c’est dans l’oraison que tu la comprendras.

 

Jésus-Christ a prié pendant trois heures sur la croix : ce fut une oraison vraiment crucifiée, sans consolation ni intérieure ni extérieure. O Dieu, quel grand enseignement ! Priez Jésus qu’il l’imprime dans votre cœur. Oh ! combien il y a à méditer là-dessus ! Pendant que Jésus-Christ agonisait sur la croix, il prononça ses trois premières paroles, qui étaient trois flèches d’amour, et ensuite il resta en silence jusqu’à la neuvième heure, priant pendant tout ce temps-là. Je vous laisse à penser combien cette prière fut désolée.

 

Reposez-vous sur la           croix toute nue du doux Jésus, et ne faites pas d’autres plaintes que ce gémissement d’enfant ! Mon Père, mon Père, que votre volonté soit faite (Matth. XXVI.42.) ; et puis taisez-vous. Continuez à vous reposer sur la croix jusqu’à ce que vienne l’heureux moment de la véritable mort mystique. Cette mort précieuse est plus désirable que la vie. Alors, comme dit saint Paul, vous serez tout caché en Dieu avec Jésus-Christ (Col. III. 3.), et vous vous trouverez dans cette solitude profonde que vous aimez, et entièrement dépouillé de tout ce qui est créé.

C’est maintenant le moment de souffrir en silence et en paix ; résignez-vous à l’agonie dans laquelle vous êtes, et qui vous conduira à la mort mystique.

 

La vie des serviteurs de Dieu est de mourir tous les jours. Quotidie morimur. Mortui enim estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo [Nous mourons chaque jour. En effet vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu] (Col. III 3.). Or, c’est cette mort mystique que je vous souhaite. Nos venons de célébrer la Nativité du Sauveur, et j’ai la confiance que vous êtes né avec Jésus-Christ à une vie nouvelle et toute divine ; maintenant je désire que vous mouriez en lui d’une manière mystique et de jour en jour plus parfaite, et que vous laissiez évanouir dans l’abîme de la Divinité tous ces petits papillons qui voltigent dans votre tête : Et vita tua abscondita sit cum Christo in Deo [Et que votre vie soit cachée avec le Christ en Dieu].

Celui qui est mort mystiquement ne pense qu’à vivre de la vie divine, il ne cherche autre chose que Dieu qui est si bon et si grand, il retranche toutes les autres pensées, quoique bonnes, pour penser uniquement à Dieu ; il attend sans empressement ce que Dieu lui destine ; il retranche tout le reste, de peur que ce ne soit un obstacle au travail divin qui s’opère dans le secret de l’âme, là où ne peut approcher aucune créature, ni angélique, ni humaine ; car Dieu seul habite dans ce secret qui est l’essence, l’esprit, le sanctuaire de l’âme, où les puissances elles-mêmes sont attentives à ce divin labeur, à cette naissance divine qui a lieu à chaque moment pour celui qui a le bonheur d’être mort mystiquement sur la croix.

 

Voilà où j’étudie mon sermon : aux pieds du crucifix !

 

Que la très sainte croix de Jésus-Christ, notre Amour, reste toujours plantée dans notre cœur ! Que notre esprit soit enté sur cet arbre de vie, et qu’il produise ensuite de dignes fruits de pénitence par les mérites de la mort du véritable Auteur de la vie !...

 

Elle a grandi, votre croix !... Grâces donc à notre vrai Bien, qui vous tient sur la croix ! O Croix bien-aimée ! ô sainte Croix, arbre de vie où est suspendue l’éternelle vie, je te salue, je t’embrasse, je te presse contre mon cœur ! Ah ! voilà les sentiments qui doivent nous animer dans les circonstances douloureuses. Courage donc ! courage !... Sous un poids si lourd, la partie inférieure de l’âme fléchira, c’est vrai ; mais la partie la plus haute de l’esprit goûtera un doux repos dans le sein de Dieu. Ne regardez pas en face les travaux ou tout autre chagrin ; regardez plutôt en face le cher Amour crucifié, notre Jésus, ce Roi des douleurs et des angoisses : et alors tout vous paraîtra doux. Le cœur en haut ! le cœur en Dieu ! Pour le moment vous ne pourrez autant vous appliquer à l’oraison, ni remplir les autres exercices de piété, j’en conviens ; mais, avec ma confiance fondée sur Jésus-Christ, je vous donnerai une règle pour faire toujours oraison : Prie toujours, qui agit bien. Gardez-vous donc avec foi, je vous en supplie, gardez-vous en la présence de Dieu dans toutes vos actions. Ne laissez pas de tenir votre cœur en éveil par le souvenir de Dieu, votre Amour, votre Bien ; mais faites-le avec suavité, sans effort ; et quand Dieu inspire à votre cœur un sentiment d’amour, arrêtez-vous-y, et le savourez, comme l’abeille le miel… Ah ! quand je pense que mon âme est le temple de Dieu, que Dieu est en moi, oh ! que mon cœur se réjouit ! Toute affliction me paraît douce et légère… C’est là un moyen de faire toujours oraison ; c’est là une grande sagesse qui ne s’acquiert que par l’humilité du cœur. – Vivez dans la joie et la paix de la divine Majesté. – Vivez tout abîmé dans le saint amour ; vivez pour le saint amour et du très saint amour.

O Croix chérie ! ô la plus amère de mes amertumes, vous êtes toute pleine de grâces !

 

O âmes éprises du Saint amour, cherchez un asile, comme de pures colombes, à l’ombre du crucifix. Là, faites un deuil perpétuel en mémoire de la Passion du divin Epoux ; et, tirant de vos cœurs embrasés d’amour, des ruisseaux de larmes, faites-en un baume pour oindre les plaies du Sauveur.

 

 

 

 

LA PASSION

ET L’EUCHARISTIE

 

 

O Seigneur, que votre esprit est doux ! Je sais à qui je crois et je suis certain (IIe Tim. I. 12.) ; je suis certain que vous êtes au tabernacle d’amour !... Quel bonheur de me tenir, pendant les heures les plus silencieuses, au pied du saint autel ! Oh ! qui me donnera des ailes de colombe pour prendre mon vol d’amour vers votre Cœur divin ?

 

Ce n’est pas le moment de parler aux créatures, quand le Seigneur des Seigneurs, le Maître du monde se tient sur son trône.

 

Chaque fois que vous célébrez la sainte messe, ou que vous vous approchez du banquet sacré, communiez en forme de Viatique.

 

Ne négligez aucun soin pour célébrer avec grande piété ; faites toujours votre action de grâces ; gardez jour et nuit le tabernacle intérieur : c’est le cœur du prêtre. Qui agit de la sorte ne tardera pas à concevoir le feu du saint amour. Gardez avec beaucoup de précautions ce tabernacle vivant, et tenez-y les lampes allumées : ce sont la foi et la charité. Qu’il soit toujours orné de vertus. Jésus a célébré les divins mystères dans un cénacle bien préparé : Coenaculum stratum [une chambre haute meublée] (Luc. XXII. 12.).

 

Puisque la messe est le renouvellement du sacrifice de la croix, figurez-vous que vous célébrez les obsèques du Sauveur ; entrez dans les sentiments de componction et d’amour dont étaient pénétrés la Sainte Vierge, saint Jean, Joseph d’Arimathie et Nicodème. Le cœur du prêtre doit être le sépulcre de Jésus-Christ. Or, de même que celui dans lequel on le mit après sa mort, était nouveau, de même votre cœur doit être pur, animé d’une foi vive, d’une ferme confiance, d’une charité ardente, d’un vif désir de la gloire de Dieu et du salut des âmes. La messe est le moment favorable pour négocier avec le Père éternel, parce qu’alors on lui offre son Fils unique, incarné et mort pour notre salut.

Avant de célébrer, revêtez-vous des souffrances de Jésus-Christ ; conversez paisiblement avec lui au milieu même des sécheresses ; portez à l’autel les besoins du monde entier.

 

Ne passez pas un seul jour sans faire une visite au Dieu du Tabernacle. Envolez-vous en esprit dans le Cœur de Jésus au Saint-Sacrement. Là, pâmez-vous de douleur à cause des irrévérences qu’il reçoit des mauvais chrétiens, qui ne répondent à tant d’amour que par des ingratitudes et des sacrilèges. En réparation de tant d’outrages, l’âme aimante doit s’offrir en victime, se consumer dans le feu du saint amour, l’aimer, le louer, le visiter surtout aux heures où personne ne lui fait la cour.

 

La fête du Très Saint Sacrement est la fête de l’amour. Oh ! quel grand amour ! O charité ! ô amour !... Le papillon voltige autour de la flamme et s’y brûle. Que votre âme tourne de même autour de cette lumière divine ! Qu’elle y soit toute réduite en cendres, surtout dans cette grande et douce octave du Saint-Sacrement ! Ah ! mangez, buvez, enivrez-vous, volez, chantez, soyez dans la jubilation et dans la joie, faites fête à votre divin Époux.

 

Qu’ils sont immenses, les trésors que renferme la divine Eucharistie ! Je vous engage vivement, vous-mêmes qui vivez dans le monde, à communier souvent, mais avec de grands sentiments de piété. La sainte communion est le moyen le plus efficace pour s’unir à Dieu. Préparez-vous toujours bien à ce saint banquet. Ayez un cœur bien pur, et veillez beaucoup sur votre langue, car c’est elle qui touche la première le Saint-Sacrement. Portez-le chez vous après votre action de grâces, et faites que votre cœur soit un tabernacle vivant pour Jésus-Christ. Visitez-le souvent au dedans de vous-mêmes, et offrez-lui les hommages, les sentiments et les remerciements que vous inspirera le saint amour.

 

Les assauts d’amour que la bonté divine vous livre, conservez-les soigneusement dans votre intérieur, puisque, après la sainte communion, Jésus possède votre cœur. Vous ne pourriez l’aimer, si vous n’aviez avec vous la source vive du saint et pur amour, c’est-à-dire le Saint-Esprit. C’est le divin Rédempteur qui nous l’apprend. Celui qui croit en moi, dit-il, verra sortir de son sein des fleuves d’eau vive, selon l’expression de l’Écriture (Joan. VII. 38.). Or, ajoute l’Évangéliste, il faisait allusion à l’Esprit-Saint que les fidèles devaient recevoir. C’est pourquoi, quand Dieu vous livre ses assauts qui sont des faveurs particulières de l’amour divin, amour qui est saint, pur et sans tache, laissez-vous disparaître dans le Bien infini par la grâce, et là, agissez en enfant, et endormez-vous d’un sommeil de foi et d’amour dans le sein du céleste Époux.

 

L’amour dit peu de chose.

 

Les anciens ermites, ces grands serviteurs de Dieu, communiaient rarement, mais parce qu’ils se disposaient avec soin, ils recevaient une si grande abondance de grâces, qu’en peu de temps ils s’élevaient à la perfection.

 

Faites tous les jours une visite au Saint-Sacrement ; et si les devoirs de votre état vous en empêchent, visitez-le en esprit.

 

Souvent l’Eucharistie ranime et fortifie même le corps. O miséricorde infinie de notre souverain Bien ! cette merveille vient de la grande vigueur que ce Pain des Anges communique à l’âme, et qui par contrecoup se fait sentir au corps.

 

O Jésus-Eucharistie, vous avez dit : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et je lui donnerai à boire (Joan. VII. 37.) C’est à vous, maintenant, de me désaltérer… En vérité, en vérité, Jésus me désaltérait. Une fois surtout, il étancha parfaitement ma soif.

 

Mon Dieu, le tabernacle est le lieu de votre amour, préparé par vous à qui vous aime !... Quand pourrai-je, pendant les heures de profonde solitude, m’entretenir avec mon Amour-Eucharistie aux pieds du saint autel ? Qui me donnera les ailes de la colombe pour faire des vols d’amour au Cœur sacré de mon Jésus ?

 

 

 

 

LA PASSION

ET L’ENFANCE SPIRITUELLE

 

 

Dépouillez-vous du vieil homme avec ses œuvres, et revêtez-vous de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Dieu se complaît dans ceux qui se font petits et deviennent comme des petits enfants ; il les tient attachés à son sein, et les nourrit avec le lait du divin amour, pour les préparer au vin très doux du saint amour qui enivre celui qui en boit : mais c’est là une sainte ivresse qui fait devenir toujours plus sage.

 

Faisons-nous enfants avec Jésus, nous cachant dans notre néant ; soyons humbles, et simples comme des enfants, par une exacte obéissance, par la pureté de cœur, par l’amour de la sainte pauvreté, par une grande estime des souffrances, et surtout par une véritable simplicité d’enfant dans la fidèle observation des règles et des constitutions, sans avoir la témérité de les interpréter largement ni de quelque manière que ce soit. Étroite est la voie qui conduit à la vie (Matth. VII. 14.). Laissons-nous donc conduire et manier par nos supérieurs, que le bon Dieu a placés pour nous diriger et gouverner. C’est ainsi que nous serons de vrais imitateurs de l’Enfant-Jésus, qui s’est abandonné en tout aux soins de sa divine Mère, Marie, la Vierge très pure, très sainte et immaculée. C’est par ces belles et saintes vertus que vous vous disposerez au banquet des Anges. Là, vous réchaufferez du feu de vos affections le divin Enfant qui tremble de froid, afin d’allumer dans nos cœurs la flamme du saint amour. Ah ! méditez avec attention ce grand mystère. Pesez les incommodités, le froid, la pauvreté, la privation de toutes choses où se trouvent Jésus, Marie et saint Joseph, et j’espère de la bonté de Dieu que vous concevrez la généreuse résolution de devenir de grands saints, par l’imitation fidèle de Jésus, de Marie et de saint Joseph.

Placez votre cœur dans les langes sacrés du doux Enfant, afin qu’il vous vivifie, vous encourage, vous enflamme, vous sanctifie, vous rende capable de grandes choses pour la gloire de Dieu, et que la Très Sainte Vierge vous arrose de la précieuse liqueur de son lait virginal. Amen.

 

O Jésus, mon Amour, consumez mon cœur d’amour ; rendez-moi humble, saint ; donnez-moi la simplicité de l’enfance ; transformez-moi dans votre saint amour ! O Jésus, la vie de ma vie, la joie de mon âme, le Dieu de mon cœur, recevez mon cœur comme un autel sur lequel je vous sacrifierai l’or d’une ardente charité, l’encens d’une prière continuelle, humble, fervente, et la myrrhe d’une mortification constante ! Amen.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA VIERGE MARIE

 

 

Le grand Cœur de Marie enfant est, après le Cœur de Jésus, le roi de tous les cœurs ; il a aimé et il aime Dieu plus que tout le paradis ensemble, je veux dire, plus que tous les Anges et les Saints passés, présents et futurs. Désirez donc d’aimer Dieu comme le Cœur de cette sublime Enfant, et pour cela jetez-vous en esprit dans ce beau Cœur, aimez le souverain Bien par ce Cœur très pur, avec l’intention de pratiquer toutes les vertus dont elle nous a donné l’exemple.

 

Comment parler du triomphe de la Reine du ciel et de la terre, de sa glorieuse Assomption ? Les richesses de cette grande Reine sont immenses ; c’est un océan de perfection dont celui-là seul peut sonder la profondeur, qui l’a comblée de tant de grâces. Cette grande blessure d’amour qu’elle reçut dès le premier instant de son Immaculée Conception, alla toujours s’élargissant le reste de sa vie, et pénétra si profondément, qu’enfin elle détacha sa très sainte âme de son corps. Ainsi c’est une mort d’amour, plus douce que la vie même, qui mit fin à cette douleur sans mesure qu’elle souffrit toute sa vie, non seulement pendant la Passion de Jésus-Christ, mais encore en voyant les offenses et les ingratitudes des hommes envers la divine Majesté. Réjouissons-nous donc en Dieu à cause du triomphe éclatant de Marie, notre Reine et notre Mère ; réjouissons-nous de la voir élevée au-dessus des chœurs des Anges et placée à la droite de son divin Fils. Vous pouvez vous réjouir des gloires de Marie dans le Cœur sacré de Jésus et même l’aimer par ce divin Cœur ; et, si Jésus vous le permet, envolez-vous dans le Cœur Immaculé de Marie ; réjouissez-vous avec elle, soyez dans l’allégresse, en voyant que ses souffrances ont pris fin ; demandez-lui la grâce de demeurer toujours plongé dans cet océan immense de l’amour divin, d’où est sorti cet autre océan des souffrances de Jésus-Christ et des douleurs de Marie. Laissons-nous pénétrer de ces souffrances, de ces douleurs ; laissez bien s’aiguiser l’épée, la lance, le dard, afin que la blessure de l’amour soit plus profonde ; plus elle sera profonde, plus tôt l’âme captive sortira de sa prison. Je suis un abîme de ténèbres et je ne sais parler de ces merveilles… Qui veut plaire davantage à Marie doit s’humilier et s’anéantir plus profondément, car Marie fut la plus humble de toutes les créatures ; et c’est pour cela qu’elle a plu davantage à Dieu.

 

Méditez souvent les douleurs de la divine Mère, douleurs inséparables de celles de son Fils bien-aimé. Si vous allez au crucifix, vous y trouverez la Mère, et, d’autre part, là où est la Mère, là est aussi le Fils.

 

Unissez les souffrances de Jésus-Christ à celles de la très sainte Vierge, et, vous plongeant dans ces souffrances et ces douleurs, faites-en un mélange d’amour et de douleur, de douleur et d’amour. L’amour vous enseignera tout cela, si vous vous tenez bien concentré dans votre néant.

 

Voici le jour de la Passion de ma Très Sainte Mère, la Vierge des douleurs ; recommandez-moi beaucoup à elle pour que ses douleurs et la Passion de mon Jésus demeurent gravées dans mon cœur. Je le désire de toute l’ardeur de mon âme. Je voudrais pouvoir les imprimer dans celui de tous les hommes ; alors le monde entier brûlerait du saint Amour.

Mon cœur se brise quand je considère les douleurs de la Très Sainte Vierge. O tendre Mère, quelle ne fut pas votre peine en vous voyant privée de votre cher Fils, et puis en le voyant sans vie dans vos bras ! Ah ! quelle ne fut pas la tristesse de Marie, quand elle retourna à Béthanie, après la sépulture de son Fils !...

Quand Jésus expire sur la croix, c’est le moment de pleurer. Jésus est mort pour nous donner la vie ; toutes les créatures sont en deuil, le soleil s’obscurcit, la terre tremble, les rochers se fendent, et le voile du temple se déchire ; il n’y a que mon cœur qui demeure plus dur qu’un rocher. Je ne vous dis autre chose à présent, sinon de faire bonne compagnie à la pauvre Mère de Jésus. Elle est toute plongée dans les souffrances de Jésus. Imitez-la, et demandez à la bonne Madeleine et au bien-aimé Jean quels sont leurs sentiments… Laissez-vous donc inonder de cet océan des souffrances de Jésus et de Marie. Je demeure aux pieds de la croix.

La douleur de Marie est comme la mer Méditerranée ; car il est écrit : Votre douleur est grande comme la mer (Thren. II. 13.). De cette mer, on passe à une seconde mer sans limites : c’est la Passion de Jésus-Christ, au nom de qui le prophète royal a dit : Je suis entré dans la haute mer. C’est là que l’âme s’enrichit, en pêchant les perles très précieuses des vertus de Jésus et de Marie.

O vierge Immaculée, Reine des martyrs, je vous en conjure par les douleurs que vous avez endurées pendant la Passion de votre aimable Fils, donnez-nous à tous votre maternelle bénédiction ; je mets et laisse tous mes enfants sous le manteau de votre protection.

 

 

 

 

LA PASSION ET L’ORAISON

 

I

 

 

Je croirais, comme dit saint Bonaventure, manquer à mon devoir, si je passais un seul jour sans penser à la Passion de mon Sauveur.

 

Votre plus importante affaire est le soin de votre âme. C’est pourquoi, avant de sortir de votre chambre, faites au moins un quart d’heure d’oraison sur la vie, la Passion et la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ. Oh ! quelle joie pour le ciel et quelle satisfaction pour les Anges gardiens de vous voir faire oraison ! N’omettez donc jamais ce saint exercice.

 

J’aime que l’objet de votre oraison soit la Passion de Jésus-Christ, et que votre cœur s’abîme en Dieu dans ces entretiens pleins d’amour ; mais comprenez-moi bien : je veux que vous laissiez votre âme en liberté, que vous la laissiez, dis-je, seconder les attraits de l’Esprit-Saint. Je vous répète donc qu’il faut faire oraison, non à notre guise, mais selon que Dieu veut. Oui, quand l’âme trouve du goût à être seule avec Dieu seul, avec une attention pure, sainte, amoureuse en Dieu, dans une foi simple et vive, se reposant dans le sein délicieux du Bien-Aimé avec un silence sacré d’amour, silence où l’âme parle à Dieu bien mieux que par des paroles ; dans ce cas-là, il faut la laisser tranquille et ne pas la troubler par d’autres exercices. Dieu alors la porte entre les bras de son amour, et la fait entrer dans son cellier pour lui donner à boire ce vin délicieux qui fait germer les vierges. Oh ! quel magnifique entretien il y a là !

 

Parfois, dans l’oraison, Dieu communique à l’âme, d’un seul trait, ses trésors de lumières et de grâces célestes. Figurez-vous que vous ayez entre les mains un plat d’or très pur, que vous y jetiez ou versiez la quintessence des parfums les plus rares, les plus doux, les plus exquis ; qu’ensuite vous plongiez et humectiez dans ce plat un mouchoir très fin de Hollande, pour en aspirer l’odeur : ce mouchoir vous donnera un parfum inexplicable, composé de tous les parfums : voilà ce que mon âme éprouve quand je reçois ces communications intimes et cachées.

 

Oh ! que je voudrais que tout le monde s’appliquât à l’oraison et à la prière !... Quel malheur qu’il y ait si peu d’âmes qui connaissent le trésor caché dans l’oraison et l’union à Dieu !... Hélas ! on entre aisément dans la voie de la perdition, quand on néglige l’oraison.

 

Si Dieu vous fait le don d’oraison, soyez-y fidèle ; veillez cependant à ce que vous ne vous endormiez pas dans la pratique des vertus et l’imitation de Jésus-Christ. Commencez toujours votre oraison par un des mystères de la Passion, et entretenez-vous en de pieux soliloques, sans faire d’effort pour méditer. Si Dieu vient ensuite à vous attirer au silence d’amour et de foi dans son sein divin, ne troublez pas la paix et le repos de votre âme par des réflexions explicites. Je vous recommande surtout de bien vous établir dans l’humilité et la haine de vous-même… On n’en a jamais assez.

 

Soyez très fidèle à correspondre aux éminents bienfaits que vous avez reçus du Seigneur ; ils sont une préparation à de plus grandes grâces et à des lumières plus hautes et sublimes, qui feront que votre âme aura plus d’amour pour Dieu, acquerra une plus solide vertu et la pratiquera d’une manière plus héroïque. En effet, quand l’âme est plus éclairée par la foi dans l’oraison, elle demeure plus intimement unie à Dieu, et par le moyen de cette union avec le Bien suprême, elle est enrichie de tous les biens, et elle fait de grandes choses avec humilité et anéantissement d’elle-même. Par là, elle se dispose à être tout absorbée en Dieu dans la contemplation, car l’Amant divin l’attire à lui et la divinise, pour ainsi dire, par le moyen de cette union. C’est pourquoi je désire que vous vous exerciez beaucoup dans la connaissance de votre néant pour abîmer ensuite ce néant dans l’immensité de Dieu qui est tout. O perte heureuse ! et que l’âme se retrouve bien en se perdant ainsi en Dieu ! Ah ! pensez combien notre Dieu, qui est le Dieu de la vérité, est ami de la vérité ! Or, celui qui connaît son néant et qui s’y tient, connaît la vérité, et, par le moyen de la contemplation qui nous fait connaître cette grande vérité que nous sommes néant et que Dieu est tout, notre âme se plonge dans l’amour infini du Bien suprême… Suivez les règles que je vous ai tracées pour vous diriger dans l’oraison, selon les lumières que Dieu m’a données. L’état d’oraison dans lequel Dieu vous a mis demande peu de paroles.

L’amour parle peu ; la langue du saint amour, c’est le cœur qui brûle, s’enflamme, se consume, s’écoule tout en Dieu ; aucune pensée ne peut exprimer ses ardeurs ; elles font de l’âme aimante un sacrifice perpétuel d’amour, une victime d’holocauste, consumée et réduite en cendres dans le feu divin de la charité ; bref, un seul regard d’amour, en esprit  de foi, lui révèle de grandes vérités… Tout mon esprit se perd dans cet immense océan des grandeurs infinies de Dieu. Soyons magnanimes, servons noblement le Seigneur, pratiquons de grandes vertus ; Dieu sera notre force et nous donnera la victoire. Je vous recommande de ne pas perdre de vue la vie, la Passion et la mort de Jésus-Christ, notre vie.

 

Remarquez que vous ne devez plus méditer maintenant comme au commencement, mais d’après les règles que je vous ai données. L’amour est une vertu unitive qui s’approprie les peines du Bien-Aimé. Méditez dans la foi pure et non plus au moyen des images ; ce n’en est plus le temps.

Faites-vous un bouquet des souffrances de Jésus, et portez- le sur votre sein, ou bien tenez-vous tout en Dieu dans la foi pure, et rappelez-lui par quelques paroles d’amour ce qu’il a fait et souffert pour nous ; laissez-vous pénétrer de ces souffrances, de cet amour… Demeurez dans ce silence sacré, dans cette sainte admiration qui augmentent l’amour de Dieu…

 

Je ne vous dis pas de faire oraison à ma manière, mais à la manière de Dieu. Laissez votre âme dans une sainte liberté de recevoir les impressions divines, selon qu’il plaît à Dieu. Il faut faire oraison à la manière du Saint-Esprit, comme le veut cette Bonté infinie….

 

Si Dieu veut nous dépouiller, laissons-le faire. Ne négligeons pas l’exercice des vertus, ne négligeons pas la sainte présence de Dieu, ne négligeons pas le souvenir de la Passion de notre bon Jésus ; mais il faut la méditer à sa manière, et non à la nôtre. Il existe des règles, mais Dieu est le maître. Abandonnons-nous à lui, confions-nous en lui, dépouillons-nous de tout, et Dieu nous revêtira à sa façon.

 

Laissez à votre âme la liberté de prendre l’essor vers le souverain Bien selon que Dieu la conduit. Le papillon voltige autour de la flamme et finit par s’y jeter ; que votre âme tourne autour de la Lumière divine, qu’elle y entre même et s’y réduise en cendres.

 

 

 

 

LA PASSION ET L’ORAISON

 

II

 

 

Je vois que vous ne pouvez plus méditer comme auparavant, ni vous représenter les lieux ; votre esprit est en souffrance, lorsque vous cherchez à le contraindre : Deo gratias. Faites donc ainsi : Tenez-vous en présence de Dieu, avec une pure et simple attention d’amour à son immense bonté, et cela, dans un silence amoureux ; reposez ainsi votre esprit dans le sein paternel de votre Dieu, et quand le recueillement cesse, éveillez-le doucement par quelque élan d’amour. O aimable Bonté ! ô Charité infinie ! ô mon Dieu, je suis à vous ! ô Douceur suprême !... Faites ces aspirations ou d’autres, selon que Dieu vous inspirera ; mais remarquez que si, en faisant un de ces élans d’amour, votre âme se pacifie et se recueille en Dieu, il n’en faut pas faire un second, mais continuer ce silence amoureux, ce repos d’esprit en Dieu, qui comprend éminemment tous les actes raisonnés que nous pourrions faire. Quand, au contraire, vous n’éprouvez pas cette paix intérieure ou ce recueillement, et que l’âme ne peut pas non plus méditer, il faut la laisser ainsi ; vous devez cependant toujours vous tenir devant Dieu avec une attention amoureuse de la partie supérieure de l’esprit. Ainsi, quand vous serez dans ce cas, tenez-vous devant Dieu, détaché de toute consolation, comme une statue dans sa niche.

 

Les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité (Joan. IV. 23.). Notez bien cela, parce que ces paroles de Jésus-Christ contiennent tout ce qu’il y a de plus parfait dans l’oraison ; sa perfection ne consiste pas dans des joies et des délectations sensibles, mais dans l’esprit et la vérité, c’est-à-dire dans une vraie, pure et très simple nudité et pauvreté d’esprit, avec détachement de toute consolation sensible, en sorte que l’esprit se repose purement et simplement dans l’Esprit infini de Dieu. Notre Seigneur ajoute : et en vérité, c’est-à-dire qu’il faut se tenir dans son néant pur et simple, sans rien dérober à Dieu.

Voyez cet enfant : après avoir caressé sa mère et folâtré autour de son cou, il se repose et s’endort sur son sein, continuant à mouvoir ses petites lèvres pour sucer le lait. C’est ainsi que l’âme, après avoir épuisé les affections, doit se reposer dans le sein du Père céleste, et ne pas se réveiller de cette attention de foi et d’amour, sans la permission de Dieu.

 

Vous devez vous tenir tout abîmé en Dieu, laisser tomber votre pauvre esprit comme une goutte d’eau dans cet océan immense de charité, vous y reposer et recevoir les communications divines, sans perdre de vue votre néant. On apprend toutes choses dans cette divine solitude. On apprend plus de choses à cette divine école intérieure, en se taisant qu’en parlant. Sainte Marie-Madeleine tomba d’amour aux pieds de Jésus ; là, elle se taisait, elle écoutait, elle aimait, elle se liquéfiait dans l’amour. Portez partout avec vous cette oraison et ce recueillement intérieur. Sortez de vous-même et perdez-vous dans l’éternité. Je suis sur le bord de la mer ; je tiens une goutte d’eau suspendue au doigt ; je demande à cette eau : Pauvre goutte, où voudriez-vous être ? – Elle me répond : Dans la mer. – Et moi, que fais-je ? je secoue le doigt et je laisse tomber la pauvre petite goutte dans la mer. Or, je vous le demande, n’est-il pas vrai que cette goutte est dans la mer ? Certainement elle y est ; mais allez un peu la chercher, maintenant qu’elle est abîmée dans l’océan qui est son centre. Oh ! si elle avait une langue, que dirait-elle ? Tirez la conséquence, et appliquez-vous la parabole. Perdez de vue le ciel, la terre, la mer et ses rivages et toutes les choses créées, et permettez à cette âme que Dieu vous a donnée de se perdre en ce Dieu infiniment grand, infiniment bon, qui est son premier principe.

 

Voyez si cette grâce d’oraison que le Très-Haut vous fait, produit en vous une connaissance plus parfaite de votre affreux néant.

 

Ayez soin de vous tenir caché aux créatures et visible à Dieu seul, avec un vif désir de sa plus grande gloire, avec un profond mépris pour vous-même, avec la pratique de toutes les vertus, surtout de l’humilité, de la patience, de la douceur, de la tranquillité du cœur et d’une parfaite égalité d’humeur à l’égard du prochain.

 

L’oraison n’est jamais plus parfaite que lorsqu’elle se fait dans le fond et l’essence de l’âme ; on prie alors par l’esprit de Dieu.

C’est là un langage fort sublime ; mais quand Dieu veut, il fait parler même les pierres. Laissez donc le souverain Bien se reposer dans votre esprit ; ce doit être là un repos  réciproque : Dieu en vous, et vous en Dieu, ô doux, ô divin travail !

Dieu se nourrit, pour le dire ainsi à défaut d’autre terme, Dieu se nourrit de votre esprit, et votre esprit se nourrit de l’Esprit de Dieu : Jésus-Christ est ma nourriture, et je suis la sienne. Il n’y a pas d’illusion possible dans ce travail ; parce que c’est un travail de foi et d’amour.

 

Votre oraison doit être continuelle. Le lieu où l’on doit faire oraison, c’est l’Esprit de Dieu ; il faut psalmodier en Dieu, il faut faire toutes choses en Dieu.

 

Oraison, vingt-quatre heures par jour, c’est-à-dire faire toutes ses actions de cœur et l’esprit élevé en Dieu, en se tenant dans la solitude intérieure et se reposant saintement en Dieu dans la foi pure.

 

Quand le pauvre papillon tournera autour de la lumière divine, tout plein d’envie de s’y brûler et de s’y consumer, ne laissez pas de parler à Dieu avec beaucoup de respect, de reconnaissance et d’amour, des merveilles qu’il a opérées pour nous en s’incarnant, en souffrant et en mourant…

Une ou deux paroles peuvent tenir l’âme suspendue, ravie, éprise d’amour, languissante, pâmée d’amour et de douleur.

 

Si vous ne pouvez donner beaucoup de temps à l’oraison, il n’importe : c’est toujours prier que de bien faire. Soyez attentif à vos devoirs et tenez-vous en même temps attentif à Dieu, en élançant souvent votre cœur dans l’océan immense du divin Amour.

 

Ayez soin que votre oraison devienne de plus en plus intérieure dans la foi pure ; anéantissez-vous vous-même et ne cherchez pas les consolations, mais le grand Dieu qui les donne.

 

Un mot suffit quelquefois pour faire oraison. « Notre Père, qui êtes aux cieux ! » Prononcez d’abord ces paroles, puis gardez le silence et laissez agir le cœur.

 

Si nous sommes des hommes d’oraison, Dieu se servira de nous, quoique pauvres et misérables, pour les plus beaux triomphes de sa gloire ; sans cela, nous ne ferons jamais rien de bon.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA PRÉSENCE DE DIEU.

 

 

Si l’on me demandait, n’importe en quel moment : « A quoi penses-tu ? » il semble que je pourrais répondre que Dieu seul occupe mon esprit.

 

Bien que je me trouve dans un état si misérable, qu’il me semble ne plus avoir ni foi, ni espérance, ni charité, ni même cette lumière naturelle dont jouissent les autres hommes, et qu’ainsi je sois tout semblable à un animal ; malgré cela, si l’on me demandait à tout moment : « A quoi penses-tu ? » il me semblerait pourvoir répondre que j’ai Dieu seul en vue dans la partie supérieure de mon âme.

 

Il me semble impossible de ne pas penser à Dieu, notre âme étant toute remplie de Dieu, et nous tout plongés en Dieu…

Cela se trouve dans notre Pater. Ne dites-vous pas : Qui es in caelis ? Eh bien ! notre âme est ce ciel spirituel où la divine majesté réside comme sur son trône. Comment donc est-il possible d’oublier Dieu et de ne pas l’aimer ?

 

Je vous recommande particulièrement de vous maintenir en la présence de Dieu, non par une étude sèche et stérile, mais d’une manière affectueuse, paisible et tranquille, pour vous pénétrer de son esprit. Cette pratique est un moyen très puissant pour établir entre Dieu et votre âme une sainte union de charité… Marchez devant moi, et vous serez parfait (Genes. XVII.1.).

 

Que tout vous rappelle la présence de Dieu. Si, par  exemple, vous allez au jardin et que vous voyiez des fleurs, demandez un peu à l’une d’elle : Qui es-tu ? – Elle ne vous répondra pas, sous doute : Je suis une fleur. – Non ; mais elle vous dira : Ego vox, je suis un prédicateur ; je prêche la puissance, la sagesse, la bonté, la beauté, la prudence de notre grand Dieu… Figurez-vous qu’elle vous ait fait cette réponse, et laissez votre cœur s’en pénétrer, s’en imbiber, s’en humecter tout entier.

 

 

 

 

LA PASSION ET LE PÉCHÉ.

 

 

Comment serait-il possible d’offenser un Dieu flagellé, un Dieu couronné d’épines, un Dieu crucifié pour nous ? Et comment serait-il possible qu’en méditant profondément aujourd’hui et demain ces vérités de la foi, on pût encore offenser Dieu ? Cela n’est pas possible. Pour moi, j’ai converti par ce moyen les pécheurs les plus endurcis, tellement que lorsque je les confessais dans la suite, je ne trouvais plus en eux matière d’absolution, tant ils étaient changés ; et cela, parce qu’ils avaient été fidèles à l’avis que je leur avais donné de méditer les souffrances de Jésus-Christ.

 

Commencez par méditer le matin un quart d’heure ; faites oraison sur la Passion du Rédempteur, avant de sortir de votre chambre, et vous verrez que tout ira bien et que vous vivrez éloigné du péché.

 

Le moyen le plus efficace pour convertir les âmes même les plus endurcies, c’est la Passion de Jésus-Christ prêchée selon la méthode que la bonté divine, cette bonté incréée et infaillible, a fait approuver par son vicaire sur la terre.

 

La plus grande partie des chrétiens vivent dans l’oubli de tout ce qu’a fait et souffert notre très aimable Jésus : voilà pourquoi ils vivent endormis dans l’horrible fange de l’iniquité. Pour les arracher à leur détestable léthargie, il faut donc envoyer des ouvriers brûlants de zèle, qui, avec la trompette de la divine parole, annonçant la très sainte Passion de Jésus-Christ, réveillent les pauvres pécheurs assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort (Luc. I. 79.).

Priez pour notre pauvre Congrégation, dont la mission est de pleurer sans cesse les douleurs et la mort du bien-aimé Rédempteur. Dieu veuille qu’elle produise un grand nombre de bons ouvriers, capables d’être les trompettes du Saint-Esprit pour prêcher dans le monde et détruire le péché.

 

 

 

 

LA PASSION ET LE CIEL.

 

 

De cette vallée de larmes, tournez sans cesse vos regards vers Dieu, attendant toujours le moment d’aller vous unir à lui dans le saint paradis. Contemplez souvent le ciel, puis écriez-vous avec transport : Quel beau séjour il y a là-haut ! Il nous est destiné ! Que des soupirs enflammés sortent de votre poitrine, expression du désir continuel que vous avez de le posséder. Dites quelquefois, les yeux mouillés de larmes : Rien ne me plaît en ce monde, je ne me soucie plus de rien que de mon Dieu. Oui, j’espère, oui, je veux le posséder, et je l’espère de la seule miséricorde de Dieu, par les mérites de la Passion du Sauveur et par les douleurs de ma bonne Mère, Marie.

 

Quand vous voyez de belles campagnes, dites : Il y a plus beau que cela !… Là-haut sont les vraies délices et les véritables plaisirs !... Puis demeurez absorbé dans la pensée et le désir de cet océan immense de félicité dont on jouit au ciel.

 

Quel beau spectacle que celui du firmament et des étoiles ! Ce n’est pourtant que le parvis de la patrie bienheureuse où j’espère aller un jour. Loin que les choses de ce monde puissent me consoler, elles ne m’inspirent que peine et dégoût ; il me semble que j’attends depuis mille ans le bonheur d’aller jouir de mon Dieu, mon Bien suprême.

 

L’âme, une fois en paradis, sera toute transformée en Dieu, et Dieu sera tout dans l’âme, de telle sorte qu’elle sera comme divinisée. Jetez une goutte d’eau douce dans la mer ; la mer l’absorbera de manière à ce qu’on ne puisse les distinguer l’une de l’autre : ainsi l’âme du Bienheureux, plongée dans l’océan immense de la Divinité, est en quelque sorte divinisée ; elle est unie à l’essence divine et comme déifiée ; elle est unie à Dieu par l’amour.

 

Déjà les murs de la prison tombent en poussière, et la pauvre prisonnière ne tardera pas à jouir de la liberté des enfants de Dieu. Soupirez donc vers cette heureuse patrie ; laissez à votre cœur la liberté de prendre son essor ; surtout ayez soin de boire avec amour au calice du Sauveur ; enivrez-vous-en ; et comment ? par l’amour pur et la souffrance pure ; mêlez les deux ensemble, ou bien jetez quelque petite goutte de vos souffrances dans l’océan du divin Amour.

 

Mon fils, dans le ciel, le Bienheureux ne sera pas uni à moi, comme un ami l’est à son ami, mais comme le fer pénétré par le feu.

 

 

 

 

LA PASSION ET LA FOI.

 

 

Conduisez-vous par la foi.

Oh ! combien j’aime ces âmes qui marchent dans la foi pure et dans un entier abandon entre les mains de Dieu ! combien je désire que nous marchions tous ensemble dans la foi ! Oui, voilà la voie véritable.

 

Tout obscure que soit la foi, elle est le guide assuré du saint amour. Oh ! quelle douceur mon cœur goûte dans sa certitude !

Et, comme dit saint Jean de la Croix :

O nuit, nuit obscure, nuit plus aimable que l’aube du matin ! nuit qui as le pouvoir d’unir au Bien-Aimé l’âme aimante, l’âme aimante transformée dans le Bien-Aimé !

Ainsi chantait ce grand Saint.

 

Oh ! quel noble exercice de s’anéantir devant Dieu, dans la foi pure, sans images, de plonger notre néant dans la vérité suprême qui est Dieu, et de se perdre dans cet abîme immense et infini de charité ! L’âme aimante qui nage dans cet océan est pénétrée au dedans et au dehors de cet amour infini ; et, s’identifiant avec Jésus-Christ, elle est toute transformée en lui par l’amour, et s’approprie les douleurs de la Passion du Bien-Aimé. C’est là une science sublime, mais Dieu veut vous l’enseigner ; Dieu vous veut dans ce saint exercice. L’amour parle peu. Plus on aime, moins on parle ; je dis cela de la sainte oraison. La langue de l’amour est un feu qui brûle, liquéfie, consume, réduit en cendres sa victime ; puis le souffle ardent de l’Esprit soulève cette cendre si vile de notre cœur, et elle va se perdre dans l’abîme de la Divinité. Heureuse perte ! heureuse l’âme qui se perd de la sorte dans l’amour infini ! qu’elle se retrouve admirablement ! Tout cela se fait dans la foi pure, et Dieu l’enseigne à l’âme qui est humble.

 

Cherchons toujours Dieu par la foi dans l’intérieur de notre âme. Voyez une boule de ouate bien fine, sur laquelle on laisse tomber une goutte d’un baume odoriférant. Le baume s’étend et la parfume tout entière. Ainsi une aspiration du cœur vers Dieu embaume notre âme de son divin esprit et fait qu’elle exhale un doux parfum en sa présence. Voyez un enfant qui se jette sur le sein de sa mère pour prendre le lait : comme il est là content ! Eh bien ! comme les enfants, reposons-nous dans le sein de Dieu par la foi, pour jouir de ses divines communications, et nous serons pleinement satisfaits.

 

Il y en a qui mettent leur dévotion à visiter les Lieux saints et les grandes basiliques. Je ne blâme pas cette dévotion ; cependant la foi nous dit que notre cœur est un grand sanctuaire, parce qu’il est le temple vivant de Dieu et la résidence de la très sainte Trinité. Entrons souvent dans ce temple, et adorons-y en esprit et en vérité l’auguste Trinité. Voilà, certes, une dévotion sublime !

 

Le royaume de Dieu est au-dedans de vous. Ranimez donc souvent cette foi, quand vous étudiez, travaillez, mangez, ou en vous couchant, en vous levant. Faites des élans d’amour vers Dieu, en lui disant de cœur : O Bonté infinie !… ou quelque autre oraison jaculatoire. Laissez votre âme se pénétrer de ces prières jaculatoires, comme d’un baume précieux.

 

Ce grand Dieu, qui s’est fait homme et qui a tant souffert par amour pour nous, vous l’avez plus près de vous que vous ne l’êtes de vous-même.

 

Pour moi, je ne puis comprendre comment il soit possible de ne pas toujours penser à Dieu.

 

Le juste vit de la foi. Vous êtes le temple du Dieu vivant. Visitez souvent ce sanctuaire intérieur ; voyez si les lampes sont allumées : c’est-à-dire la foi, l’espérance et la charité.

 

 

 

 

LA PASSION

ET L’ESPÉRANCE.

 

 

L’espérance dilate le cœur, augmente le courage, et nous remet amoureusement entre les mains de Dieu.

 

Je me regarde comme un enfant que sa mère tiendrait entre ses bras, du haut d’une tour, au-dessus d’un précipice, pour se jouer. Qui pourrait craindre que cette mère voulût y faire tomber son enfant ? Ainsi je ne puis me persuader que Dieu me laissera tomber dans les abîmes de l’enfer. Voilà pourquoi je me repose avec un parfait abandon dans le sein de la Bonté divine, beaucoup plus tranquille que n’est un enfant dans les bras de sa mère.

 

Fondez vos espérances sur la miséricorde de Dieu et les mérites de notre aimable Rédempteur ; dites souvent en regardant le Crucifix : Là sont toutes mes espérances !...

 

Je suis plein de misères ; et cependant j’espère me sauver ; je l’espère de la Toute-Puissance et de la Bonté de Dieu ; je l’espère de la Passion et de la mort de Jésus-Christ ; je l’espère par l’intercession de la Mère des douleurs ; oui, j’espère d’aller en paradis !

 

Si votre salut éternel était seulement entre vos mains, vous auriez grand sujet de craindre ; mais puisqu’il est entre les mains de votre Père céleste, qu’avez-vous à craindre ?…

Mes espérances reposent sur la Passion de Jésus-Christ et sur les Douleurs de Marie.

 

Pourquoi désespérer de votre salut éternel ? Ne savez-vous donc pas combien Dieu est bon ?

 

Que toutes nos espérances reposent dans l’infinie Bonté ; rendons grâces à notre Amour crucifié quand il nous aura fermé les voies des hommes ; n’en mettons que plus notre confiance en sa paternelle bonté.

O bon Jésus ! j’espère, tout pécheur que je suis, d’aller vous posséder en Paradis, et de vous donner à l’instant de ma mort un saint baiser, pour être toujours uni à vous dans les siècles des siècles, et chanter éternellement vos miséricordes !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA CHARITÉ ENVERS DIEU.

 

 

Je devrais brûler d’amour pour Dieu, en reconnaissance des bontés qu’il a eues pour moi.

Si le Seigneur m’ouvre les yeux pour voir les périls dont il m’a tiré et les grâces qu’il m’a faites, un jour ou l’autre, vous me trouverez mort de douleur et d’amour au pied d’un autel.

 

Je ne désire que de m’unir à mon Dieu.

 

Il est impossible à l’esprit humain de comprendre cet Être infini, éternel, immense, qui est Dieu ; tout ce qu’on peut en comprendre dans cette vie n’est rien en comparaison de la réalité.

Comment ! un Dieu fait homme ! un Dieu crucifié ! un Dieu mort ! un Dieu au Saint-Sacrement ! Comment ! qui ? Un Dieu !...

O Charité ! ô entrailles d’amour ! Qui ? et pour qui ? O ingrate créature ! Et comment est-il possible qu’on n’aime pas Dieu ? Je voudrais mettre le feu au monde entier, afin que nous aimions tous ensemble notre Dieu. Ah ! que n’ai-je la force de retourner prêcher mon bon Jésus crucifié, ce tendre Père qui est mort sur la croix pour nous pécheurs ! que ne puis-je ainsi arrêter le cours de tant de crimes !

 

Je voudrais dire de grandes choses ; mais pour parler de l’amour, il faut aimer ; l’amour seul en enseigne le langage… Que la terre soit en silence devant le grand Dieu ! Je le répète, je voudrais dire de grandes choses, mais je me sens muet… Écoutez le divin Époux, et laissez-vous enseigner par lui… Je voudrais être réduit en cendres par amour. Ah ! je manque d’expressions ! Je voudrais ce que je ne sais pas dire. O mon Dieu, enseignez-moi comment je dois m’exprimer ! Je voudrais être tout feu d’amour ; plus encore que cela. Je voudrais pouvoir chanter dans le feu de l’amour, pouvoir exalter les grandes miséricordes que l’amour incréé nous a faites. N’est-ce pas, en effet, un devoir de remercier Dieu de ses grâces ? Oui, sans doute ; mais je ne sais comment faire ! Je voudrais et je ne sais. Nous pâmer du désir d’aimer de plus en plus ce grand Dieu, c’est peu. Nous consumer pour lui, c’est peu. Que ferons-nous ? Ah ! nous vivrons pour cet Amant divin dans une agonie perpétuelle d’amour ! Mais quoi ! pensez-vous que j’en aie dit assez ? Non, car je voudrais dire plus, et je ne sais. Savez-vous ce qui me console un peu ? c’est de voir avec complaisance que notre grand Dieu est un Bien infini, et que personne n’est capable de l’aimer et de le louer autant qu’il le mérite. Je me réjouis de l’amour infini qu’il se porte à lui-même ; je me réjouis de la béatitude essentielle dont il jouit en lui-même, sans nul besoin de personne. Mais, insensé que je suis, ne vaudrait-il pas mieux m’élancer comme le papillon dans ces flammes d’amour, et là, rester en silence, consumé, évanoui, perdu dans ce divin Tout ? Ah ! c’est là l’œuvre de l’amour, et moi, je suis toujours bien mal disposé à cette perte de soi dans l’amour… Pensez bien que mon cœur éprouve maintenant une telle soif, qu’un fleuve ne suffirait pas pour le désaltérer ; il faut l’océan pour étancher cette soif ; mais c’est un océan de feu et d’amour que je veux boire !

 

O doux embrassements ! ô baisers divins ! Quand serons-nous enflammés comme des Séraphins ? Quand serons-nous embrasés d’amour ?… Que ferons-nous pour plaire à notre doux Jésus ? Ah ! je voudrais que notre charité fût assez brûlante pour embraser tous ceux qui s’approcheraient de nous, et tous ceux qui sont au loin, tous les peuples, de toute langue, de toute nation, en un mot, toutes les créatures, afin que toutes connussent et aimassent le souverain Bien.

 

Dans toutes vos œuvres purifiez votre intention, ayez soin de la renouveler plusieurs fois le jour, répétez souvent : Tout pour la plus grande gloire de Dieu ! Je me croirais damné si je dérobais à Dieu la moindre parcelle de ses dons ; je me croirais plus méchant que Lucifer, si j’avais quelque chose en vue hors de Dieu. Je vous recommande la simplicité, la pureté d’intention et l’examen pratique sur cette vertu ; sachez-le bien, pour travailler à la gloire de Dieu, il faut un esprit libre et détaché de tout, qui ait Dieu seul en vue.

 

Il faut toujours aimer Dieu, même lorsqu’il nous afflige.

 

O mon Dieu, que vous êtes bon ! Je ne désire que vous seul, ô mon Dieu !

 

L’amour divin est jaloux ; il suffit, pour tout ruiner, d’un grain d’affection déréglée pour les créatures.

 

Que tout dans la création vous porte à aimer Dieu. Soulagez votre esprit par quelque honnête récréation, par le repos nécessaire, en vous promenant seul et en écoutant prêcher les fleurs, les arbres, les prairies, le ciel, le soleil et l’univers entier ; vous verrez qu’ils vous exhorteront à aimer et à louer Dieu, qu’ils vous exciteront à exalter la grandeur du souverain Architecte qui leur a donné l’être.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN.

 

 

Lisez sur le front des pauvres, et vous y trouverez gravé le nom de Jésus-Christ.

Ayez courage, pauvres de Jésus-Christ, parce que le paradis est pour les pauvres. Malheur aux riches ! parce que leurs richesses serviront à les tourmenter davantage dans l’enfer, s’ils ne les emploient pas à faire de bonnes œuvres.

 

Pour soigner les malades, on doit vendre jusqu’aux calices d’argent.

 

Si vous réussissez à conduire au ciel une seule âme, quelle charité ! quel gain ! quelle gloire pour Dieu !

 

Si pendant notre vie nous avons eu soin de pratiquer la charité envers les âmes qui souffrent dans le Purgatoire, la Bonté divine fera en sorte que nous ne manquions pas nous-mêmes de secours après notre mort.

 

Il faut couvrir les manquements du prochain du manteau de la charité, ou bien les attribuer à l’ignorance, à l’inadvertance.

 

Estimez comme un trésor la personne qui exerce votre patience… Il faut la regarder d’un œil fort affectueux dans la volonté de Dieu, comme l’instrument dont il se sert pour orner votre âme d’un vêtement tissu d’or et de perles, je veux dire des vertus ; et particulièrement de la patience, du silence, et de la mansuétude de Jésus-Christ. Oh ! combien je chéris une si belle épreuve qui vous vient de la part de cette personne ! Il suffit ; ne vous défendez pas, ne parlez pas, et si vous dites quelque chose, que ce soit pour l’excuser et lui faire honneur. Lorsque vous passez près d’elle, inclinez la tête par respect comme devant un instrument de la main paternelle de Dieu. Le plus sûr est de se taire tout à fait, à l’exemple de Jésus Christ.

 

Recherchez l’occasion de rendre service et de faire tout le bien possible à vos accusateurs. Mettez-y plus d’empressement que n’en ont ceux qui cherchent les perles et les diamants.

 

Ne vous affligez pas de voir qu’on me méprise et qu’on ne fait aucun cas de moi. Dieu le permet pour m’humilier ; et je m’en réjouis. Je ne sais ce que j’ai fait à ce prélat ; je sais seulement que depuis longtemps je travaille dans son diocèse et que j’ai failli y perdre la vie ; mais le pauvre évêque mérite compassion, car les persécuteurs et les calomniateurs n’ont pas manqué, surtout depuis qu’il s’agit de la fondation d’une retraite. Dieu soit béni !

Cela ne me cause pas de peine. J’avais dessein de lui écrire ; mais je ne m’y suis pas senti porté ; il vaut mieux abandonner ma justification à Dieu.

 

Aimez vos ennemis en Jésus-Christ ; témoignez-leur la plus douce cordialité ; faites en même temps quelque acte intérieur de charité, mais avec suavité, par exemple : ô chères âmes de Jésus, je vous aime dans le cœur de Jésus qui brûle d’amour pour vous ! ô âmes bénies, aimez l’Amour-Jésus pour moi !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA PAUVRETÉ.

 

 

La pauvreté est le glorieux étendard, le rempart inexpugnable de la vie religieuse.

 

Je vous recommande la sainte pauvreté ; si vous restez pauvres, vous serez saints ; au contraire, si vous cherchez à vous enrichir, vous perdrez l’esprit religieux, et l’observance régulière disparaîtra du milieu de vous.

 

Les enfants de la Passion de Jésus-Christ doivent être dépouillés de tout bien créé, et notre Congrégation doit se distinguer par la pauvreté d’esprit, par le détachement complet de toutes choses.

 

Si les religieux de la Congrégation conservent le véritable esprit de pauvreté, elle se maintiendra dans sa vigueur ; je ne cesserai jamais de le répéter. Si j’étais à l’article de la mort, je ferais trois recommandations : de conserver l’esprit d’oraison, l’esprit de solitude, et l’esprit de pauvreté. S’il en est ainsi, la Congrégation répandra une vive lumière devant Dieu et devant les hommes.

 

La pauvreté que le monde a tant en horreur, est une grande joie et une source de richesses devant Dieu.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA CHASTETÉ.

 

 

Possédez la pureté dans un degré éminent et soyez jaloux d’en conserver la fleur. J’ai un désir extrême de vous voir briller par cette vertu ; soyez des anges et n’omettez aucune précaution pour conserver ce trésor que l’imprudence perd si facilement. « Nous portons ce trésor, disait l’Apôtre, dans des vases d’argile » (2 Cor. IV. 7.)

Aussi je vous recommande beaucoup la sainte modestie en tout temps et en tout lieu, parce que nous sommes toujours en présence de Dieu qui est partout. Retracez donc en vous la modestie admirable du Sauveur dans votre contenance, dans vos gestes, vos vêtements.

Je vous engage à veiller non seulement sur vos yeux, et à réprimer la sensualité, mais à conformer chacun de vos mouvements aux règles de cette vertu qui donne à toutes choses la mesure, la décence et la dignité convenable.

 

Gardez la plus parfaite fidélité à l’Époux céleste, et vivez comme des colombes innocentes et sans tache.

 

Évitez soigneusement tout danger de blesser non seulement la pureté, mais même les moindres règles d’une exacte modestie.

 

Le lis devient plus blanc et répand un parfum plus suave parmi les épines, que lorsqu’il est libre. Je veux dire que la sainte virginité s’embellit et devient plus agréable à Dieu au milieu des épines des combats et des tentations les plus horribles.

Dieu permet ces sortes de tentations, pour vous donner une connaissance plus profonde de votre néant, et vous convaincre que, privé de sa grâce, vous seriez capable des plus grands crimes. Soyez donc prudent, évitez tout rapport dangereux ; veillez sur vos yeux, sur votre cœur, sur toutes vos affections ; soyez très modeste ; que toute votre manière d’être soit bien réglée, la nuit comme le jour ; soyez très jaloux et très ami de la sainte modestie. Ne vous fiez à personne, mais surtout défiez-vous beaucoup de vous-même.

Le soir, jetez de l’eau bénite sur votre lit ; couchez-vous avec une extrême modestie ; placez-vous sur le coté droit ; ayez votre crucifix près de vous ; et si vous êtes assailli de quelque pensée mauvaise, prenez-le en main, baisez ses plaies, et puis redressez-vous en disant : Voici la croix de Jésus-Christ, prenez donc la fuite, esprits infernaux ! Je vous le commande au nom de la sainte Trinité, de Jésus-Christ, mon Sauveur, et de Marie, Mère de Dieu.

 

Défiez-vous de vous-même, car on a vu tomber les cèdres du Liban ; défiez-vous toujours… Il faut craindre et fuir… Il faut rompre toute relation avec la personne dont vous me parlez : il y a là une attache secrète, et le faux zèle ou le démon vous tend là un grand piège sous un beau prétexte, afin de vous faire tomber dans le précipice. Dans ces sortes de combats, on n’est vainqueur que par la fuite.

 

La prière, les bonnes lectures, la fréquentation des sacrements avec les dispositions convenables, et particulièrement la fuite de l’oisiveté, voilà, croyez m’en, les moyens de vous sanctifier.

 

 

 

 

LA PASSION ET L’OBÉISSANCE.

 

 

Ah ! mes bien-aimés, ayez surtout une vraie et parfaite charité ; qu’elle unisse tellement vos cœurs, qu’ils ne soient plus qu’un seul cœur et qu’une seule volonté en Dieu. Abandonnez-vous tellement entre les mains des supérieurs qu’ils puissent faire de vous tout ce qu’ils veulent, dès qu’ils ne commandent rien de contraire à la loi de Dieu ni aux règles ni aux constitutions, auxquelles vous devez avoir soin de rester toujours fidèles. Jésus-Christ, vous le savez, s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la Croix ; il faut donc mourir aussi à vous-mêmes et ensevelir l’esprit et le jugement propres. Renoncez à tout jugement, à toute inclination, à toute volonté propre ; abandonnez-vous comme morts à vos supérieurs ; aussi longtemps que vous ne serez pas comme morts entre les mains de l’obéissance, vous ne pourrez jamais goûter les douceurs du service de Dieu. Ayez autant d’ardeur pour qu’on rompe votre volonté, que le cerf altéré en a pour la fontaine. Regardez comme perdue une journée où vous ne rompez pas votre volonté en l’assujettissant à quelqu’un. Offrez souvent votre volonté en sacrifice à Dieu ; vous en ressentirez un contentement souverain ; plus vous serez obéissants, plus vous aurez de paix et d’indifférence pour les emplois ; la sainte obéissance sera votre véritable épouse, et vous l’aimerez en Jésus-Christ, ce grand Roi des cœurs obéissants. De cette manière, vous serez plus aptes à rendre service à l’Église et à notre Congrégation par le moyen de vos prières ; Jésus exauce la prière des âmes obéissantes.

 

Notre très doux Jésus se laissa vêtir et dépouiller au gré de ses bourreaux ; ils le liaient, le déliaient, le poussaient de côté et d’autre, et l’innocent Agneau se prêtait à tout. O douce soumission de Jésus, mon souverain Bien !...

 

Continuez à vous préparer à tout comme une douce brebis ; aimez à voir rompre tous vos projets quoique bons ; viendra un temps où Dieu vous les fera exécuter d’une manière parfaite.

 

Eh bien ! comment allez-vous ? votre cœur voudrait prendre l’essor vers le ciel, n’est-ce pas ? mais, patience, il faut attendre que le divin Époux vous donne la liberté. J’apprends que vous souffrez de la fièvre, je pense que vous voudrez être obéissante jusqu’à la mort. Vous savez bien que vous n’avez pas encore la permission de quitter votre prison pour aller dans la patrie ; le pauvre Père que Dieu vous a donné pour directeur désirerait, si tel était le bon plaisir de Dieu, se trouver auprès de vous pour mettre votre âme sur la route du Paradis. Et puis, comment me quitteriez-vous maintenant que les besoins sont plus grands ? Laissez-moi achever l’œuvre de la Congrégation, et ensuite je vous permets de vous en aller en paix. Vous allez rire un peu de ma folie ? J’espère que la Bonté divine aura pitié de ce sot langage (1).

 

(1) La Religieuse à qui le saint écrivait recouvra miraculeusement la santé.

 

 

LA PASSION

ET LA MORTIFICATION.

 

 

Je voudrais avoir toujours à la main un fer tranchant, afin de déraciner et de détruire totalement la mauvaise herbe qui pousse toujours dans mon jardin. Vous me comprenez : je veux dire que je tâche de dépouiller mon âme de tout ce qui n’est pas Dieu.

 

Saint Ignace disait souvent : Ignace, triomphe de toi-même ; Ignace, triomphe de toi-même. – Oh ! quel avis important ! quel point essentiel pour la perfection !

 

En même temps que le corps est occupé à son travail, l’âme peut faire le sien, en pensant à Dieu et en l’aimant. Ainsi, pendant qu’on mange, on peut faire des actes d’amour de Dieu. De cette manière on pratique la mortification, on se rend supérieur à toutes les choses du monde, et on ne risque pas de s’attacher aux jouissances créées.

 

Voulons-nous nous abstenir de boire par mortification ? Oui, pour l’amour de Jésus crucifié et tourmenté de la soif sur la croix, faisons ce sacrifice.

 

Un saint Grégoire le Grand se nourrissait d’une écuelle de légumes, comme j’ai vu dans une ancienne inscription où sainte Sylvie sa mère est représentée ; et aujourd’hui on a tant peur de s’incommoder par des pénitences même modérées ! Saint Grégoire, de famille noble, d’un tempérament délicat, et encore jeune, apprend à l’école des pieux solitaires à se contenter d’un plat de légumes que sa sainte mère lui envoyait journellement en aumône ! Une telle conduite doit nous couvrir de confusion.

 

 

 

 

LA PASSION ET L’HUMILITÉ.

 

 

Quand Dieu vous accorde ses faveurs, gardez votre secret pour vous, selon l’avis du prophète : Secretum meum mihi, [Mon secret est à moi] (Is. XXIV. [16]), et saisissez toutes les occasions de vous humilier.

 

Ayons soin de nous tenir sur notre terrain et en deçà de nos limites, qui sont le néant et le péché. Dieu en sera plus porté à nous attirer sur le sien, et il nous absorbera dans l’immensité de son Être infini.

 

Dieu ne révèle ses sublimes secrets qu’à ceux qui sont humbles de cœur. Tenez-vous donc toujours dans l’anéantissement et le mépris universel de vous-même ; que votre plus grand désir soit d’être regardé comme un objet digne de mépris. Ainsi pénétré de votre néant et dépouillé de tout, jetez-vous en toute confiance dans l’abîme de tout bien, et laissez à la bonté infinie de Dieu le soin d’agir divinement dans votre âme, c’est-à-dire de la transpercer des rayons de sa lumière, de la transformer dans son amour, de la faire vivre de son esprit, de la faire vivre d’une vie d’amour, d’une vie divine, d’une vie sainte. Laissez le pauvre papillon voltiger autour de la lumière divine, par ses affections, ses sentiments d’humilité et surtout de foi et d’amour, puis s’élancer dans cette lumière divine qui est Dieu lui-même ; qu’il y soit plus que mort. De la sorte, il vivra, non plus de sa vie, mais dans la vie et de la vie du Bien suprême. Ce sont là des effets sublimes que la divine Majesté opère dans les âmes qui s’anéantissent et se font petites, qui rendent à Dieu toute la gloire de ses dons et les renvoient devant son trône par une humble et amoureuse offrande, comme un encens d’agréable odeur. Lisez avec attention tous ces sentiments, mais lisez-les avec un cœur humble, simple et ouvert, à l’exemple de la mère perle ou coquille qui, après avoir reçu la rosée du ciel, ferme ses écailles, et s’enfonce dans la mer et engendre la perle précieuse.

 

Humiliez-vous, résignez-vous, et abandonnez-vous à Dieu avec une grande confiance, en vous tenant toujours dans votre néant.

 

Faites les parts justes : gardez ce qui est à vous, c’est-à-dire un néant affreux, capable d’enfanter tous les maux possibles, et laissez à Dieu ce qui est à lui, c’est-à-dire tout le bien.

 

Il faut craindre cette terrible bête, l’amour-propre ; c’est un serpent à sept têtes qui s’insinue partout. Il n’y a rien qui m’épouvante plus et qui me mette plus en garde contre mon cœur ; je crains qu’il ne s’embourbe.

Ah ! quand est-ce que nous imiterons parfaitement le divin Rédempteur qui s’est anéanti lui-même ? Quand serons-nous assez humbles pour nous faire une gloire d’être l’opprobre des hommes et l’abjection du peuple (Ps. XXI. 7.) ?... Quand serons-nous si simples et si petits que nous regarderons comme une bonne fortune de devenir les derniers de tous et d’être rejetés dans le néant ? Quand notre plus grande peine sera-t-elle d’être estimés et honorés ? Ah ! quand ? Ayez la charité de prier Dieu pour moi, afin qu’il m’en fasse la grâce.

 

Quand on s’abaisse jusqu’au fond de l’enfer, sous les pieds des démons, Dieu élève jusqu’au Paradis. De même que le démon voulut s’élever au plus haut du ciel, et que par son orgueil il fut précipité au plus profond de l’abîme ; de même l’âme qui s’humilie jusqu’à cet abîme fait trembler Satan, le confond ; et Dieu l’exalte jusqu’au Paradis.

 

Soyez bien attentif sur vous-même, tenez-vous dans votre néant d’une manière passive ; sachez qu’un petit grain d’orgueil suffit pour jeter à terre une grande montagne de sainteté. Soyez donc humble, et entrez bien dans la connaissance de vous-même.

 

L’humilité et le mépris de soi font éviter les illusions.

 

Quand on voit que l’oraison produit des effets et des désirs conformes à l’état et à la vocation, il n’y a point d’illusion à craindre, pourvu qu’il en résulte une plus parfaite connaissance de son néant, de son indigence, de son impuissance, de son ignorance. Oh ! plus on creuse, plus on trouve l’effroyable Néant qu’on fait ensuite disparaître dans le Tout infini ! un N et un T, ces deux lettres contiennent une perfection sublime.

 

La grâce du Saint-Esprit soit toujours avec vous. Amen.

1° Je me réjouis des souffrances intérieures et extérieures que vous avez à supporter ; je me réjouis de ce que vous les aimez. Vous commencez à être un disciple de Jésus-Christ. Il est vrai que ce sont là de légères souffrances ; aussi devez-vous vous humilier beaucoup, en pensant qu’elles ne sont rien en comparaison de celles des serviteurs de Dieu, et beaucoup moindres encore si vous le pesez sur la balance de la croix du Sauveur. Tenez-vous donc bien anéanti.

2° L’oraison qui humilie l’âme, l’enflamme d’amour, l’excite à la vertu et à la patience, n’est pas sujette à l’illusion.

3° Fuir comme la peste les satisfactions qui enflent, qui donnent de la vanité et qui nous inspirent de l’estime de nous-mêmes ; elles viennent du démon. Remerciez donc le Seigneur qui vous fait la grâce de les chasser et de les reconnaître. Le bon moyen pour se garantir de ces illusions, c’est l’humilité de cœur, l’anéantissement et le mépris de soi, le recours au Sacré-Cœur de Jésus, qui est une forteresse inexpugnable où nous devons nous réfugier et chercher du secours, etc.

4° Ces lumières qui éclairent votre intelligence et enflamment votre volonté d’après ce que vous me dites, doivent vous être suspectes si elles vous causent de l’enflure. Il faut donc éloigner les imaginations en question, et vous mettre en présence de Dieu, avec une foi vive et une attention amoureuse, tâchant de concevoir une très haute idée de la Majesté divine et de vous anéantir de votre mieux devant elle. Si le démon fait du tapage, continuez de vous tenir anéanti, en pensant à vos péchés et à vos misères ; ne vous permettez pas d’aller plus loin, mais fixez-vous dans la connaissance de vous-même ; vous déjouerez ainsi les ruses du démon. Il faut être fidèle à cet avis. Saint François Borgia, avant de s’élever à ses hautes contemplations, employait deux heures à méditer sur son néant et ses misères, etc. Les consolations véritables et les lumières divines sont toujours accompagnées d’une profonde humilité, d’une telle connaissance de soi-même et de Dieu, qu’on s’abaisserait sous les pieds de tous. Elles donnent aussi, mais non pas toujours, une intelligence céleste, avec la paix, l’amour, la joie, la pratique de la vertu, l’amour de la grâce…

 

Tenons-nous dans notre néant et ne nous élevons pas, à moins que Dieu lui-même ne nous élève. Oh ! quand Dieu veut élever une âme, quelle douce violence ! je dis douce, mais si forte que l’âme n’y peut résister. Ainsi restons d’abord en la présence de Dieu dans la foi pure, et fixons-nous dans la connaissance et la méditation de notre néant, de nos péchés, de nos misères ; ensuite laissons à l’âme la liberté de suivre les attraits amoureux de l’Esprit-Saint. J’ajoute que, bien qu’il vous semble vous réjouir dans les peines et les mépris, il ne faut pas faire cas de cette disposition, parce que le démon pourrait s’en mêler pour donner de la vanité. Mieux vaut ne pas estimer son jugement et ses impressions, mais craindre et se défier, sans avoir d’autre vue que de faire la volonté de Dieu. Le monde est tout rempli de pièges ; il n’y a que les humbles qui puissent y échapper. Ne vous fiez pas à vous-même, bien que votre oraison vous semble produire de bons effets. Ne soyez point juge dans votre propre cause, mais défiez-vous de vous-même et adorez le Père des lumières en esprit et en vérité. Il est écrit : Heureux l’homme qui vit dans une défiance continuelle ! Bien faire, et savoir qu’on ne fait rien de bien, c’est la marque d’une grande humilité ; c’est un des premiers degrés de l’humilité. Celui-là est vraiment humble de cœur qui se connaît lui-même à fond et qui connaît Dieu. Que le Seigneur fasse cette grâce à tous les hommes. Amen.

 

Celui-là sera le plus grand, qui sera le plus petit. Celui qui s’anéantira le plus profondément, sera le plus élevé, le plus favorisé, il aura plus facilement l’entrée dans ce cellier au vin, cette salle royale, d’où l’on passe au sanctuaire secret dans lequel l’âme traite seule à seul avec le divin Époux…

 

Si quelque poussière d’imperfection s’attache à votre cœur, ne vous troublez pas, mais consumez-la aussitôt dans le feu de l’amour de Dieu ; en vous humiliant et en vous repentant doucement, mais avec un repentir humble, fort et de tout cœur, et continuez à demeurer en paix…

 

De l’humilité de cœur dérivent la sérénité de l’esprit, la douceur de la conduite, la paix intérieure et tous les biens.

Figurez-vous un grand Seigneur qui, se trouvant à table avec ses amis, entend frapper à coups redoublés à sa porte. Il envoie un domestique pour voir qui frappe, et apprenant que c’est un pauvre, il se fâche de son impertinence et le fait congédier sans aumône. Peu après, survient un autre pauvre qui frappe, mais d’une manière humble et modeste. Le maître dit alors à ses serviteurs : Qu’on donne la charité à ce pauvre qui la demande si humblement. Vient un troisième, qui frappe si doucement qu’on l’entend à peine. Le maître lui fait donner une bonne somme d’argent. Enfin, vient un pauvre lépreux qui n’a pas la hardiesse de frapper et qui se jette à terre près de la porte, en attendant que le maître l’aperçoive. Celui-ci sort pour sa promenade, il voit et examine le pauvre lépreux : « Que faites-vous ici, lui dit-il, pourquoi ne demandez-vous pas la charité ? » — « Eh ! seigneur, lui répond le lépreux, vous êtes un seigneur si grand et si bon, et moi je suis un pauvre déguenillé, chargé de lèpre ; je n’ose même pas ouvrir la bouche. » — A ces mots, le gentilhomme fait venir son majordome et lui dit : « Je vous charge de faire soigner et vêtir ce pauvre et qu’on lui assigne une bonne rente pour le reste de ses jours. »

C’est ainsi que le Seigneur agit envers nous. Plus nous nous humilions en sa divine présence, plus il nous enrichit de ses grâces. C’est ce qu’il faut faire, spécialement lorsque nous nous trouvons arides, désolés, délaissés, dans l’oraison. Alors, il convient beaucoup de s’humilier devant Dieu, de reconnaître nos démérites et de réclamer humblement le secours de sa grâce, tout en souffrant avec une humble résignation ce qu’il lui plaît de nous envoyer de fâcheux.

 

Voici le moyen le plus simple pour être favorisé sans cesse de dons nouveaux et de grâces précieuses et pour aimer de plus en plus le souverain Bien : il consiste à regarder d’un œil de foi l’abîme de notre néant, et dans l’effroi que cette vue nous inspire, à fuir dans l’intérieur du désert, dans l’abîme de la divinité, en laissant disparaître notre néant et en recevant d’une manière passive les inspirations divines. Abandonnez-vous à Dieu totalement ; laissez la divine Majesté opérer son œuvre dans le plus intime de votre âme ; là se fait une génération divine. A cette école de la divine Sagesse, celui-là est le plus savant, qui se fait le plus ignorant. Là, on entend sans entendre, pour ainsi dire, car je ne puis m’expliquer… O sainte ignorance, qui fait évanouir toute la sagesse et la grandeur du siècle, et nous fait apprendre à l’école de l’Esprit-Saint la science et la sagesse des saints !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA SAINTE VOLONTÉ DE DIEU.

 

 

Résignation à la volonté de Dieu en toutes choses ; en faire fréquemment des actes ; voir avec l’œil de la foi toutes les peines intérieures et extérieures, parce Dieu les veut ; ne point penser à l’avenir, c’est-à-dire aux malheurs, aux peines et autres événements que l’imagination se forge, mais les faire mourir dans la volonté de Dieu ; je poursuis ma recette et je la termine : broyer toutes les peines et les souffrances avec patience et en silence, puis en faire une pilule qu’on pétrit avec le baume de la Passion de Jésus-Christ, qu’on avale avec la foi et l’amour, et que la chaleur de la charité fait digérer.

 

Seigneur, disposez de moi selon votre volonté ; que je sois tourmenté autant qu’il vous plaira ; tout m’est égal ; car je ne me séparerai jamais de vous. Exécutez sur moi votre bon plaisir ; je veux de plus en plus m’approcher de vous…

 

Vous me fuyez, Seigneur ; mais quoi que vous fassiez, je serai toujours à vous et toujours j’irai à votre recherche. Je vois bien que vous me fuyez, parce que je vous suis ; Seigneur, faites de moi tout ce que vous voudrez ; que je souffre autant qu’il vous plaira ; je serai toujours à vous ; vous avez beau me fuir, je ne cesserai malgré cela de vous chercher.

 

O bonté infinie de mon Jésus ! vous me fuyez pourtant, Seigneur ; mais fuyez aussi loin que vous voudrez, je serai toujours à vous ; je vous suivrai toujours, et toujours je serai entièrement à vous.

 

Dans toutes vos peines ou désolations intérieures, pratiquez souvent l’exercice de l’abandon total à la sainte volonté de Dieu. Récitez le chapelet que sainte Gertrude a composé uniquement de ces paroles : Fiat voluntas tua : Que votre volonté soit faite.

D’autres fois, dites avec les sentiments d’une parfaite conformité à cette volonté divine : « Vos jugements, Seigneur, sont justes et équitables. Toute votre conduite est basée sur la justice, parce que nous avons péché et que nous n’avons pas obéi à vos commandements » (Tob. III. 2. etc.)

Un jour, le Seigneur fit paraître à ma vue un gros faisceau de croix ; en même temps il m’inspira intérieurement de plonger ma volonté propre, comme une goutte d’eau, dans l’océan immense de la volonté tout aimable de Dieu. Je le fis, et en un clin d’œil toutes les croix s’évanouirent.

Une des preuves les plus claires de l’amour qu’on a pour Dieu, c’est de chercher uniquement son bon plaisir, de ne désirer que Dieu : Dilectus meus mihi et ego illi ; mon Bien-Aimé est à moi et je suis à Lui (Cant. Cant. II. 16.) ; et d’exécuter promptement sa volonté, dès qu’on la connaît. De même que la cire qu’on approche du feu prend toutes les formes qu’on veut ; de même l’âme aimante doit se liquéfier dès que le Bien-Aimé a parlé.

 

Que la volonté de Dieu soit notre élément, notre centre, notre repos ; nous y goûterons un sommeil tranquille, doux et paisible ; aucun événement ne pourra nous causer du trouble. Laissons faire le bon Dieu ; que la volonté de Dieu soit faite ; que le Seigneur soit béni à jamais ; je ne veux ni plus ni moins que la volonté et le bon plaisir de Dieu, soit dans le temps, soit dans l’éternité : je ne puis vouloir que ce que veut mon Dieu.

 

Dans tous les accidents fâcheux, dites en inclinant la tête : Que la très sainte et aimable volonté de Dieu soit faite... – Ou bien ces paroles de l’Évangile : Je suis venu non pour faire ma volonté, mais la volonté de mon Père qui m’a envoyé (Joan. VI. 38.). Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père (Joan. IV. 34.).

 

Il n’y a ni repos ni paix possible pour celui qui résiste à la volonté de Dieu : Quis restitit ei, et pacem habuit ? [qui lui a résisté, et est demeuré en paix ?] (Job. IX. 4.)

Dans les maux et les traverses que Dieu nous envoie, il faut nous humilier et incliner la tête, parce que s’il veut nous donner un soufflet et que nous levions la tête, il nous en donnera dix ; au contraire, si nous baissons la tête et qu’il ait dessein de nous donner dix soufflets, à peine s’il nous en donnera un seul.

 

Ne regardez jamais l’instrument de vos épreuves ; mais figurez-vous que Jésus-Christ vous les présente de sa propre main.

 

Si, allant au jardin pour cueillir des fruits, vous étiez surpris par une forte pluie, que feriez-vous ? Vous iriez vous abriter dans la chaumière, n’est-il pas vrai ? De même, quand les angoisses, les tribulations, les amertumes pleuvent sur vous, il faut vous cacher dans l’asile assuré de la volonté de Dieu, et de la sorte vous n’en serez pas mouillé.

 

Quand est-ce que nous serons morts à tout, afin de vivre pour Dieu ? Ah ! oui, quand viendra ce moment ? O mort précieuse, plus désirable que la vie, mort qui nous divinise parce qu’elle nous transforme en Dieu par amour ! – Saint Jean Chrysostome a dit : Silentium, quod lutum praebet figulo, idem ipse praebe conditori tuo. O quelle sentence ! Il veut dire : ce silence que l’argile et la boue gardent dans les mains du potier, gardez-le vous-même dans les mains de votre Créateur. L’argile se tait toujours ; que le potier en fasse un vase d’honneur ou un vase d’ignominie ; il se tait, soit qu’il le rompe, soit qu’il en jette les débris dans un cloaque ; il se tait, et il est aussi content que si on le plaçait dans la galerie du roi ; gravez dans votre mémoire cette grave leçon.

 

Les désirs même les plus saints, soit à l’égard des âmes, soit au sujet des besoins de l’Église, qui sont fort grands, il faut les laisser mourir dans le feu de l’amour de Dieu, d’où ils procèdent, et attendre le temps où Dieu en voudra l’accomplissement. Dans l’intervalle, cultivez un seul désir, le plus parfait de tous, qui est de plaire de plus en plus à Dieu et de vous nourrir de sa sainte volonté.

 

Nourrissez-vous de la sainte volonté de Dieu ; buvez au calice de Jésus, les yeux fermés, sans vouloir connaître ce qu’il y a dedans ; il suffit de savoir que ce calice nous est offert par le doux Jésus.

Surtout, faites-vous une grande habitude de la résignation à la volonté divine, faites-en souvent des actes : O chère volonté ! O sainte volonté de Dieu, je vous aime ! O douce volonté de mon Père et de mon Dieu, soyez toujours bénie ! O sainte, ô douce volonté, vous êtes mes délices ! La nourriture de mon Jésus était de faire la volonté du Père éternel, ma nourriture sera aussi de faire toujours sa sainte volonté.

Abandonnez-vous à la sainte volonté de Dieu ; elle doit être votre nourriture continuelle ; le doux Jésus fit toujours sa nourriture de la volonté de son Père, qui voulait le voir dans une mer de souffrances. Soyez magnanime, gardez-vous de vous laisser épouvanter par le démon, tenez-vous caché en Dieu, rien ne pourra vous nuire. N’abandonnez pas l’oraison ; soyez fort et constant. Courage donc ! Dieu veut faire de vous un saint : que Jésus vous bénisse !

 

Humiliez-vous, résignez-vous, abandonnez-vous à Dieu avec une grande confiance, en vous tenant toujours dans votre néant.

 

La divine volonté est un baume qui guérit toutes les peines ; il faut la caresser et l’aimer dans l’adversité comme dans la prospérité.

 

Il faut imiter les vignerons et les jardiniers ; quand vient la tempête, ils se retirent dans la cabane, et y restent en paix jusqu’à ce qu’elle soit passée. C’est ainsi qu’au milieu des tempêtes dont nous sommes menacés à cause de nos péchés et de ceux du monde, il faut nous retirer sous la tente d’or de la volonté divine, nous réjouissant de ce que le bon plaisir du souverain Maître s’accomplit en toutes choses.

 

Je ne veux ni vivre, ni mourir, mais seulement ce que veut le bon Dieu.

 

Je meurs volontiers pour faire la sainte volonté de Dieu.

 

Offrez au Père éternel le précieux Sang de son Fils unique, pour qu’il ne soit plus irrité par mes ingratitudes et me fasse la grâce d’accomplir sa très sainte volonté ; si cette œuvre n’est pas pour sa gloire, qu’il l’anéantisse, et m’accorde à moi du temps et un asile pour faire pénitence et pleurer mes grands péchés.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA CONFIANCE EN DIEU.

 

 

Dans toute œuvre sainte, armez-vous d’une grande confiance en Dieu ; que les difficultés ne vous épouvantent pas. Dieu vous fera voir des prodiges. Soyez donc magnanime et courageux. Mettez-vous à l’œuvre avec humilité et pureté d’intention, en vue de la seule gloire de Dieu. Remerciez-le de vous avoir choisi pour une entreprise utile à sa gloire, et tenez-vous humilié et anéanti en sa présence, vous écriant : Je ne suis que comme un néant devant vous (Ps. XXXVIII. 6.)

 

Ayez une grande défiance de vous-même. Sans moi, vous dit le divin Sauveur, vous ne pouvez rien faire (Joan. XV. 5.). Et l’apôtre saint Jacques : Tout don excellent, tout don parfait vient d’en haut (Jac. I. 17.).

 

Soyons des hommes d’oraison et vraiment humbles ; soutenons-nous par une grande confiance en Dieu en tout temps et en toutes choses, et Dieu se servira de nous, tout pauvres et misérables que nous sommes, pour faire de grandes choses à sa gloire ; sans cela, nous ne ferons jamais rien de bon.

 

Ceux qui commencent à servir Dieu tombent assez souvent dans la défiance lorsqu’ils viennent à commettre des fautes. Quand vous sentirez naître en vous un sentiment si lâche, il faut vous élever vers Dieu, et croire que toutes vos fautes, comparées à la bonté divine, sont moins qu’un brin d’étoupe qu’on jetterait dans une mer de feu.

 

Figurez-vous que tout cet horizon que vous découvrez de cette montagne jusque là-bas dans la mer, aussi loin que vous pouvez voir, est une immense fournaise. Si on y jetait un brin d’étoupe, il serait absorbé par ce feu et disparaîtrait dans un clin d’œil. Eh bien ! notre Dieu est une fournaise immense de charité : Deus noster ignis consumens est [Notre Dieu est un feu dévorant] (Deut. IV. 24.) ; et tous nos défauts sont moins qu’un fil d’étoupe, en comparaison de sa bonté. Lorsque vous venez à commettre une faute, humiliez-vous devant lui avec repentance, et puis, par un acte de grande confiance, jetez votre faute dans cet océan de bonté ; et soudain elle y sera engloutie, c’est-à-dire effacée de votre âme, et toute défiance se dissipera en même temps.

 

Quel est le père qui, tenant un fils bien-aimé entre ses bras, le laisse tomber à terre et le jette loin de lui ? Quand il y en aurait un semblable, Dieu, lui, ne saurait agir ainsi ; il faut du courage à son service.

 

Jetez un regard sur la croix pour ne point perdre confiance ! Voici que ce sang divin, ces plaies, ces blessures mortelles, ces bras qui ont fait le ciel et la terre, sont encore ouverts pour embrasser les pauvres pécheurs repentants, qui recourent humblement à sa miséricorde infinie.

 

Si quelqu’un se trouvait en mer et qu’il eût au bout du doigt une goutte d’eau douce ; si ensuite il pensait ou se flattait d’adoucir les eaux de la mer, en y laissant tomber cette goutte, ne serait-ce pas une vraie folie ? De même l’homme qui pense, croit ou espère vainement de faire quelque chose de bon sans le secours et l’assistance particulière de Dieu, se trompe étrangement lui-même. Et s’il venait à s’approprier ou à s’attribuer la moindre chose, Dieu ne manquerait pas de l’humilier et de le confondre ; jamais un tel homme ne pourrait servir d’instrument au Seigneur, ni faire de grandes choses pour sa gloire. La science sans la véritable humilité donne de l’enflure ; mais l’humilité jointe à la prière et à la confiance en Dieu seul, avec la somme nécessaire de doctrine, oblige Dieu à faire des merveilles pour convertir les âmes : conversion qui est une œuvre toute divine.

 

« Tout ce que la main de mon Père céleste n’a point planté, sera déraciné » (Matth. XV. 13.).

 

Je ne me suis jamais inquiété du temporel, et j’ai vu par expérience que Dieu y a toujours pourvu. Lorsque nous étions deux, sa Providence fournissait pour deux ; pour quatre, quand nous étions quatre ; et quand nous avons été plus nombreux, tous ont toujours eu le nécessaire ; la parole divine s’est vérifiée : Cherchez premièrement le royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroît (Matth. VI. 33.) ; ne vous inquiétez pas en disant : « Qu’aurons-nous à manger et à boire (Matth. VI. 25.) ? »

 

Le vaisseau est lancé sur la mer et sans voile et sans rame ; mais il est gardé par le grand pilote, qui seul le conduira sûrement au port. Il est battu par les vents et les tempêtes ; c’est par là que resplendit davantage la puissance, la sagesse de celui qui tient le gouvernail. Vive à jamais Jésus-Christ, qui nous a donné la force de tout souffrir pour son amour…

 

Dans les œuvres de Dieu, quand les choses semblent le plus descendre, c’est alors qu’elles montent le plus… Priez pour nous, afin que Jésus-Christ Notre Seigneur nous fasse triompher de tous nos ennemis terriblement armés contre nous. Qu’à jamais soit faite la très sainte volonté de Dieu… Mépris de nous-même, union parfaite avec la volonté divine : voilà le point capital de la vie chrétienne.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LES SOUFFRANCES.

 

 

Le Seigneur me fit entendre un jour, au pied du tabernacle, ces paroles :

« Mon fils, celui qui m’embrasse, embrasse des épines. »

 

O quelle grâce ! O quel don ! Par le travail divin que la Bonté infinie fait dans votre âme, vous appelez doux maintenant ce qui véritablement est très doux ; viendra un temps où vous prendrez votre nourriture sur la croix, sans pouvoir vous nourrir, sinon de ce qui fut la nourriture du Sauveur… Nourrissez-vous en âme généreuse, et dormez bien, parce que ce genre d’aliment demande un sommeil prolongé dans la solitude intérieure.

 

La méditation de Jésus-Christ crucifié est un baume précieux qui adoucit toutes les peines.

 

Quel honneur Dieu nous fait, quand il nous appelle à passer par le même chemin que son divin Fils !

 

Faites grand cas des précieuses peines, intérieures et extérieures : c’est ainsi que le jardin de Jésus se couvre de fleurs, c’est-à-dire des actes de vertus.

 

Quand la croix pénètre davantage, c’est tant mieux ; plus la souffrance est privée de consolation, plus elle est pure ; plus les créatures nous sont contraires, plus nous sommes près de nous unir au Créateur.

 

Dans les grandes douceurs et les ravissements d’esprit, il y a toujours danger que le diable ne joue un mauvais tour.

 

Celui-là n’est pas digne de la contemplation divine, qui n’a pas souffert et vaincu quelque grande tentation.

 

Les adversités nous apprennent et nous aident beaucoup à tenir la balance juste.

 

Dans les consolations, l’enfant fait le brave ; mais c’est dans les grandes tribulations que l’on distingue les âmes viriles d’avec celles qui sont efféminées.

 

Croyez-m’en, les afflictions, les craintes, les désolations, les aridités, les délaissements, les tentations et les autres persécutions, sont un magnifique balai qui emporte de votre âme toute la poussière et la boue des imperfections cachées. Travailler, souffrir, se taire, ne pas se justifier, voilà les maximes des saints, maximes d’une haute perfection.

 

Avez-vous remarqué comment les rochers de la mer sont battus par la tempête ? Une vague furieuse arrive et se brise contre le rocher ; il demeure rocher. Arrive une autre vague, plus furieuse encore, qui le couvre de toutes parts ; il n’en demeure pas moins rocher. Mais regardez-le après la tempête, et vous verrez que les flots n’ont fait que le polir et lui enlever la rouille qu’il avait contractée pendant le calme. Désormais, je veux que vous soyez rocher. Une vague vient-elle à vous frapper ?... Silence ! Il en vient dix, cent, mille ?... Silence ! Je vous permets tout au plus de dire au milieu de la tempête : Mon Père, mon Père, je suis tout à vous ! O chère, ô douce volonté de Dieu, je vous adore !

 

La statue doit être martelée et taillée avec des ciseaux aigus, avant d’être placée dans la grande galerie.

 

Le saint Évangile dit que si le grain qu’on sème, ne meurt pas, il reste seul et ne fructifie pas. Mais le pauvre grain qu’on sème, combien n’a-t-il pas à souffrir pour mourir et fructifier ! Il faut qu’il endure pluie, neige, vent, soleil. L’âme est un grain que Dieu sème dans le champ de la sainte Église ; pour qu’elle fructifie, il faut qu’elle meure à force de peines, de contradictions et de persécutions.

 

Toutes les petites peines de corps et d’esprit sont les premiers degrés de cette échelle sublime et sainte sur laquelle montent les âmes grandes et généreuses ; de degré en degré elles parviennent à la cime, là où se trouve la souffrance toute pure, sans consolation aucune ni du ciel ni de la terre. Si elles sont fidèles à ne point chercher de satisfaction dans les créatures, elles passent de la souffrance pure, au pur amour de Dieu sans aucun mélange… Mais elles sont bien rares, les âmes fortunées qui parviennent jusque-là ! Ah ! une âme qui a été favorisée des caresses du ciel, se voit ensuite longtemps dépouillée de tout ! bien plus, en venir au point de se croire abandonnée de Dieu, de croire que Dieu ne veut plus d’elle, qu’il est courroucé contre elle, tellement qu’elle voit du mal dans tout ce qu’elle fait… Ah ! je ne puis m’expliquer comme je voudrais ! Qu’il vous suffise de savoir que c’est là une sorte d’enfer, une peine qui surpasse toute peine. Mais si l’âme est fidèle, oh ! que de trésors elle acquiert ! La tempête finit par s’évanouir, et l’âme arrive aux embrassements pleins de douceurs de Jésus, son véritable ami ; alors Dieu la traite en épouse ; alors il se fait entre Dieu et elle une sainte alliance d’amour. Oh ! quel trésor ! Pour vous, vous n’êtes pas encore au premier degré de cette échelle ; j’ai voulu pourtant vous écrire ceci, pour que vous ne soyez pas épouvanté, quand Dieu vous placera sur un degré quelconque de la souffrance pure sans consolation ; alors, plus que jamais, soyez fidèle à Dieu et n’abandonnez pas vos exercices ordinaires.

 

Les souffrances sont de riches présents que la divine Majesté vous fait. Elle veut que, semblables à des pierres précieuses, vous soyez plus profondément et plus fortement enchâssés dans l’anneau d’or de la charité. Elle veut que vous soyez des victimes, des holocaustes sacrifiés à la gloire du Très-Haut dans le feu sacré de la souffrance. Elle veut que, par ce sacrifice, vous répandiez toujours la suave odeur des vertus.

 

L’âme que Dieu veut attirer à une très haute union avec lui par le moyen de l’oraison, doit passer, dans l’oraison même, par le chemin de la souffrance, de la souffrance sans consolation : l’âme, en quelque sorte, ne sait plus où elle est ; néanmoins par une très haute intelligence infuse, elle comprend qu’elle est toujours dans les bras du céleste Époux, nourrie du lait de son amour infini.

 

Je voudrais que le monde entier pût comprendre la grande grâce que Dieu fait dans sa bonté, quand il envoie la souffrance, et surtout la souffrance sans consolation : car, alors, l’âme se purifie comme l’or dans le creuset brûlant, et devient belle, légère, s’envole à son souverain Bien, sans même s’en apercevoir.

 

Que vous serez heureux si vous êtes fidèle à combattre et à vaincre, à ne pas vous laisser attendrir par les sentiments de la nature, mais à regarder en face Jésus crucifié, qui vous invite à le suivre par une faveur si spéciale.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LES EPREUVES DE L’AME.

 

 

Souvenez-vous que la vraie sainteté a pour cortège les peines et les tribulations du dedans et du dehors, les attaques des ennemis visibles et invisibles, les peines de corps et d’esprit, les désolations et les aridités prolongées ; car tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ souffriront persécution (II Tim. III. 12.), c’est-à-dire toutes sortes de peines de la part des démons, des hommes et de notre chair rebelle.

Soyez magnanime, et souvenez-vous que nous devons marcher sur les traces du Rédempteur. Il ne faut pas servir Dieu pour ses consolations, mais parce qu’il mérite d’être servi. La divine Majesté a coutume de priver ses serviteurs pour un temps de toute consolation, afin qu’ils apprennent à le servir par pur amour, et à devenir des serviteurs vraiment fidèles. Elle les prive des consolations spirituelles, même dans les plus grandes solennités, pour éprouver leur foi et leur fidélité. Donc sursum corda, élevons nos cœurs pour servir avec générosité notre grand Dieu et notre sauveur Jésus-Christ dans la foi et l’amour purs. Amen.

 

Mes épreuves sont grandes ! Cependant, alors même que Dieu me mettrait à mort, j’espérerais en lui (Job. XIII. 15.). Que doit faire un pauvre naufragé qui se voit au milieu des ondes furieuses et sur le point d’être englouti ?... Il ne me reste d’autre ressource que de tourner mes regards vers le Seigneur…

Je me vois menacé de nouveaux combats… Les tempêtes se succèdent, les ténèbres augmentent, les craintes ne s’évanouissent pas, les démons me harcèlent, les hommes me flagellent à coups de langue : combats au-dedans, craintes au dehors, ténèbres, froideur, tiédeur, désolation ; que faire au milieu de tant de dangers ?... Ah ! la mort est plus désirable que la vie ! Oui, si telle est la volonté de Dieu, que la porte de l’éternité bienheureuse s’ouvre pour moi !… Je ne sais quel parti prendre ; cependant, j’ai toujours foi et confiance que Dieu achèvera son œuvre d’une manière admirable…

 

Tout le monde est contre nous ; je m’en réjouis : Dieu nous sera d’autant plus favorable… Si nous sommes fidèles, Dieu ne nous fera pas défaut.

 

Un jour que le froid était très rigoureux, je voulus faire du feu ; j’allai donc au bosquet ramasser quelques branches sèches, depuis longtemps exposées à l’air ; en un moment, j’eus un grand feu ; pourquoi cela ? Parce que le bois avait été longtemps au froid, à la gelée, à la bise, au soleil, et qu’ainsi il avait perdu toute son humidité. Il en est de même de nous : si nous désirons que nos cœurs s’enflamment du divin amour, il faut que nous nous laissions purifier, avec une humble et patiente résignation, par les tentations, les peines, les persécutions, les tribulations. Oh ! alors, étant bien purifiés, le saint amour nous embrasera de ses flammes.

 

Qu’elle est heureuse l’âme qui se détache de tout plaisir, de tout sentiment, de tout jugement propre ! C’est là une leçon sublime. Dieu vous la fera comprendre, si vous mettez toute votre satisfaction dans la croix de Jésus-Christ, c’est-à-dire à mourir sur la croix du Sauveur à tout ce qui n’est pas Dieu. Pour les aversions qu’on vous témoigne, les moqueries, les dérisions, etc., il faut les recevoir avec une extrême reconnaissance envers Dieu. C’est du bois pour le bûcher où la charité doit consumer sa victime.

 

Voulez-vous un admirable remède aux troubles et aux inquiétudes de l’âme, invoquez le saint nom de Jésus, nom de salut et de grâces…Je me trouvais un jour au voisinage de la mer, occupé à une mission. Les pêcheurs de l’endroit m’engagèrent à assister à leur pêche. J’y allai, et je remarquai que la mer étant agitée, ils y jetaient de temps en temps quelques gouttes d’huile. Là où tombait cette huile, les flots se calmaient, et les pêcheurs avaient l’aisance de découvrir les poissons et de pêcher…

Quand notre esprit se trouve agité, comme la mer au milieu de la tempête, pour lui rendre la tranquillité et la paix, il faut laisser tomber sur lui de temps en temps quelques gouttes d’huile, je veux dire qu’il faut invoquer souvent le saint nom de Jésus, dont il est dit, dans le Cantique des cantiques : votre nom est comme une huile épanchée (Cant. Cant. I. 2.).

 

Votre âme a besoin d’un petit hiver. L’hiver purge l’air et la terre des mauvaises vapeurs, il purge même le corps de l’homme. S’il secoue la feuille des arbres, c’est afin qu’ils enfoncent leurs racines. Vient ensuite le printemps, et tout reverdit, tout fleurit. Chaque degré d’oraison présuppose une purgation. Soyez fidèle à tous vos exercices de piété et de vertu ; soyez toujours bien résigné et tenez-vous dans le sein de Dieu sans aucun contentement sensible ; contentez-vous de goûter sans goût, dans la partie supérieure, le plaisir de faire la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’après l’hiver, viendra le printemps avec ses fleurs, et que vous entendrez la voix de la tourterelle dans cette contrée (Cant. Cant. II. 12.).

 

Dans toutes vos épreuves, armez-vous toujours de foi, de confiance en Dieu et d’une profonde humilité de cœur. Réitérez vos commandements au démon, lui ordonnant au nom de Jésus-Christ de s’éloigner de vous et de s’en aller au lieu que Dieu lui a destiné à cause de son orgueil ; ne craignez rien.

 

Les tentations sont d’excellents signes ; et la peine que vous en ressentez est comme un feu qui servira à vous purifier et à vous préparer de plus en plus à l’union avec Dieu.

 

Je ne connais pas de meilleure place pour s’endormir, quand on est bien rassasié de croix, que la poitrine adorable du Sauveur ; elle est la fournaise du saint amour.

 

Lorsque vous sentez la passion ou la colère se soulever, c’est alors le moment de vous taire. Jésus se taisait au milieu de ses peines. O silence sacré, que vous êtes riche de vertus ! ô saint silence, vous êtes la clef d’or qui garde le grand trésor des vertus !

 

Dieu a créé les poissons muets, parce qu’ils doivent vivre au milieu des eaux ; il nous enseigne par là que celui qui navigue parmi les tempêtes de ce monde, doit être muet, sans langue pour se plaindre ou se justifier.

 

Le bon Dieu, en permettant que vous ayez cette peine, prétend vous faire mourir mystiquement à tout ce qui n’est pas lui ; il veut que vous vous considériez comme mort ; que vous n’ayez ni langue, ni yeux, ni oreilles…

Comme on foule aux pieds les morts qui sont en terre, laissez-vous fouler aux pieds par tout le monde ; faites-vous l’opprobre et le rebut du peuple, comme si vous étiez mort et enseveli. J’apprends avec joie que votre confesseur vous traite avec rigueur ; qu’il est dur et sévère. Oh ! quel excellent ami pour vous !... C’est maintenant que Dieu va mettre la dernière main à la statue pour l’embellir et la rendre digne du ciel ; voilà pourquoi il permet que celui qui devrait vous encourager, emploie le ciseau le plus fin et le plus aigu pour achever de polir la statue. Oh ! quel noble travail ! Priez Dieu de ne pas vous priver de cet instrument, jusqu’à ce que l’œuvre qu’il veut faire en vous soit terminée… Ne vous troublez pas des inquiétudes et des craintes que vous cause votre confesseur… Écoutez-le dans un profond anéantissement de vous-même, avec simplicité et silence, humiliant votre esprit au-dessous même de l’enfer, s’il était possible, mais d’une manière tranquille, douce et paisible. Quand votre confesseur vous aura congédié, retirez-vous en paix, et aussitôt faites monter vers Dieu de tendres gémissements comme un enfant : «  O Père ! ô mon bon Père ! » Exposez-lui de la sorte la peine, l’angoisse et les inquiétudes que vous donne la parole de votre confesseur. Soudain vous éprouverez un très suave attrait qui fera voler votre esprit dans les profondeurs de cette solitude divine, où l’âme demeure toute absorbée en Dieu ; et vos angoisses, vos craintes, vos scrupules seront consumés dans le foyer infini du saint amour. Reposez-vous là ; et si l’Époux divin vous invite au sommeil, dormez en paix et ne vous éveillez pas sans sa permission.

Ce sommeil divin est un héritage que le Père céleste donne à ses enfants bien-aimés : c’est un sommeil de foi et d’amour où l’on apprend la science des saints, et pendant lequel on digère tout d’un coup les amertumes des adversités…

 

Vous vous plaignez à tort de ce que vous avez des croix, des souffrances. Croyez-m’en : vous ne savez pas ce que c’est de souffrir. Dieu vous préserve d’avoir une seule journée pareille à celles que passe une pauvre âme dont je dois taire le nom !... A mon avis, vous ne devez pas tant exalter vos petites peines, vos ténèbres, vos sécheresses. Quand on aime vraiment et sincèrement Dieu, on regarde comme peu de chose ce qu’on souffre pour le divin Amant.

 

Si vous croyez souffrir beaucoup, c’est une marque que vous aimez peu, très peu, le Seigneur.

 

La vraie marque qu’on aime, est de souffrir de grandes choses pour le Bien-Aimé, et d’estimer tout cela comme rien.

 

Je vous engage à découvrir le moins possible votre trésor. Vous entendez de quel trésor je parle, c’est de vos précieuses souffrances… La perle se forme dans la coquille ; mais la coquille qui a reçu la rosée du ciel, se ferme et s’en va au fond de la mer, et c’est là qu’elle engendre la perle précieuse. Comprenez-moi bien. La perle de la vertu véritable s’engendre au fond de la mer des souffrances et de notre néant. De là, on passe dans l’océan immense de l’amour incréé, et on nage ou plutôt on est submergé dans ses eaux.

 

Mettez en pratique ces deux mots très précieux : souffrir, se taire. Voilà une voie et une règle toute courte pour devenir en peu de temps saint et parfait.

 

Les âmes qui tendent à une union sublime avec Dieu par la contemplation passent d’ordinaire par des purgations intérieures, les unes d’une manière, les autres d’une autre. Dieu a des voies incompréhensibles ; il se sert de limes très fines qui pénètrent le cœur, et en enlèvent la rouille ; ses limes sont toutes spirituelles ; il a des épreuves qui sont plus amères pour ainsi dire que l’enfer. Ces épreuves étant pures, pénétrantes et dépouillées de toute satisfaction intérieure et extérieure, elles préparent l’âme d’une manière admirable à l’union avec Dieu ; elles la plongent plus avant dans l’expérience de son néant, d’autant plus qu’elles lui font éprouver la peine du dam. Oh ! que de choses on pourrait dire sur ce sujet !

Quand Dieu permet qu’une âme soit dans cet état de purgation, c’est une preuve qu’elle est en progrès. Il faut observer cependant si elle n’a pas une secrète estime de son état : cela serait pernicieux. Voyez si son oraison la laisse dans une profonde connaissance de son propre néant, qui lui fasse exalter la divine miséricorde.

 

Dieu permet de telles épreuves en vous, directeurs des consciences, pour vous faire acquérir la science des saints et l’art de diriger les âmes. Vous serez limé d’une autre manière ; l’amour sera votre bourreau ; laissez-le faire, il s’y connaît. Quand on est martyrisé de cette façon, on a besoin d’une grâce et d’une force tout extraordinaire ; mais Dieu la donne ; sans quoi, il serait impossible d’y tenir.

 

Cette répugnance que vous éprouvez pour le bien, est un très bon signe. Dieu éprouve ainsi votre fidélité, afin qu’à chaque moment vous acquériez de nouveaux joyaux et de nouvelles perles pour embellir votre couronne.

 

Figurez-vous un sculpteur qui envoie couper dans une forêt un tronc dont il veut faire une belle statue. Les bûcherons apportent dans son atelier un bois rude et informe ; Le sculpteur commence à le dégrossir avec la hache, puis il prend la scie, ensuite le rabot et enfin le ciseau. Et que fait le bois ? Comment se comporte-il ? Il ne résiste pas, mais il se laisse travailler jusqu’à ce qu’il devienne une belle statue.

C’est ainsi qu’en agit l’artiste suprême. Afin de dégager l’âme de ses imperfections et de la dégrossir, pour ainsi parler, il permet que les démons la tourmentent par les tentations ; ensuite il l’exerce et la polit par les sécheresses et les désolations. Si l’âme souffre ce travail avec patience et longanimité, elle se perfectionne, et devient une très belle statue, digne d’être placée dans la galerie du ciel.

 

 

 

 

LA PASSION ET LA MALADIE.

 

 

La maladie est une grande grâce du bon Dieu ; elle nous apprend ce que nous sommes : c’est là qu’on reconnaît l’homme patient, humble, mortifié... Quand la maladie abat et mortifie le corps, l’esprit est plus apte à s’élever vers Dieu.

 

En ce qui regarde le corps, abandonnez-vous entièrement aux ordres du médecin ; dites-lui sincèrement de quoi vous souffrez, en termes modestes, clairs et concis ; après avoir dit le nécessaire, taisez-vous et laissez-le faire. Ne refusez pas les remèdes, mais prenez-les dans le calice amoureux de Jésus avec un visage doux. Soyez reconnaissant envers la personne qui vous soigne ; prenez ce qu’elle vous présente. En résumé, soyez comme un enfant dans les bras et le sein de sa mère. Tenez-vous dans votre lit comme sur la croix. Jésus a prié trois heures sur la croix et ce fut une oraison vraiment crucifiée, sans consolation ni intérieure, ni extérieure. O Dieu, quelle grande leçon ! Priez Jésus de l’imprimer dans votre cœur ! Oh ! qu’il y a là de choses à méditer !

 

Vous ne sauriez avoir une marque plus sûre de l’amour que Dieu vous porte, que dans cette peine dont il vous fait présent… Adorez la volonté divine qui vous a envoyé cette maladie, vous vous portiez bien dans le siècle ; mais alors vous n’étiez pas aussi chère à Dieu que vous l’êtes maintenant. Il vous aime comme une fille, et une épouse chérie : voilà pourquoi il vous traite plus grandement. Les longues maladies sont de très grandes grâces que Dieu fait aux âmes qu’il aime le plus… Reposez en paix entre les bras de l’Époux céleste qui vous aime beaucoup ; tenez-vous sur la croix de la maladie, en paix, et en silence, autant qu’il vous sera possible. Si la cause de votre maladie est la blessure de l’amour divin qui embaume votre âme, et que vous veniez à mourir sous de pareils coups, ce sera une mort plus précieuse que la vie.

 

Le chemin le plus court pour acquérir la paix qui naît de l’amour de Dieu, source intarissable de toutes les vertus, c’est d’accepter toutes les tribulations, soit temporelles, soit spirituelles, les maladies, les infortunes de tous genres, d’accepter tout cela, dis-je, sans nul intermédiaire, de la main paternelle de Dieu ; c’est de regarder et de prendre tous les événements fâcheux comme de riches cadeaux qui nous sont offerts par le Père céleste ; c’est de répéter souvent la parole sacrée du Sauveur : « Qu’il en soit ainsi, mon Père, puisque tel est votre bon plaisir. »  (Matth. XI. 26.) De toute éternité le Seigneur a jugé bon et voulu que vous ayez à souffrir ces peines corporelles, ces persécutions du démon et des hommes. Regardez-les d’un œil de foi et caressez le bon plaisir de Dieu par des oraisons jaculatoires et des élans de cœur.

Quand on regarde d’un œil de foi les amertumes, les persécutions et les souffrances de l’âme ou du corps, quand on les regarde, dis-je, d’un œil de foi, comme des joyaux qui sortent du sein paternel de Dieu, bien loin d’être amères, elles deviennent très douces et très suaves.

 

La maladie vaut une bonne discipline et un rude cilice. Oh ! combien plaisent à Dieu les disciplines que lui-même nous envoie !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA SOLITUDE INTÉRIEURE.

 

 

Examinez-vous bien vous-même pour voir si Dieu seul vit en vous. Vous le saurez en examinant si vous avez une intention pure dans toutes vos œuvres, et si vous vous appliquez de plus en plus chaque jour à la rendre déiforme, c’est-à-dire, toute divine, en faisant toutes vos actions en Dieu et pour son seul amour, en les unissant à celles de Jésus-Christ, Notre Seigneur, qui est notre voie, notre vérité, notre vie (Joan. XIV. 6.). En effet, vous êtes mort, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ (Col. III. 3.). Puisque vous êtes mort à tout ce qui n’est pas Dieu, tenez-vous dans un détachement parfait de toute créature ; soyez vraiment pauvre et dépouillé ; détachez-vous encore de toute consolation sensible : notre mauvaise nature s’en mêle trop ; elle se fait ravisseuse des dons de Dieu, chose dangereuse et fort nuisible. Mettez tous vos soins, avec la grâce de Jésus-Christ, à demeurer au-dedans de vous-même dans une vraie solitude intérieure, pour devenir de vrais adorateurs de Dieu en esprit et en vérité. Tout cela se fera si vous avez soin de vous rapetisser toujours davantage : Dieu aime les âmes enfantines, il leur enseigne cette sublime sagesse qu’il a cachée aux sages et aux prudents du monde (Matth. XI. 25.). Ne vous éloignez jamais des plaies sacrées de Jésus-Christ. Ayez soin que votre cœur soit tout environné et pénétré des souffrances de notre divin Rédempteur, et soyez sûr que Lui, le divin Pasteur, vous conduira à son bercail comme ses chères brebis. Et quel est le bercail de cet aimable Pasteur ? Eh bien ! c’est le sein de son Père céleste. Le Seigneur Jésus réside dans le sein du Père, et c’est là qu’il conduit et fait reposer ses brebis. Or, ce travail tout céleste et divin se fait dans la demeure intérieure de notre âme, par le moyen de la foi pure et nue, du saint amour, du détachement des créatures, de la pauvreté d’esprit et d’une parfaite solitude intérieure. Mais une grâce si éminente ne s’accorde qu’à ceux qui s’efforcent d’avancer chaque jour dans l’humilité, la simplicité, la charité.

 

Le silence et la retraite sont deux moyens très efficaces pour s’élever à Dieu et entrer dans le sanctuaire de son amour… Sedebit solitarius et tacebit : quia levavit super se [Quand Dieu le lui impose, qu'il s'asseye à l'écart, en silence] (Thr. III. 28.)… Cum quietum silentium contineret omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, Omnipotens Sermo tuus de caelo [Pendant qu'un profond silence enveloppait tout le pays, et que la nuit était arrivée au milieu de sa course rapide, votre Parole toute-puissante s'élança du haut du ciel] (Sap. XVIII. 14, 15.) etc. Quand l’âme tient les passions assujetties, quand elle vit retirée en Dieu, quand elle chemine à la lumière de la foi, elle est dans ce grand silence et dans ce minuit que Dieu recherche ; alors le Verbe divin prend naissance d’une façon toute spirituelle, toute divine, dans cette âme.

 

Si vous voulez conserver ou acquérir le don d’oraison, gardez avec soin le recueillement intérieur au milieu même des occupations, en faisant des retours fréquents vers Dieu. Veillez sur vos sens et principalement sur les yeux ; car, lorsqu’on se tient sur la porte et aux fenêtres de la maison, on voit bien ce qui se passe au dehors, mais non ce qui se passe au-dedans ; tout au contraire, quand on se tient dans l’intérieur de la maison, rien de ce qui s’y fait ne nous échappe… Celui-là qui s’applique à la modestie des yeux, acquerra le recueillement intérieur.

 

Gardez bien le sanctuaire de votre âme ; tenez toujours allumées devant l’autel les trois lampes de la foi, de l’espérance et de la charité.

 

Profonde humilité, silence, anéantissement respectueux devant Dieu : voilà le moyen de voler bien haut.

 

Quand vous vous trouverez plus enfoncé dans la solitude intérieure, et que vous reposerez plus paisiblement dans le sein du Père céleste, gémissez comme un enfant, et dites-lui quelle est la méchanceté du démon à votre égard. Il le sait déjà ; mais il veut que vous vous en plaigniez avec des gémissements d’enfant. Dites-lui, en vous humiliant profondément, qu’il ne permette pas au démon de vous molester davantage.

 

Lorsque l’âme se trouve dans cette douce solitude, dans ce silence sacré de foi et d’amour, si elle éprouve quelque impulsion intérieure, quelque réveil d’amour qui la porte à prier pour les besoins de l’Église ou du monde, pour des besoins particuliers ou généraux, elle doit aussitôt le faire ; mais ce mouvement intérieur cessant, elle soit se remettre aussitôt dans son repos en Dieu. Si ce repos se convertit en sommeil d’amour et de foi, il n’en sera que mieux. La divine Bonté, je l’espère, vous fera entendre ce langage, pourvu que vous soyez bien humble et que vous vous teniez bien dans votre néant.

 

Aimez la retraite intérieure ; reposez-vous dans l’esprit de Dieu, avec la vue de votre néant, et vous ferez bien toutes choses, vous mêlerez ensemble l’action et l’oraison.

 

Mettez tous vos soins à rester dans la solitude et à demeurer véritablement dans votre intérieur.

 

Fuyez le monde ; et commencez par mettre généreusement le respect humain sous vos pieds ; ne rougissez pas d’être serviteur de Jésus-Christ. Regardez ce monde avec l’horreur que vous inspirerait la vue d’un criminel pendu à une potence. Sachez qu’on y respire un air empesté des mille péchés qui s’y commettent, et qu’il faudrait pleurer avec des larmes de sang.

 

Que voulons-nous faire de ce monde où l’on ne respire qu’un air empoisonné par tant de crimes ?

 

Je vous prie de fermer la porte à toutes les créatures et de vous tenir bien enfermé dans le secret de votre cœur, pour traiter seul à seul avec le Bien-Aimé ; il ne faut avoir de rapport avec les créatures qu’autant que le réclament la charité et les convenances, et rien de plus.

 

L’oratoire et la cellule sont le paradis terrestre des vrais serviteurs de Dieu.

N’ayez que trois lieux de délices, savoir : l’oratoire, la cellule et le temple intérieur de votre âme qui est le principal. 

 

Les parloirs sont la ruine des monastères.

 

Gardez le silence comme une clef d’or, destinée à conserver le trésor des autres vertus que Dieu a mises en nous.

 

Le moment est venu de vous tenir dans la solitude intérieure, et de prendre un repos plein d’amour dans le sein de Dieu. Là vous apprendrez à devenir un saint.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LE DÉTACHEMENT PARFAIT.

 

 

Ne manquez pas de pratiquer la véritable pauvreté d’esprit, en vivant dans un détachement parfait de toute consolation sensible, tant intérieure qu’extérieure, pour ne pas tomber dans le vice de la gourmandise spirituelle. Il faut nous détacher de la satisfaction propre, du jugement propre et du propre sentiment, pour ne pas tomber dans la curiosité spirituelle, et pour pratiquer la véritable pauvreté d’esprit.

 

Vous ne devez pas trop faire attention ni vous arrêter à certaines faveurs, mais bien à la source divine d’où dérivent ces ruisseaux ; les ruisseaux sont bons, parce qu’ils dérivent de la source ; mais la source vaut mieux.

 

Abîmez-vous et perdez-vous de plus en plus en Dieu, par un amour pur, net et dégagé de toute propriété ; ne faites pas attention aux consolations sensibles ; faites-en plutôt un sacrifice au Seigneur. Mettez ces faveurs dans l’encensoir de votre cœur et dans le feu du pur amour, et offrez-en le parfum à Dieu avec reconnaissance, tout en demeurant vous-même dans une vraie nudité d’esprit.

 

Les arbres qui sont au bord des rivières reçoivent, immobiles, leur arrosement et laissent couler les eaux, sans changer eux-mêmes de place ; ainsi lorsque l’âme reçoit l’impression des faveurs divines, elle doit rester immobile en Dieu, le donateur suprême, sans nul retour sur soi ; car par des retours sur les dons et les douceurs, elle aurait grandement à craindre l’illusion.

Les dons de Dieu laissent dans l’âme qui est humble, une grande connaissance de son néant, l’amour des mépris, la ferveur pour tous les exercices de la vertu ; ils nous portent à garder le secret pour toutes les créatures, excepté pour le Père spirituel ou directeur.

 

L’âme ne doit pas se reposer sur le don, mais sur le donateur.

Quand on va au jardin, ce n’est pas pour cueillir les feuilles, mais les fruits ; de même dans le jardin sacré de l’oraison, il ne faut pas s’amuser aux feuilles des sentiments et des consolations sensibles, mais bien recueillir les fruits des vertus de Jésus-Christ.

 

Conservez votre esprit libre et pur de tout fantôme, dépouillé de toutes les créatures, afin qu’il soit plus en état de s’unir au souverain Bien par une volonté fervente.

 

Si vous voulez que Dieu opère de plus en plus ses merveilles dans votre âme, vous devez vous conserver, autant que possible, dans une abstraction parfaite de tout ce qui est créé, dans une sincère pauvreté d’esprit et dans une véritable solitude intérieure. Laissez aller vos puissances et vos sentiments, comme les brebis de Moïse, jusqu’au fond du désert, parce qu’ils retournent heureusement à leur source. O perte infiniment riche ! ô désert sacré, dans lequel l’âme apprend la science des saints, comme Moïse dans la solitude du mont Horeb !

 

Heureuse l’âme qui se détache de son propre sentiment, de son esprit propre ! Profonde leçon que celle-là ! Dieu vous la fera comprendre, si vous mettez votre contentement dans la croix de Jésus-Christ, dans la mort sur la croix du Sauveur à tout ce qui n’est pas Dieu.

 

O silence ! ô sommeil sacré ! ô solitude précieuse ! soyez de plus en plus humble, tenez-vous toujours dans une vraie pauvreté d’esprit, dépouillez-vous de tous les dons, car nous les souillons par nos imperfections ; faites-en un sacrifice de louange, d’honneur et de bénédiction au Très-Haut, en demeurant dans votre nudité. Ce sacrifice doit se faire dans le feu de l’amour, sans jamais sortir du désert sacré.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LE SACRE CŒUR DE JÉSUS.

 

 

Que votre cœur se consume toujours plus en holocauste dans le sanctuaire du Cœur sacré de Jésus, et laissez tomber les cendres de la victime dans l’océan sans bornes de la divine charité. Le moment est venu de mourir plus que jamais à tout ce qui n’est pas Dieu, afin de traiter plus amoureusement seul à seul avec lui. Vous n’avez que faire des créatures. Demeurez le plus possible seul, caché, enfermé, enseveli dans le grand sanctuaire du Cœur divin ; c’est là que l’Époux céleste donne à boire ce vin qui enivre, embaume, fortifie, vivifie, enflamme, élève et fait voler à la contemplation du Monarque suprême ; c’est là qu’on apprend la science des saints qui n’est communiquée qu’aux humbles.

 

Soyez vraiment dépouillé, retiré, anéanti dans le Cœur de Jésus… Dans le Cœur de Jésus, on compatit à ses peines, et l’âme se plonge dans le bain sacré de son Sang qui a la vertu de nous faire brûler d’amour.

 

Dans le Cœur de Jésus, gardez sans cesse le recueillement intérieur ; aucune aridité n’y peut mettre obstacle. Il n’importe pas d’avoir le sentiment et le goût de la présence divine ; mais il importe beaucoup de vous tenir en cette présence par la foi pure, et en vous dégageant de toute satisfaction propre.

 

Entrez dans le Cœur de Jésus ; mais non, tenez-vous à la porte de ce divin Cœur, et là humiliez-vous et demandez pardon de tant d’imperfections et d’ingratitudes ; et puis, profitez de la permission pour entrer ; mais faites-vous petit, et brûlez, réduisez-vous en cendres, laissez le Saint-Esprit élever et plonger entièrement cette cendre dans l’abîme immense de la divinité.

 

Quand vous vous serez bien anéanti, bien méprisé, bien abaissé dans votre néant, demandez à Jésus-Christ la permission d’entrer dans son Cœur divin ; et vous l’obtiendrez sur-le-champ. Là, placez-vous comme une victime sur cet autel divin où brûle toujours le feu du saint amour ; laissez-vous pénétrer, jusqu’à la moelle des os, de ses flammes sacrées ; laissez-vous-y réduire tout en cendres ; puis, si le souffle très doux de l’Esprit-Saint élève cette cendre à la contemplation des divins mystères, laissez à votre âme la liberté de s’abîmer dans cette sainte contemplation. Oh ! combien cette pratique plaît à Dieu !

 

O Jésus, mon souverain Bien, lorsque vous fûtes flagellé, quels étaient les sentiments de votre Très Saint Coeur ! O cher Époux de mon âme, combien vous affligeait la vue de mes grands péchés et de mes ingratitudes ! O mon Amour, que ne puis-je mourir pour vous !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LA PAIX DU CŒUR.

 

 

Tenez-vous tranquille dans le Cœur très aimant de Jésus ; ne perdez pas la paix, lors même que le monde serait bouleversé.

 

Une des meilleures preuves qu’on avance dans la vertu, c’est d’être en paix au milieu des attaques et des contradictions des créatures. Soyez ferme sur ce point, et moquez-vous de tous les assauts de l’enfer. Témoignez plus que jamais votre fidélité à Dieu en vous reposant sur la Croix, en vous maintenant dans une grande égalité d’esprit, en vous montrant, autant que possible, calme, serein, tranquille, sans vous plaindre. Buvez doucement le calice que vous offre Jésus-Christ lui-même ; s’il est amer au palais, il est doux au cœur. Ce que je vous recommande, c’est de conserver votre cœur en paix et sans trouble. Que le monde aille sens dessus dessous, maintenez votre cœur en paix. Rien ne peut nous séparer de Dieu que le péché. Du péché, vous n’en voulez pas ; donc, vive Jésus ! Ayons constamment le cœur tourné du côté du paradis.

 

Conservez la paix intérieure à tout prix ; ne faites aucun cas des craintes, des scrupules. L’expérience vous apprendra que ces vaines craintes de péché, etc., que j’appelle de vraies folies, doivent être consumées dans le feu de l’amour. Je vous prie d’estimer beaucoup cette grande grâce qui vous est accordée, d’avoir toujours le cœur contrit et humilié.

 

Faites un faisceau de toutes vos réflexions, de vos craintes et autres enfantillages inutiles, et jetez-les dans le feu de la divine charité ; elles y seront aussitôt consumées ; et vous, continuez à vous tenir dans une solitude intérieure, et reposez votre âme dans le sein de notre Père céleste.

 

Ayez grand soin de garder la tranquillité du cœur, parce que Satan pêche dans l’eau trouble.

 

La pensée que vous avez de faire des péchés en toutes choses est une suggestion maligne du démon ; ce n’est pas vrai. Humiliez-vous devant Dieu ; fuyez au plus profond de ce désert sacré dont je vous ai parlé, plongez-vous entièrement dans le souverain Bien, et laissez-vous réduire en cendres dans le feu sacré de l’amour. Croyez-m’en, ce feu divin consumera tous les brouillards et la poussière des scrupules, et votre âme en deviendra plus pure et plus belle aux yeux de l’Époux divin. Là, il faut vous tenir dans un silence de foi et d’amour, comme une victime offerte en holocauste à la gloire de Dieu, sans faire le moindre retour sur les scrupules ; méprisez-les courageusement, et reposez-vous en paix dans le sein de Dieu. Les visites miséricordieuses que vous fait le divin Sauveur, ne sont point sujettes à illusion ; elles vous font connaître combien il vous aime, et en même temps que vos scrupules sont un artifice du démon.

 

Quand vous serez tenté de scrupules, dites : Oui, mon Jésus, oui, j’ai la ferme confiance que vous m’avez pardonné ; mes confessions ont été bien faites, puisque mon Père spirituel me l’a dit ; je crois à votre ministère et non au démon qui cherche à me perdre et à m’ôter la paix du cœur. Ainsi, mon âme, bon courage ! Dieu t’a pardonnée, espère en lui. O mon Dieu, mon bon Père ! j’espère en vous, je crois en vous, je vous aime. Esprit infernal, fuis loin de moi. Non, plus de scrupules, de craintes, de doutes. Que l’amour de mon Époux Jésus règne en moi. Vive l’amour de Jésus !

 

 

 

 

LA PASSION

ET LES ILLUSIONS.

 

 

Il est certaines imaginations qui se figurent avoir des visions : à quoi cela sert-il ?... Oh ! voilà des inutilités dont le démon s’amuse. Le malin ne se presse pas, mais il va doucement afin de mieux tromper…

 

Ces visions, ces élévations, ces lumières, etc., sont d’autant plus suspectes qu’elles sont plus fréquentes. Ainsi, dit un grand Saint, le mieux est de toujours les rebuter, de les chasser avec constance et de ne pas s’y fier, surtout quand elles viennent des femmes, dont l’imagination est plus vive. En agissant ainsi, on agit bien, parce que si elles viennent de Dieu, elles ne laisseront pas de produire leur effet, quoiqu’on les chasse ; et si elles viennent du diable, comme c’est plus ordinaire, en les chassant on se garantit de l’illusion.

 

Les locutions sont très dangereuses, et je ne puis les approuver. Je vais vous en dire la raison, me fondant sur le peu d’expérience que Dieu m’a donné. Quelle nécessité y a-t-il que Dieu révèle à un novice qu’il désire plus de ferveur, de la part de ses confrères, dans la communion ? Est-ce que par hasard leur maître ne sait pas cela de lui-même, à l’aide des lumières que Dieu lui donne pour son emploi ? Et d’autre part, ne sait-il pas aussi que Dieu est très offensé, surtout par les sacrilèges ? Vous voyez donc que cette locution n’est pas nécessaire. Dieu ne révèle qu’en vue de sa gloire et des besoins de la sainte Église ; et ce qu’on peut savoir par les Livres saints ou par l’expérience que Dieu donne, et surtout par les lumières qu’il accorde à ceux qui sont en charge, il n’y a aucune ombre de raison à désirer de l’apprendre par des locutions.

Quand Dieu parle aux âmes par le moyen de lumières ou d’impressions, à la manière des Anges, et sans paroles articulées, ces locutions sont très sublimes et ne sont pas sujettes à illusion, étant purement intellectuelles. Dans ce cas Dieu parle avec grande majesté, et sa parole produit des effets inexplicables.

Si les locutions sont accompagnées de paroles articulées intérieures, et qu’elles viennent de Dieu ou de l’Ange parlant, comme c’est le plus ordinaire, au nom du souverain Maître, alors aussi elles ont quelque chose d’imposant : les paroles sont nobles, magnifiques ; elles produisent ce qu’elles signifient, font une impression merveilleuse, éclairent d’une manière céleste, élèvent l’âme en Dieu, etc.

Sur cent et peut-être sur mille de ces locutions articulées, à peine s’il y en a une ou deux de véritables ; il est difficile, même aux grands maîtres, de discerner les vraies d’avec les fausses, celles de l’esprit propre d’avec celles de l’ennemi, qui sait feindre des effets tout semblables en apparence à ceux de l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi le meilleur parti à prendre, c’est d’enjoindre à celui qui les a de les chasser toujours ; de s’humilier devant Dieu et de protester que la foi lui suffit avec les Livres saints et les avis de son Père spirituel qui parle au nom de Dieu… De la sorte on glorifie Dieu, en se défiant de soi-même, en s’humiliant et en s’estimant indigne de telles faveurs, et on se préserve de toute illusion. En effet, si ces locutions viennent de Dieu, elles auront infailliblement leur effet salutaire ; l’âme n’en sera pas privée, quoi qu’elle fasse pour les chasser ; et en pratiquant l’obéissance qui est si chère à Dieu, elle se met à l’abri de l’illusion.

 

Voici quels sont les effets des opérations divines et des opérations sataniques.

Les choses de Dieu et ses faveurs nous donnent une grande connaissance de son infinie majesté, une grande connaissance de notre néant, tellement que l’âme s’abaisserait jusque sous les pieds du démon, pour ainsi dire, tant est bas le sentiment qu’elle a d’elle-même ; les dons de Dieu produisent un grand détachement de toutes choses, un grand amour pour la Croix et les souffrances, une parfaite condescendance et une obéissance exacte pour tout ce qui n’est pas péché ; ils produisent une indicible paix avec l’intelligence des choses célestes ; ils produisent une inclination particulière pour l’oraison, etc. Quelquefois ils produisent tous ces effets ensemble et d’autres encore, quelquefois ils les produisent en partie ; mais il est vrai qu’ils inspirent toujours de bas sentiments de soi-même, une haute idée et un profond respect de la majesté de Dieu.

Au contraire, les opérations du démon semblent d’abord donner un sentiment de dévotion, mais qui ne dure pas ; elles engendrent une présomption secrète et l’estime de soi-même ; elles sont suivies, sinon immédiatement, au moins après quelque temps, de troubles d’esprit, de soulèvements des passions, d’opiniâtreté, d’où naissent le manque d’estime pour le prochain et l’attache à son propre jugement. Les opérations du démon produisent ces effets et d’autres semblables.

 

Dans la Passion point d’illusion ; non, point d’illusion dans la Passion.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LES PRATIQUES DE LA VIE CHRÉTIENNE.

 

 

Je vous donne quelques avis spirituels, afin que vous avanciez chaque jour avec une plus grande ferveur dans l’amour de Dieu.

En premier lieu, observez avec une parfaite exactitude la sainte loi du Seigneur. Ayez une crainte filiale pour ce Dieu si digne d’amour, qui nous a créés et rachetés. Sachez que plus un fils aime tendrement son père, plus il craint de l’offenser et de lui déplaire. Cette sainte crainte sera un frein qui vous empêchera de tomber dans le péché. Aimez Dieu, ce tendre père, d’un amour ardent ; mettez en lui la plus douce confiance ; que toutes vos actions, toutes vos paroles, vos soupirs, vos peines et vos larmes, soient un holocauste offert à son saint amour.

Pour conserver ce divin amour, fréquentez les sacrements. Ne vous approchez du saint autel que pour embraser toujours plus votre âme au foyer du saint amour. Je ne vous dis rien de la préparation : vous ferez de votre mieux, je le pense : souvenez-vous qu’il s’agit de l’acte le plus saint qu’il soit possible de faire.

Allez souvent à l’Église adorer le Très Saint Sacrement, et visitez avec une fervente piété l’autel de la sainte Vierge. Ne passez pas un jour sans consacrer une demi-heure ou du moins un quart d’heure à l’oraison mentale sur la douloureuse Passion du Sauveur.

Ayez un souvenir continuel des agonies de notre Amour crucifié ; et sachez que les plus grands saints, qui maintenant, au ciel, triomphent dans le saint amour, sont arrivés à la perfection par cette voie. Ayez une tendre dévotion aux douleurs de Marie, à son Immaculée Conception, à votre Ange gardien, à vos saints patrons et surtout aux saints Apôtres.

Faites souvent des oraisons jaculatoires, et toujours du fond du cœur. Je vous en indique ici quelques unes.

– Ah ! Mon Dieu, que je voudrais ne vous avoir jamais offensé ! – Espérance de mon cœur, plutôt mourir mille fois que de pécher encore ! – Ah ! mon Jésus, quand donc vous aimerai-je ? – Ah ! mon souverain Bien, blessez, blessez mon cœur de votre saint amour ! – Qui ne vous aime pas, ô mon Dieu, ne vous connaît pas ! – Ah ! si tous vous aimaient, ô Amour infini ! – Quand est-ce que mon âme sera tout embrasée de votre sainte charité ?

 

Dans les peines et les épreuves vous direz :

Que vous sainte volonté soit faite, ô mon Dieu ! – Qu’elles soient bienvenues, les afflictions ! – Chères souffrances, je vous embrasse et je vous presse contre mon cœur ! Soyez des perles précieuses que m’envoie le Seigneur ! – Quelle belle souffrance ! – Ah ! chère main de mon Dieu, je vous baise ! – Bénie soit la verge sainte qui me frappe avec tant d’amour ! – Ah ! tendre Père, il m’est bon d’être humilié !

 

Vous pourrez faire ces oraisons jaculatoires en marchant, en travaillant, et même dans la compagnie des autres ; car, si les hommes sont autour de votre corps, ils ne sont pas autour de votre cœur ; c’est par le cœur que vous pourrez faire du bien à votre âme, au milieu même des occupations les plus sérieuses.

Lisez chaque jour quelque livre de piété, et fuyez comme Satan la mauvaise compagnie. Obéissez avec la plus grande exactitude. L’obéissance est une perle céleste. Jésus-Christ, par obéissance, a laissé sa très sainte vie sur le bois dur de la croix.

Ayez une charitable compassion pour les pauvres. Soyez juste envers tous… Humiliez-vous devant tout le monde pour l’amour de Dieu.

Enfin, je vous prie de vous souvenir toujours du saint commandement de l’amour que donna Jésus-Christ à ses disciples avant d’aller à la mort : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés moi-même » (Joan. XIII. 34.) Ah ! quel doux langage !... Souvenez-vous que jamais vous ne plairez à Dieu, si vous ne vous aimez les uns les autres. Qu’il n’y ait jamais aucune dissension parmi vous ; et si parfois il vous échappe quelque parole amère, adoucissez-vous aussitôt, ne continuez pas à parler, ne laissez pas maîtriser votre cœur par la colère.

Je vous place dans les plaies sacrées de Jésus-Christ, sous la protection de la Mère des douleurs ; oui, c’est là que je vous place. Je prie la sainte Vierge de baigner votre cœur de ses larmes douloureuses, afin qu’elle y imprime un continuel souvenir de l’horrible Passion de Jésus-Christ et de ses propres douleurs. Je la prie de vous obtenir la persévérance dans le saint amour, la force et la résignation dans la souffrance. Recevez donc pour votre grande protectrice Notre-Dame des Douleurs, et n’abandonnez jamais la méditation de la Passion de Jésus-Christ. Que Dieu, dans sa miséricorde, répande sur vous sa sainte bénédiction. Priez-le aussi pour moi. Deo gratias et Mariae semper Virgini.

 

 

 

 

LA PASSION

ET LE RÈGLEMENT DE VIE.

 

 

1. Le matin, à peine levée, faites environ une heure d’oraison mentale, et puis la communion spirituelle.

2. Entendez la sainte Messe et, s’il survient quelque empêchement, supportez-le avec patience.

3. Le reste du temps jusqu’au dîner, travaillez, l’esprit uni à Dieu, dans un saint silence ; lorsqu’on vous interroge cependant, répondez avec douceur, bonne grâce et charité.

4. Une demi-heure avant le dîner, lisez un peu ; et si vous le pouvez, restez recueillie aux pieds du saint crucifix, un quart d’heure environ.

5. Dînez en paix ; observez une discrète mortification (2).

6. Après dîner, prenez votre récréation en compagnie, toujours pleine de douceur et de charité.

7. Jusqu’à cinq heures ou un peu plus tard, travaillez, toujours l’esprit uni à Dieu ; puis préparez-vous à l’oraison mentale, et faites-en une heure.

8. Soupez ; puis un peu de récréation ; retirez-vous, faites l’examen de votre conscience, la lecture spirituelle, la prière vocale du soir, et prenez votre repos.

Je vous recommande la présence de Dieu, source de tout bien. Que Dieu vous donne sa bénédiction.

 

(2) Saint Paul de la Croix avait tracé les grandes lignes de ce règlement de vie pour une jeune personne de grande famille. La douceur, la suavité, la discrétion, la liberté d’esprit, et en même temps quelque chose de grave, d’austère, tout y indique l’école de saint François de Sales. Voir l’Histoire de S. Paul de la Croix, p. 190. 

 

 

 

LA PASSION

ET LES MAXIMES DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE.

 

 

I.

Passion de Jésus-Christ.

 

La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ est la voie la plus courte de la perfection.

 

La vie de Jésus-Christ ne fut qu’une croix.

 

Dieu nous fait un grand honneur quand il nous appelle à marcher dans la même voie que son Fils unique.

 

Si vous correspondez aux vues de Dieu, il fera de vous un saint.

 

Soyez magnanime, et souvenez-vous que nous devons marcher sur les traces de Jésus crucifié.

 

Le serviteur de Dieu qui n’est point crucifié avec Jésus-Christ, qu’est-il ?

 

Il n’est pas digne de la contemplation divine, celui qui n’a point combattu et vaincu quelque grande tentation.

 

Dieu a tant souffert pour moi : est-ce trop que je fasse quelque chose pour son amour ?

 

II.

Eucharistie.

 

La sainte communion est le moyen le plus efficace qu’on puisse trouver pour s’unir à Dieu.

 

La plus digne préparation pour s’approcher de la table sacrée, c’est de tenir son cœur bien purifié, et d’exercer une grande vigilance sur sa langue qui est la première à toucher le Très Saint Sacrement.

 

Le jour où nous avons fait la sainte communion, il faut se conduire de manière que notre cœur soit un tabernacle vivant du doux Jésus-Eucharistie ; et là, le visiter souvent au-dedans de nous avec des actes d’adoration, d’amour et de remerciement ; c’est ce que nous enseignera le saint amour.

 

Quand un prince envoie un de ses ministres dans un pays lointain, il le fournit de tout ce qui est nécessaire pour arriver heureusement à sa destination ; le Seigneur, mon Dieu et mon Père, m’a donné, comme viatique, son Fils unique.

 

III.

Oraison.

 

L’oraison est la grande voie de la sainteté.

 

Hélas ! on entre aisément dans la voie de la perdition, quand on néglige l’oraison.

 

Celui qui veut acquérir l’esprit d’oraison, s’y rendre toujours disposé, et en conserver le fruit, doit nécessairement se tenir continuellement en la présence de Dieu, non avec une application sèche et stérile, mais avec tranquillité, avec amour, pour se pénétrer de l’Esprit de Dieu.

 

La pierre de touche de l’oraison, ce sont les fruits qu’elle produit.

 

On va au jardin, non pour cueillir les feuilles, mais les fruits ; de même dans le jardin sacré de l’oraison, il ne faut pas rechercher les feuilles de la dévotion sensible et des consolations, mais cueillir les fruits de l’imitation des vertus de Jésus-Christ.

L’oraison, qui humilie l’âme, qui l’enflamme d’amour et l’excite à la vertu, n’est jamais une oraison d’illusion.

Dans l’oraison, l’âme s’unit à Dieu et se transforme en lui par amour.

 

Celui qui ne peut donner beaucoup de temps à l’oraison à cause des devoirs de son état, ne doit pas s’en inquiéter ; qu’il travaille à remplir ses devoirs avec exactitude et pureté d’intention, n’ayant que Dieu en vue : ce sera là une très bonne oraison.

 

IV.

Présence de Dieu.

 

Par la pensée habituelle de la présence de Dieu, on parvient à faire oraison vingt-quatre heures dans le jour.

 

Le souvenir continuel de la présence de Dieu engendre dans l’âme un état divin.

 

V.

Péché.

 

Comment pourrait-on avoir le courage de commettre le péché en face de la Croix ?...

 

VI.

Foi.

 

Conduisez-vous par la foi.

 

La vraie voie de la sainteté, c’est la voie de la foi : celui qui marche dans la pure foi vit dans un entier abandon entre les mains de Dieu, comme un enfant sur le sein de sa mère.

 

VII.

Espérance.

 

L’espérance est de précepte ; je dois donc espérer mon salut.

 

Lorsque nos péchés nous épouvantent et que nous craignons d’être damnés, pensons aux mérites de Jésus crucifié ; et nous sentirons notre esprit se ranimer dans l’espérance. 

 

Ayons grande confiance que, par les mérites infinis de la Passion de Jésus-Christ et les douleurs de la Sainte Vierge, nous chanterons à jamais les miséricordes du Très-Haut.

 

VIII.

Charité envers Dieu.

 

L’amour de Dieu est jaloux ! Un grain d’affection déréglée pour les créatures suffit pour tout ruiner.

 

Celui qui veut devenir un grand saint doit travailler à ce que Dieu seul vive en lui : il comprendra qu’il y est parvenu s’il fait toutes ses actions pour l’amour de Dieu et en union avec les actions de Jésus-Christ, qui est notre voie, notre vérité, notre vie.

 

Le cœur des vrais serviteurs de Dieu doit être comme un autel où s’offre chaque jour l’or d’une charité ardente, l’encens d’une continuelle et humble oraison, la myrrhe d’une incessante mortification.

 

Dans l’enfer, jamais ne voir Dieu ! Toujours être privé de Dieu !... Oh ! quelle dure nécessité de haïr éternellement celui qui nous aime de toute éternité !

 

Tenez toujours le feu de la charité allumé sur l’autel de votre cœur.

 

IX.

Charité envers le prochain.

 

Celui qui considère, à la lumière de la foi et dans le Cœur du divin Rédempteur, de quel prix sont les âmes, n’épargne ni travaux, ni souffrances, ni périls pour les aider et secourir dans leurs besoins spirituels.

 

Ayez un cœur plein de compassion pour les pauvres, et secourez-les avec amour, autant que vous le pourrez, parce qu’ils portent gravé sur leur front le Nom de Jésus-Christ.

 

Quand vous n’avez pas le moyen de secourir votre prochain, recommandez-le avec ferveur à Dieu, dont le souverain domaine tient toutes les créatures sous sa main.

 

Les avertissements donnés avec douceur sont des remèdes qui guérissent toutes les plaies ; au contraire, les avertissements donnés avec âpreté n’en guérissent aucune, mais en font dix.

 

Appliquez-vous à agir avec douceur ; parlez avec le repos de l’esprit, avec le calme de la voix, et vous ferez plus de profit.

 

La pauvreté est bonne, mais la charité vaut mieux.

 

X.

Pauvreté.

 

La pauvreté, tant abhorrée du monde, est une riche perle précieuse, et contient tout bien devant Dieu.

 

Oh ! quel bonheur on trouve dans la vie commune ! Un trésor précieux est renfermé dans la vie commune et parfaite.

 

Mon Seigneur Jésus crucifié, je proteste que je ne veux rien des choses de la terre ; car vous me suffisez seul, vous, mon Dieu et mon Bien !...

 

XI.

Chasteté.

 

Pour conserver la sainte pureté, il faut l’aimer beaucoup, se défier de soi-même, et se tenir en garde envers tout le monde ; en un mot, il faut craindre et fuir.

 

A qui aime la sainte pureté, les conversations avec les personnes d’un autre sexe paraissent toujours longues et fatigantes, quelque courtes qu’elles soient.

 

La prière, la lecture des saints livres, la fréquentation des sacrements, et en particulier la fuite de l’oisiveté sont les gardiennes de la sainte pureté.

 

Celui qui ne mortifie pas sa bouche ne saura pas, non plus, mortifier sa chair.

 

Combien doit être pur et sans tache le cœur qui porte écrit le très saint Nom de Jésus !...

 

XII.

Obéissance.

 

Quand il s’agit d’obéir, il faut baisser la tête : remettez-vous tellement dans les mains des supérieurs, qu’ils puissent faire de vous tout ce qu’ils veulent, pourvu que ce ne soit pas opposé à la loi divine : sans cela, vous ne pourrez jamais goûter combien doux est le service de Dieu.

 

Désirez avec l’ardeur de la soif qu’a le cerf pour l’eau des fontaines, qu’en tout et toujours votre volonté propre soit rompue ; et regardez comme perdu le jour où vous ne l’aurez point soumise à autrui.

 

Plus vous serez obéissant, plus vous serez calme, tranquille et indifférent pour tel ou tel emploi qui vous sera imposé.

 

Celui qui est vraiment obéissant se rend toujours plus apte à aider de sa prière la sainte Église et l’Ordre religieux auquel il appartient : car Jésus-Christ exauce la prière de ceux qui sont obéissants.

 

XIII.

Humilité.

 

Un tout petit grain d’orgueil suffit pour renverser une grande montagne de sainteté ; pénétrez-vous donc bien de la connaissance de vous-même, et rentrez dans votre néant.

 

Soyez mort à tout ce qui n’est pas Dieu ; et tenez-vous dans une très haute abstraction de toute créature, dans une vraie pauvreté et nudité d’esprit, et dans une parfaite solitude intérieure. Tout cela vous sera facile, si vous vous faites petit ; car Dieu aime les âmes enfantines, et leur enseigne cette haute sagesse qui est cachée aux sages et aux prudents du monde.

 

Plus nous creusons en nous, plus nous y trouvons l’horrible Néant, que nous devons jeter et se laisser évanouir dans le Tout infini. Ces deux lettres, Un N et un T, font la grande perfection.

 

XIV.

Volonté de Dieu.

 

Ne désirez rien tant que d’être tout transformé dans le bon plaisir de Dieu.

 

Aussitôt que l’on connaît la volonté de Dieu, on doit la suivre sans retard aucun, et s’y conformer de la même manière que la cire, à l’approche du feu, prend la forme que veut lui donner l’ouvrier.

 

Quelque chose qui nous arrive, nous ne devons point nous troubler, mais, calmes et tranquilles, nous devons dire : Que la volonté de Dieu soit faite !... laissons faire ; que le Seigneur soit à jamais béni ; ce qu’il veut, je le veux aussi, dans le temps comme dans l’éternité.

 

Quand le Seigneur veut quelque chose pour sa gloire, il ne cesse d’aiguillonner jusqu’à ce qu’on l’ait exécuté.

 

XV.

Confiance en Dieu.

 

Si notre salut n’était que dans nos mains, nous devrions craindre beaucoup ; mais comme il est dans les mains de Dieu, nous pouvons reposer tranquillement en lui.

 

Celui qui se relève après ses chutes, avec une grande confiance en Dieu et une profonde humilité de cœur, deviendra dans les mains de Dieu un instrument propre à opérer de grandes choses. Mais celui qui se conduit différemment ne pourra jamais rien faire de bon.

 

Ne vous défiez jamais du secours divin : vous feriez une grande injure au Père des miséricordes.

 

Il faut veiller sur soi, il faut avoir la confiance la plus filiale en Jésus-Christ, en la très sainte Vierge, aux Anges et aux Saints ; mais, pour les hommes, il faut les fuir : c’est le conseil de l’Ange à saint Arsène.

 

Ayez bon courage ; tenez pour certain que Dieu ne vous abandonnera jamais, mais qu’il vous assistera et vous donnera le nécessaire.

 

Faisons le bien, et puis abandonnons-nous dans les bras de la divine Providence : Dieu est notre Père.

 

Courage et confiance en Dieu ! Alors tout marchera bien : sans cela tout sera ruiné.

 

Voyez sainte Thérèse : les obstacles enflammaient son ardeur à établir ses monastères ; les oppositions pour elle étaient un présage manifeste de la gloire que donneraient à Dieu les œuvres ainsi combattues.

 

Abîmez-vous tout en Dieu, et reposez votre esprit dans le sein du Père céleste.

 

XVI.

Amour des souffrances.

 

L’âme est un grain que Dieu sème dans le champ de l’Église ; pour produire des fruits de vertus et de mérites, il faut qu’il meure sous les terribles coups des peines, des douleurs, des contradictions et des persécutions.

 

Plus notre croix est douloureuse et pénétrante, plus grand est notre avantage ; plus la souffrance est privée de consolations, plus elle est pure ; plus les créatures nous sont contraires, plus nous sommes près de l’union avec le souverain Bien, notre Créateur.

 

Celui qui croit souffrir beaucoup prouve par là combien peu il aime le Seigneur ; car le pur et véritable amour de Dieu fait toujours paraître petit et peu de choses ce que l’on souffre pour l’amour divin.

 

Il devient bientôt saint et parfait, celui qui met en pratique ces deux paroles : souffrir et se taire.

 

Gardez le silence comme une clef d’or.

 

Les longues maladies sont les plus grandes grâces que Dieu puisse accorder aux âmes qu’il chérit le plus.

 

Vous aurez une grande croix ; portez-la avec patience et le Paradis sera à vous.

 

Vois ce que font les soldats de la terre pour garder quatre murailles… Et toi, soldat du ciel, que ne dois-tu pas faire pour la royauté de ton âme ?

 

Vous devez être crucifié au monde, c’est-à-dire, avoir en horreur tout ce qu’aime le monde.

 

Voici deux maximes que je vous prie de graver dans votre mémoire : 1° ne jamais se justifier ; 2° travailler, souffrir et se taire. Mettez-les en pratique, et vous serez des saints.

 

Dans vos peines ayez recours à Marie, et Marie remédiera à tout.

 

Savez-vous pourquoi Dieu vous soumet à tant de misères et de peines ? parce qu’il veut vous donner les richesses du ciel.

 

La souffrance est courte, ne dure qu’un moment ; la jouissance sera éternelle.

 

Craignons d’être privés des souffrances plus que l’avare de ses trésors.

 

Les souffrances sont les pierres précieuses de Jésus crucifié.

 

Vos souffrances, ô le Dieu de mon coeur, sont un gage de votre amour.

 

Il arrive souvent que la foudre éclate et qu’en frappant le sommet dépouillé des montagnes, elle découvre une mine d’or. Souvent le coup de foudre découvre cette mine en certaines âmes. Le Seigneur fait sortir un grand bien de leurs épreuves.

 

XVII.

Détachement de soi-même.

 

Heureuse l’âme qui se détache de sa propre satisfaction, de sa propre volonté, de son sens propre ! Sublime enseignement que celui-là ! Dieu l’apprendra à tous ceux qui placeront leur contentement dans la croix de Jésus-Christ.

 

L’amour-propre est un dragon à sept têtes ; il veut les introduire partout : voilà pourquoi il faut toujours craindre cette audacieuse bête, et se tenir en garde contre elle.

 

Estimez les choses d’autrui, et méprisez les vôtres ; fiez-vous à tous, excepté à vous-même.

 

Il est nécessaire de se persuader qu’on n’a rien, qu’on ne peut rien, qu’on ne sait rien.

 

Ne rien avoir, ne rien pouvoir, ne rien savoir !... et Dieu fera sortir de ce néant l’œuvre de sa plus grande gloire.

 

XVIII.

La mort.

 

Chaque fois que la mort m’inspire quelque crainte, je la dissipe aussitôt en pensant à la Passion de Jésus-Christ.

 

Dans le fond, mourir n’est pas une chose horrible, mais aimable. Si la mort est la privation de la vie, elle nous est ôtée par le même Dieu qui nous l’a donnée.

 

J’accepte la mort de bon cœur.  Celui qui est coupable de lèse-majesté doit mourir ; je suis coupable : il est donc juste que je meure.

 

Après des souffrances d’un moment, la miséricorde divine vous réserve une éternité de joie.

 

Dites-moi : Que voudriez-vous avoir fait si vous deviez mourir à cet instant même ? Voudriez-vous avoir vécu dans les richesses qui, d’ordinaire, entraînent à de grands péchés, et puis être jeté dans l’enfer ? ou bien avoir mené une vie pauvre, et vous envoler au ciel ?

 

 

 

Que la Passion de N.S. J.-C. et les douleurs de sa divine Mère soient toujours dans nos cœurs !

 

 

 

TABLE.

 

Approbation du T.-R. P. Provincial.

Approbation de son Éminence le Cardinal Donnet archevêque de Bordeaux.

Dédicace

Préface

 

FLEURS DE LA PASSION.

 

La Passion et la Voie de la perfection

La Passion et le Crucifix.

La Passion et l’Eucharistie.

La Passion et l’Enfance spirituelle.

La Passion et la Vierge Marie.

La Passion et l’Oraison.

La Passion et l’Oraison.

La Passion et la Présence de Dieu.

La Passion et le Péché.

La Passion et le Ciel.

La Passion et la Foi.

La Passion et l’Espérance.

La Passion et la Charité envers Dieu.

La Passion et la Charité envers le prochain.

La Passion et la Pauvreté.

La Passion et la Chasteté.

La Passion et l’Obéissance.

La Passion et la Mortification.

La Passion et l’Humilité.

La Passion et la sainte Volonté de Dieu.

La Passion et la Confiance en Dieu.

La Passion et les Souffrances.

La Passion et les Épreuves de l’âme.

La Passion et la Maladie.

La Passion et la Solitude intérieure.

La Passion et le Détachement parfait.

La Passion et le Sacré-Cœur de Jésus.

La Passion et la Paix du cœur.

La Passion et les Illusions.

La Passion et les Pratiques de la vie chrétienne.

La Passion et le Règlement de vie.

La Passion et les Maximes de la perfection chrétienne.